» DESCHACHT EST UNE LÉGENDE « 

Les entraînements à la cool sous Vanden Brom, la claque face à Paris, la méthode Hasi ou la jeunesse au pouvoir, le Français passe tous ces thèmes en revue avec un smiley pour ponctuer le tout.

Il est un peu l’anti Karim Benzema. Alors qu’il est de bon ton de se la jouer boxeur intimidant son adversaire, Fabrice Nsakala préfère la pose plus souriante. Même quand ça ne rigole pas des masses, comme ces dernières semaines. Arrivé l’an dernier en provenance de Troyes, le Parisien s’est imposé avant de céder le relais à l’indéboulonnable Olivier Deschacht qui a embarqué le bon wagon menant vers le titre. Cette saison, le Français veut jouer les premiers rôles au sein d’un club qu’il a très vite adopté et réciproquement. Il nous explique, en long et en large, comment il compte s’y prendre.

Comment expliques-tu cette mode du  » tirage de tronche  » chez les footballeurs ?

C’est une posture. Le joueur se dit peut-être qu’il est plus charismatique s’il garde son sérieux. J’en connais beaucoup qui, hors des terrains, rigolent beaucoup mais qui, dès qu’ils voient une caméra, se figent. Je pense aussi que beaucoup de joueurs se disent que le foot est davantage un métier ou un business qu’un plaisir. Et pourtant quand on regarde un joueur comme Zlatan, on voit qu’il s’amuse sur un terrain. C’est ce qui fait notamment sa force.

As-tu conscience d’être un privilégié ?

Oui, j’en ai conscience. J’ai pas mal d’amis qui ont grandi dans le foot comme moi ou qui sont même passés pros et qui auraient aimé être à ma place. Des gens qui ont pourtant tout donné mais qui n’ont pas eu la chance de connaître ce que je vis. J’ai tous les ingrédients (sic) pour être heureux.

Que font tes amis aujourd’hui ?

Certains travaillent par exemple à la SNCF (la Société Nationale des Chemins de Fer Français), l’un était notamment pro comme moi, avant que ça ne coince mentalement. J’ai aussi mon ami d’enfance qui était beaucoup plus fort que moi mais qui n’a pas pu signer en centre de formation. C’est compliqué pour une mère de laisser partir son enfant à 11, 12 ans alors qu’on n’a pas fini nos études ou plutôt pas commencé… J’ai eu la chance que la mienne me laisse l’opportunité de vivre ma passion.

 » Je ne vais plus au kébab d’à-côté  »

Le foot est-il resté un hobby ?

Oui, le plaisir de l’enfance est toujours là. Il m’arrive de me rendre dans des clubs partenaires où je joue avec les enfants et ça m’amuse. Et puis, j’ai été à leur place, je rêvais quand les pros débarquaient. Maintenant que j’ai l’opportunité de leur offrir du bonheur, je m’y rends avec joie. C’est comme si j’avais de l’or dans les mains. Et j’essaie de le partager du mieux que je peux. C’est de cette manière que je vis le foot.

Qu’est-ce qui a disparu par rapport à l’enfance ?

C’est mon métier, il faut donc savoir quand on peut rigoler et quand il faut travailler. Quand on est petit, on ne s’échauffe pas et on frappe au but. Il y a pas mal de choses qu’on ignore. Je ne vais plus au kébab d’à-côté avec les potes dès l’entraînement terminé. Désormais, c’est étirement, bac de glace, etc. On se doit de prendre soin de soi.

Tu es également très à l’aise devant les caméras. Est-ce que cela s’explique par les cours de com’ donnés en centre de formation ?

Les jeunes du groupe me demandent souvent d’où me vient cette aisance devant la caméra. Je leur dis que ce n’est rien d’autre que converser avec quelqu’un. J’ai aussi bénéficié de sessions de media training plus jeune. Je n’ai en tout cas pas de problèmes avec les médias, au contraire ça m’amuse. Et ça me permet de garder une certaine visibilité, ce qui n’est pas négligeable. Il arrive qu’après un match, le journaliste soit surpris de me voir fâché, moi qui suis d’habitude si souriant. Mais je ne vais pas quand même pas sourire après en avoir pris 5 comme contre Paris…

Justement contre Paris l’an dernier, tu étais apparu au micro très décontracté, voire souriant, après la débâcle… Tu ne donnais pas l’impression d’avoir intégré un club comme Anderlecht.

