En allant en finale de la Coupe, les joueurs brugeois ont apporté la plus belle des réponses à tous ceux qui les ont critiqués.
Le Club de Bruges est décidément une équipe de coupe. Les Blauw en Zwart s’apprêtent à disputer le 26 mai au stade Roi Baudouin, leur 16e finale. Sur les 15 précédentes, ils en ont remporté neuf. Pour Gaëtan Englebert, ce sera la quatrième apothéose. Lors des trois précédentes, il en a gagné deux (contre Mouscron et Beveren) et perdu une (contre le Germinal Beerschot).
Le Liégeois est, avec Philippe Clement, le plus ancien joueur de l’effectif brugeois (si l’on excepte Sven Vermant, qui s’est payé une petite expérience à l’étranger entre ses deux périodes flandriennes). Ce fut, sans conteste, sa saison la plus mouvementée. Au niveau de l’équipe, mais aussi sur le plan personnel puisqu’il fut accusé par un journal flamand ( Het Nieuwsblad) de pourrir l’ambiance dans le vestiaire. L’histoire pourrait finalement bien se terminer : la Coupe de Belgique peut sauver une saison noire. Donné pour mort à la 80e minute de la demi-finale aller à Gand, alors qu’il était mené 3-0, Bruges a inscrit par Bosko Balaban un but qui s’est révélé d’une importance cruciale au décompte final. Car, vainqueur 2-0 au retour, le Club s’est qualifié au bénéfice de ce but inscrit à l’extérieur, toujours prépondérant en cas d’égalité.
Aujourd’hui, c’est un ouf de soulagement ?
Gaëtan Englebert : Le ouf de soulagement, on le poussera au soir du 26 mai, si l’on gagne la finale. Vu que l’on rencontre le Standard et pas Anderlecht, on n’a encore rien en main au coup d’envoi. La participation à la Coupe de l’UEFA n’est pas assurée, il faudra s’imposer au stade Roi Baudouin pour être européen. L’avantage, c’est qu’on sait ce qu’il nous reste à faire. On a notre sort en mains. En championnat, on était obligé de tabler sur un faux pas de l’adversaire. A quelques semaines de la fin de la compétition, cela devenait de plus en plus improbable.
Malgré tout, on sent un Bruges revigoré : 4-0 contre le Lierse et 2-0 contre Gand, avec d’excellentes prestations à la clef. Est-ce déjà l’effet Jacky Matthijssen ? Les joueurs ont-ils envie de se montrer aux yeux de leur futur entraîneur ?
Je ne pense pas que ces quelques matches de fin de saison changeront l’opinion de Jacky Matthijssen à notre égard. Les joueurs de Bruges ne sont pas des inconnus, et notre futur entraîneur n’a pas besoin de nous voir encore à l’£uvre pour se faire une opinion. Je crois surtout que les joueurs ont pris conscience que la Coupe de Belgique était l’ultime opportunité de sauver une saison très décevante. Si Gand a montré un visage décevant, la semaine dernière, c’est peut-être aussi grâce à la détermination dont on a fait preuve. On a apporté la plus belle des réponses à tous ceux qui nous ont critiqués : on a répondu sur le terrain. C’est vrai qu’on est passé tout près de l’élimination. Lorsqu’on était mené 3-0 à Gand, peu de gens auraient encore osé miser un euro sur nos chances. Le but de Bosko Balaban, en fin de match, a changé la donne. A Courtrai, au tour précédent, on était également passé par le chas de l’aiguille. On avait gagné le match aller 2-1 et, au stade des Eperons d’Or, on était virtuellement éliminés lorsque le club de D2 a mené 1-0 à un quart d’heure de la fin. Mais, la Coupe de Belgique, c’est aussi ça : on peut passer très vite de l’enfer au paradis.
Si vous êtes européen, au détriment d’une équipe comme La Gantoise, le Standard ou même Charleroi qui ont livré une saison plus convaincante que la vôtre, ce serait un peu inespéré, non ?
