Distance critique

L’homme à tout faire des Hurlus a endossé le costume de directeur technique et pousse son analyse au paroxysme.

Il a laissé son bureau près des vestiaires à Ariel Jacobs pour prendre possession d’un autre, un étage plus haut, avec vue sur la pelouse. Quelques mois après avoir remisé son costume d’entraîneur au placard pour endosser celui de directeur technique, Gil Vandenbrouck qui aura occupé toutes les fonctions à l’Excel, revient sur ses premiers pas dans sa nouvelle fonction. Il a retrouvé l’ombre mais cela lui convient parfaitement. Sa fin de règne à la tête de l’équipe Première ne restera pas gravée dans sa mémoire. Les résultats ne suivant plus, il avait lui-même décidé de céder le relais à une personne au discours neuf.

Vous vous êtes fait discret depuis votre changement de fonction. Pourquoi avez-vous décidé de quitter un vestiaire qui vous respectait encore ?

Gil Vandenbrouck : Je constatais que les points ne suivaient plus et qu’on reculait au classement. Je trouvais qu’il n’y avait pas assez de réaction au niveau de l’équipe. On était occupé à vivre dans une certaine fatalité. Je ne voyais pas chez certains joueurs la volonté de s’en sortir. Un choc était nécessaire à ce groupe. C’était une façon de leur dire que je n’étais pas du tout content d’eux et que ça se ferait sans moi.

Comment le groupe a-t-il vécu votre départ comme coach ?

Je ne sais pas car je me suis vite retiré. J’ai encore dû coacher une rencontre dans cette situation – ce que je ne trouvais pas vraiment sympa.

Vous vous trouviez dans une impasse ?

Le groupe se lamentait sans trouver de solutions…

Mais n’est-ce pas le rôle de l’entraîneur de trouver des solutions ?

Oui, peut-être. Mais je n’avais plus l’énergie à ce moment-là pour en trouver. Je ne voulais pas être concerné par la descente vu les qualités du groupe. Or, cela commençait à devenir le cas. J’avais certainement une part de responsabilité et je voulais aussi assumer et laisser la place à quelqu’un capable de tirer davantage de ce noyau.

Pourquoi se diriger vers le poste de directeur technique ?

J’avais déjà en tête cette idée pour l’année prochaine. Je trouvais en effet que cette fonction manquait à l’Excel et qu’il fallait quelqu’un qui prenne en charge toute l’organisation générale sans que l’entraîneur doive tout le temps s’en occuper.

C’est une déception de ne pas avoir réussi à s’inscrire comme coach dans la durée ?

J’ai toujours dit que cela n’était absolument pas nécessaire pour moi d’être un entraîneur de D1.

Ne prend-on pas goût à cela ?

Sincèrement, pour l’avoir vécue pendant plus d’un an, je ne trouve pas la vie d’entraîneur de D1 passionnante. On s’enferme dans une logique de matches et on n’a plus d’ouverture sur rien. On pense à la rencontre suivante, à son équipe, à l’adversaire, on vit toute la semaine avec son staff et son groupe et on ne voit plus personne.

Plus d’ouverture sur rien ?

Non. Maintenant, je vois plein de gens. Des managers, des dirigeants d’autres clubs. Je retrouve du temps pour regarder les équipes de jeunes. Alors que quand tu es entraîneur, tu restes dans ta bulle.

Oui mais cette remarque ne vaut-elle pas aussi pour le poste d’adjoint que vous avez occupé ?

Un adjoint est plus libre et a plus de temps pour voir ce qui se passe au niveau des jeunes, de l’équipe Réserve, du scouting. Il sait faire le lien et s’il veut s’investir, c’est possible. Moi, j’ai pris autant de plaisir à être adjoint qu’entraîneur principal.

 » Entraîner était difficilement combinable avec mes traitements à l’hôpital  »

Vous souffrez de problèmes rénaux graves qui vous forcent à des visites régulières à l’hôpital : votre choix fut-il dicté par votre santé ?

