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DIMENSION ASTRA

Genk découvre la Roumanie ce jeudi à Giurgiu, quelque part entre des amicaux truqués et chasse aux gnous. Voyage dans un univers parallèle : la dimension Astra.

Le fair-play n’a plus de frontières. La corruption non plus. La scène se déroule il y a un mois sous un soleil d’hiver chypriote. L’Astra Giurgiu affronte en amical les Polonais du Pogon Szczecin. Alors que le marquoir cherche à se faire déflorer, l’arbitre de la rencontre siffle un penalty imaginaire.

En désaccord avec la décision de l’homme en noir, Daniel Niculae pose le cuir et l’envoie volontairement à côté. Peu avant la pause, le même cas de figure se produit pour les adversaires des Dracii Negri, les  » Diables Noirs  » dans la langue de Gheorghe Hagi. Même résultat : raté intentionnel du joueur polonais.

La blague ne s’arrête pas là. Au retour des vestiaires, le score pointe à 1-1 quand la cote de paris pour 3,5 buts marqués tombe à 1,55. Le portier habituellement remplaçant, George Gravilas,se troue par deux fois et l’Astra s’incline 3-1. Un résultat parfait, juste supérieur à la fameuse cote à 3,5 buts. Quelques jours plus tôt, Giurgiu s’impose face à Ekaterinbourg (4-2). Là aussi, l’agence Federbet s’interroge sur des modifications anormales de cotes qui collent avec l’évolution de la rencontre.

 » TU PARIES OU QUOI ?  »

Une enquête de la Gazeta Sporturilor relate tout un système de trucages de matches amicaux par le biais de deux arbitres roumains. Ces derniers officient dans les lieux de stages prisés par les clubs de l’Est, en Turquie et à Chypre, sous une fausse identité. Ils se font ainsi passer pour des Bulgares afin de diriger la rencontre entre Giurgiu et Szczecin. Très vite épinglés, les deux hommes demeurent introuvables.

Durant ladite rencontre, Marius Sumudica s’adresse à l’arbitre avec véhémence :  » Tu paries ou quoi ? Qu’est-ce que tu veux ? Arrêtez le match !  » Le T1 de Giurgiu revient pourtant d’une suspension de deux mois pour… avoir misé de l’argent sur le championnat roumain et l’Europa League.

C’est peu dire que la sérénité ne règne pas sur les bords du Danube. Sumudica, est en conflit avec le propriétaire du club, Ioan Niculae. En cause, son vrai-faux départ quelques semaines plus tôt. Zamalek, en Égypte, et surtout Gaziantepspor, en Turquie, veulent s’attacher les services de Sumudica.Niculae demande une indemnité de 150.000 euros, prévue dans le contrat, mais Zamalek se montre réticent.

Niculae est clair : si Sumudica veut absolument partir, il doit alors s’acquitter lui-même de la somme. L’entraîneur de 45 ans refuse tandis qu’il se rapproche sensiblement de Gaziantep, qui lui propose un salaire multiplié par cinq. Et bien qu’il ait déjà pris congé de ses joueurs, il se ravise suite au double-attentat à Istanbul en décembre.

UN PROPRIO EN PRISON

L’Astra a malgré tout parcouru du chemin depuis la reprise de Niculae en 1996. À ce moment-là, l’entité reste une habituée des divisions inférieures, basée à Ploiesti. Ce n’est qu’en 2012 qu’elle déménage à Giurgiu, une bourgade d’un peu plus de 60.000 habitants dans la région natale de son proprio. Dès la saison suivante, le club dispute l’Europe pour la première fois de son histoire. Mais une fois encore, des déboires extra-sportifs font surface.

Ioan Niculae se retrouve visé par des accusions de fraudes fiscales, puis pour le financement illégal de la campagne présidentielle de Mircea Geoana en 2009. Le 2 avril 2015, Niculae, l’homme le plus riche du pays selon le classement Forbes 2013, est condamné à deux ans et demi de prison ferme. Il sort en juillet dernier mais reste poursuivi par la justice roumaine pour d’autres affaires épineuses. Son casier judiciaire s’agrandit à mesure qu’il réduit son apport financier à l’Astra.

Histoire d’avoir un CV bien rempli, le sexagénaire est également pris dans un tourbillon médiatique pour son péché mignon : la chasse. En 2014 notamment, il se serait fait plaisir en traquant des lions, des gnous, des buffles et des éléphants en Afrique du Sud. Il aurait aussi été un informateur de Securitate, sorte de FBI roumain.

TOMBEURS DE WEST HAM

Avant de rencontrer West Ham en juillet 2015, pour les préliminaires de C3, Marius Sumudica s’inquiète :  » Ils ont 30 joueurs, on en a 13…  » Entre exodes voulus et exils forcés, l’instabilité du club sur tous les plans ne joue pas en sa faveur. Un mois plus tard, Sumudica en remet une couche :  » J’ai maintenant 25 joueurs dans mon équipe. Au total, l’ensemble de leurs salaires revient à seulement 130.000 euros par mois « . Et la Liga 1 n’est pas vraiment réputé pour ses paiements ponctuels.

Mais le marasme qui entoure l’équipe ne l’empêche pas de réaliser plusieurs performances notables. En 2014, les Dracii Negri éliminent l’Olympique Lyonnais et se qualifient pour la première fois de leur histoire pour les poules de l’Europa League. L’exploit se réitère l’année suivante au même stade. C’est au tour de West Ham de repartir la queue entre les jambes. Le squad de Slaven Bilic subit une seconde fois le courroux des diables noirs des Carpates en août dernier.

Si l’équipe de Sumudica se noie à Rome cette saison (4-0), elle enchaîne ensuite quatre matches sans défaite pour composter son ticket pour les 16e. Jamais l’Astra n’a été aussi loin. Après un titre historique en 2016, Giurgiu réalise un exercice moyen et est désormais orpheline de son buteur Denis Alibec. Parti cet hiver au Steaua, il n’a pas laissé un souvenir impérissable à Malines en 2011. Face à Genk, l’ancien d’Auxerre Daniel Niculae tentera de le faire oublier. En espérant qu’il soit aussi précis que pour ses penaltys chypriotes.

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTO REUTERS

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