Peut-être, mais l’histoire ne retiendra que les noms des clubs qui s’afficheront au palmarès : le champion et le vainqueur de la coupe. Les autres, on les oubliera. C’est clair que la Coupe de Belgique peut sauver pas mal de choses pour Bruges. On a besoin d’un trophée pour que la saison soit réussie.
Si vous gagnez, sera-ce grâce à Cedomir Janveski ?
En partie, oui, puisqu’il est sur le banc. Il a insufflé la rage de vaincre, alors qu’Emilio Ferrera insistait davantage sur l’organisation et l’aspect tactique. Mais il ne faut pas oublier que, malgré cette qualification pour la finale de la Coupe de Belgique, les résultats n’ont pas été meilleurs en championnat avec Janevski qu’avec Ferrera. Il a essayé de changer les choses, mais a été confronté avec une situation dont il n’était pas responsable : un retard au classement, certaines choses qui se disaient sur le groupe et les joueurs.
» Il y a eu tant de choses négatives »
C’est votre huitième saison à Bruges : la plus difficile ?
Je ne dirais pas la plus difficile, même si elle fut la moins bonne au niveau des résultats en championnat. Mais la plus mouvementée, certainement. Il s’est passé beaucoup de choses négatives.
Comment expliquez-vous cette saison difficile ?
En fait, je trouve que le déclin du Club de Bruges a déjà commencé la saison dernière. Nos performances en Coupe d’Europe, lorsqu’on avait terminé troisièmes de notre poule de Ligue des Champions et qu’on avait poursuivi l’aventure en Coupe de l’UEFA, avaient un peu masqué les lacunes perceptibles en championnat. Il faut se souvenir qu’à cinq journées de la fin, on n’occupait pas une place européenne non plus, en championnat. On a alors pris 13 points sur 15 sous la houlette d’Emilio Ferrera. Je pensais alors qu’on était bien reparti. Le début du championnat actuel semblait confirmer cette impression : on a battu le PSG lors des Mâtines Brugeois et on a commencé le championnat par un 5-0 face à La Gantoise. Mais, une semaine plus tard, on s’inclinait à Roulers. C’est arrivé plusieurs fois cette saison : on n’a jamais été constant, on a rarement pu aligner deux bonnes prestations d’affilée. Ce n’est plus le Bruges d’il y a trois ans.
A quoi est-ce dû ?
Le Club a modifié, sur deux mois, beaucoup de choses qui s’étaient révélées des réussites pendant cinq années. La force de Bruges, c’était la continuité. Le groupe était resté le même pendant cinq ans, que ce soit au niveau des joueurs, de l’entraîneur, du staff technique ou du staff dirigeant. Il y avait, certes, l’un ou l’autre départ et l’une ou l’autre arrivée, mais dans l’ensemble, l’ossature restait la même. Puis, les départs sont devenus plus nombreux : il y a eu celui de Trond Sollied, mais aussi celui de joueurs emblématiques du Club comme Timmy Simons, Gert Verheyen, Rune Lange, David Rozehnal et d’autres encore. Lorsqu’il faut reconstruire une demi-équipe, ce n’est jamais facile. Cela prend du temps. Idem avec les secousses au sein de la direction. Les changements dans les bureaux se sont reflétés sur le terrain. Le club était sans doute obligé de changer, s’il voulait continuer à grandir, mais lorsqu’on traverse une période de mutation, ce n’est jamais facile.
Marc Degryse a-t-il commis une erreur en engageant des joueurs à son image, plus technique, alors que la force de Bruges a toujours résidé dans la puissance, l’engagement et le collectif ?
Difficile à dire. Une équipe doit être capable d’évoluer et, donc, de changer de style. Marc Degryse a aussi voulu créer le concept de la grande famille brugeoise. Cela se reflétait au niveau de la direction, mais aussi de l’équipe, où de jeunes joueurs formés au Club ont été introduits. Malheureusement, les résultats n’ont pas suivi et la direction a été obligée de changer son fusil d’épaule.