Le défi était important et à l’arrivée, c’était peut-être un peu difficile de combiner. C’était compliqué à vivre sur le plan familial et cela a certainement influencé ma décision. Quand tu es entraîneur, l’horaire devient plus strict. Tout est minuté. Or mes traitements sont aussi extrêmement minutés.

Et votre état de santé s’est dégradé ?

Non. Cela reste stationnaire. Mais je perds beaucoup de temps avec cela. Maintenant, j’ai plus de liberté dans mon horaire. Les jours où je dois aller à l’hôpital, je finis plus tôt et les jours où je ne dois pas y aller, je peux rester plus tard au stade. Tandis que quand j’étais entraîneur, je partais vite, vite sinon je devais attendre une heure à l’hôpital car tout le monde passait avant moi.

Est-ce qu’entraîner vous fatiguait davantage ?

Oui quand même. Avec le recul, je me dis que c’est difficilement combinable. Même si je m’en doutais dès le début.

S’agissait-il d’une forme de défi ?

Pour l’instant, la maladie ne m’a jamais vraiment arrêté car j’ai toujours continué à travailler. Quasiment personne ne travaille dans mon état. Cependant, j’ai réussi ce pari pendant un an. C’est donc possible.

Ce changement de fonction vous a-t-il été dicté par la direction ?

Non. Il s’agissait vraiment d’une proposition de ma part. Peut-être les dirigeants avaient-ils en tête de prendre une décision dans les semaines à suivre mais pas à ce moment-là.

Finalement, êtes-vous parti sur un sentiment d’échec ?

Sur un sentiment mitigé. Si la fin était moins gaie, je garde de bons souvenirs. Les entraînements restaient dynamiques même si on n’avait pas un groupe facile. Je ne suis pas tout à fait déçu ni tout à fait heureux. Je suis content de l’avoir fait mais j’aurais aimé que cela se termine mieux.

C’est facile de traiter avec des joueurs que l’on connaît parfaitement bien ?

Les joueurs trouvent que c’est un job pour moi car je connais la maison. De l’équipe Première aux jeunes. Pour répondre à votre question, je pense que c’est plus facile d’évaluer des éléments qu’on a vus en action. On juge ces gens sur leur réel apport et pas sur des perceptions de tribunes. Certains sont ce que j’appelle des joueurs de tribune, ceux qui savent mettre le public en poche mais qui, à l’analyse, ne se révèlent pas vraiment efficaces.

Ces joueurs de tribune doivent se faire du mouron pour leur avenir à Mouscron ?

Tous les footballeurs veulent gagner le plus possible d’argent mais cela se mérite. Pour obtenir une augmentation, il faut avoir presté, être titulaire, etc. Cela ne sert à rien de rentrer dans ce bureau en disant – Lui est arrivé l’année passée, il a eu autant, je veux donc autant. C’est exclu ! Ce n’est pas parce qu’on a offert deux ou trois plantureux contrats à certains joueurs que tout le monde en aura à cette hauteur-là.

Quels sont les joueurs de tribune à Mouscron ?

(Il réfléchit). Ceux pour lesquels j’hésite à offrir une reconduction de contrat. Je suis très attentif sur les prestations de ces trois prochaines semaines avant d’ouvrir la négociation avec eux.

Qui est concerné ?

Un gars comme Karim Fellahi. Il monte vraiment en puissance ces derniers temps. Il fait de très bonnes choses. Mais il est ici depuis deux ans et si on fait le bilan global, – même si lui dira qu’il n’a pas eu l’occasion de jouer souvent, ce qui est juste – on ne peut pas dire que cela soit tout à fait positif. Bien entendu, s’il joue encore de la sorte, il est possible qu’on l’invite autour de la table. Et c’est important d’avoir des responsables sportifs qui disent aux dirigeants – C’est un bon joueur mais il faut aussi tenir compte de son âge, de son passé, du pourquoi il n’a pas presté avant.

Et quels sont les autres joueurs en balance ?

Il n’y en a plus beaucoup. On n’a encore rien décidé car Ariel Jacobs ne le voulait pas tant que l’on n’était pas mathématiquement sauvé. Cependant, je trouve que l’on ne doit pas changer grand-chose à cette formation. Elle n’évolue pas mal du tout pour le moment et les éléments amenés en janvier (Matthieu Assou-Ekotto et Michaël Niçoise), même s’ils ne jouent pas tellement, ne sont pas des mauvais transferts. Il faudra juste pallier au départ éventuel d’Adnan Custovic. Pour le reste, en sachant que Demba Ba revient et que la défense tient la route, on ne cherche pas beaucoup de joueurs.

 » Mbo Mpenza est le bienvenu mais on n’est pas capable d’honorer le contrat qu’il a à Anderlecht  »

Le président Philippe Dufermont ne serait pas contre un gros transfert…

Mbo Mpenza est vraiment le bienvenu. Herman Van Holsbeeck est d’accord pour qu’on discute avec le joueur mais on n’est absolument pas capable d’honorer le contrat que Mbo a à Anderlecht. Et c’est hors de question de vendre Custovic pour payer Mbo pendant deux ans. Cela me semble donc un peu compliqué mais cela vaut la peine d’essayer.

Un autre gros transfert est-il envisageable ?

C’est possible oui. Tout dépend du transfert de Custovic. Si on touche un bon montant, on le réinvestira dans un autre bon élément. Cependant, pour le président, la vente de Custovic n’est pas obligatoire.

Quels seront les critères retenus pour rester ou arriver à Mouscron ?

Il faut pouvoir nous rendre de précieux services, accepter la hiérarchie et participer à la vie de groupe.

Cela signifie-t-il que cette vie de groupe fut mise en péril par certains cette saison ?

Les Français ne se sont pas toujours fondus dans le moule. Ils se sont souvent retrouvés ensemble, à six, sept, à former une petite équipe au sein du noyau. Je le leur ai dit à maintes occasions. Après le match, on leur demande de passer boire un verre à la salle des joueurs. Il y en a qu’on n’a jamais vu. Or, quand on fait partie d’une équipe de 25 professionnels, il faut savoir discuter un peu avec tout le monde. A un moment, on a eu cinq Croates : ce n’était pas non plus une réussite sur le plan relationnel. Personne ne les comprenait. Cependant, est-ce que c’est encore financièrement possible pour une équipe comme Mouscron de garder une identité belge ?

Et il faudra aussi penser à un nouvel entraîneur…

Oui sans doute. Mais le chantier n’est pas encore officiellement ouvert car Van Holsbeeck m’a seulement juste dit qu’Anderlecht avait un intérêt certain pour Ariel Jacobs. Evidemment, on pense que cela va se faire et on cherche déjà des pistes. C’est un peu embêtant car il s’agit encore une fois d’un nouvel entraîneur. Cela fait beaucoup trop ces dernières saisons.

Le successeur est-il déjà connu ?

Non. On ne peut pas dire que les candidatures affluent. Pour le moment, on nous propose des noms. Mais, on prend le temps de bien réfléchir car l’entraîneur est très important. Il faudra quelqu’un de charismatique, capable de tenir le vestiaire. Pour le reste, désormais, il ne devra plus s’occuper de la politique des jeunes. Je suis là pour cela. Un entraîneur, ici, il est tranquille. Il peut se concentrer sur son travail. Et donc, je ne vais pas dire que je râle mais quand j’entends qu’Ariel Jacobs partirait pour un poste d’adjoint, cela me chagrine un peu.

Les problèmes financiers sont-ils désormais vraiment résolus ?

C’est dans le rétro. Je n’ai jamais eu de souci concernant la licence. Je n’aurais pas compris qu’on ne nous la donne pas alors qu’on l’avait reçue l’année précédente.

Et comment le président Dufermont dirige-t-il le club ?

Il en a confié la gestion à son chief executive, Benoît Roult. La collaboration se passe bien. Même si le président est absent, on sent qu’il a tout à fait pris le club en main.

par stéphane vande velde – photo : reporters / mossiat

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