Lorsque tout allait mal, Cedomir Janevski avait déclaré : » Jan Ceulemans et Emilio Ferrera avaient raison, ce n’était pas au niveau de l’entraîneur que le bât blessait « . Etait-ce au niveau des joueurs, alors ?
Peut-être, on a certainement notre part de responsabilités ; mais en fait, c’était un ensemble de choses. Les différents changements d’entraîneurs ont amené de nouvelles façons de travailler et de nouvelles façons de jouer. Il a fallu s’y habituer. Mais ce n’est pas une excuse : on aurait dû, malgré tout, faire mieux que ce que l’on a fait. La presse est aussi devenue plus virulente. Autrefois, Bruges était encore un club familial, où les petits problèmes se réglaient en interne et où tout n’était pas étalé sur la place publique. Aujourd’hui, on nous juge différemment : un faux pas est moins facilement pardonné. Jadis, il nous arrivait aussi d’avoir de moins bons résultats pendant quelques semaines, mais cela passait inaperçu. Aujourd’hui, il en va différemment et je peux le comprendre, car c’est un peu la rançon de la gloire et une conséquence des bons résultats engrangés au cours des dix dernières années. Ce qui est plus dérangeant, c’est que le moindre incident est grossi.
» Je n’en veux pas aux supporters… »
Vous êtes bien placé pour en parler, puisque vous avez été la cible du Nieuwsblad ?
Malheureusement, oui. Je peux accepter que l’on critique mes qualités de footballeur. Qu’on s’en prenne à l’homme, c’est beaucoup plus dur.
Les coups de sifflets des supporters ont dû vous faire mal ?
Je n’en veux pas aux supporters. Lorsqu’ils lisent un article dans la presse, ils ont tendance à croire ce qui est écrit. Les coups de sifflet ne m’ont pas fait plaisir, mais une semaine plus tard, c’était oublié. J’ai répondu sur le terrain.
Vous n’êtes donc pas la pomme pourrie dans le vestiaire ?
S’il n’y avait eu que cela dans l’article, ce n’était rien. Mais il y avait le reste : les sorties, les problèmes de contrat. Tout ce qui était susceptible de fâcher des supporters sur un joueur figurait dans l’article.
Etes-vous bien accepté par le groupe ?
Par 90 % des joueurs, oui. Il y a toujours 10 % de gens à qui l’on ne plaît pas, mais c’est inévitable.
Avec Philippe Clement et Sven Vermant, vous êtes les plus anciens. Vous sentez-vous investi d’un rôle de leader ?
Je crois que, dans un groupe, les leaders se détachent naturellement. Ils doivent gagner le respect de leurs partenaires par leurs prestations sur le terrain, pas par la parole. Il n’y a plus de vrais leaders comme autrefois à Bruges. On se répartit la tâche.
Ce sera votre quatrième finale de Coupe de Belgique. Que vous inspire-t-elle ?
Il y a longtemps que la Coupe de Belgique n’avait plus vécu une pareille apothéose, entre deux clubs prestigieux. Logiquement, le stade sera plein. Disputer une finale, quel que soit l’adversaire, c’est toujours un événement, mais devoir battre le Standard, c’est tout de même autre chose que devoir battre Beveren. Et puis, lorsqu’on évoque un match face au Standard, comment ne pas évoquer le fameux 4-4 en championnat ? Ce fut un tournant dans notre saison : être rattrapé dans les arrêts de jeu alors qu’on a mené 4-1, cela porte un coup au moral. Dans la foulée, juste avant la trêve, on a perdu le derby contre le Cercle, ce qui n’était plus arrivé depuis longtemps. Au lieu du six sur six espéré, on n’a eu qu’un point sur six. On est donc parti en vacances avec, dans la tête, une grosse frustration et l’obligation de faire face à une grosse pression. Face au Standard, en championnat, on a perdu plus que deux points. On a perdu la confiance.
par daniel devos
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