Et pourtant, la déception était énorme. Avant le match, j’avais charrié mon pote, Blaise Matuidi, lui disant qu’on allait faire un truc, tenir tout le match et avec un petit contre l’emporter 1-0. Au final on en prend 5 ! Certains joueurs d’en face n’ont pas hésité à me titiller, à me faire des clins d’oeil pendant la rencontre. Les joueurs du PSG ont fini par m’arracher un sourire. De toute façon y’avait pas photo, on avait reçu une leçon. Heureusement il y a eu cette belle réaction au match retour.

 » Anderlecht et Paris, c’est pareil  »

As-tu le sentiment qu’Anderlecht reste un club important ?

Bien sûr. Pour moi, Anderlecht face à Paris c’est pareil, c’est le grand club belge qui rencontre le grand club français. C’est le genre de match que tout le monde attend. Alors quand on prend 5-0, c’est pas normal.

Etiez-vous trop respectueux ce soir-là ?

Le problème était davantage tactique. Si on oppose la première partie de saison et la deuxième, la différence est criante sur ce point. Surtout quand on voit comment on a terminé le championnat avec un bloc compact où chaque rôle était parfaitement défini. Avant cela, on laissait bien plus d’espace, il y avait moins de communication. Le changement de coach a responsabilisé le groupe et physiquement, c’était totalement autre chose. On a effectué pour la première fois des entraînement à vide, c’est à dire sans ballon. Sous Vanden Brom, on travaillait beaucoup le jeu de passes mais pas le mouvement. Beaucoup de joueurs ont compris que le jeu sans ballon était également important.

Qu’est-ce qu’Hasi a bouleversé lors de sa prise de position ?

Il a pris chaque joueur individuellement et leur a fait comprendre les règles à respecter pour tel ou tel poste. Ça n’avait jamais été le cas avant. Après le match face à Paris, Youri (Tielemans) s’en voulait énormément de sa prestation car il était perdu au milieu. Mais à sa décharge, il ne savait pas ce qu’il devait faire. Je lui ai rappelé qu’il avait joué face à un Thiago Motta pour qui un match de Ligue des Champions, c’est rien… c’est pour lui un match de Coupe de France tellement il a l’habitude de ce genre de rencontres. Quand on te jette dans le bain face à un tel joueur, sans aucune explication, c’est normal de passer à travers. Et c’était le cas de tout le monde. Rien que sur la frappe fantastique de Zlatan, on voit qu’on est perdu, le but a beau être sublime, on est trois à le regarder faire…

Les différences sont criantes depuis le changement de coach ?

Oui. Certains joueurs n’ont pas supporté physiquement les séances de Besnik car on n’avait pas l’habitude du travail. Je me rappelle qu’en arrivant à Anderlecht, les entraînements ne me suffisaient pas. En France, deux séances par jour, c’était normal. Ici, la règle était d’un entraînement quotidien. Le soir, il m’arrivait de m’entraîner individuellement. Ou j’arrivais au club vers huit heures du mat’ pour une séance de cardio.

 » Hasi n’aime pas les tricheurs  »

Tu t’es posé des questions sur les méthodes de travail ?

Oui mais comme je venais d’arriver au club, je préférais rester en retrait. Il m’arrivait de sonner mon ancien préparateur physique pour qu’il me conseille des exercices. Sous Besnik, les joueurs ont tiré la langue dès qu’il a imposé un deuxième entraînement. Mais le travail a rapidement porté ses fruits au niveau du pressing, de l’impact dans les duels, tout a changé très rapidement. Les joueurs étaient à l’image de leur coach, quelqu’un qui aime les duels, avec des joueurs qui s’arrachent. Notre coach n’aime pas les tricheurs. En France, sous Jean-Marc Furlan, j’ai eu l’habitude d’être tancé. Même quand on faisait quelque chose de bien, il nous criait dessus :- La prochaine fois, je veux la même chose ! La gueulante était une politique française. Quand je suis arrivé ici, c’était cool. Même les toros étaient différents de la France. Au lieu de faire courir un max les deux joueurs au centre, on faisait exprès de se donner des passes de merde. Je ne comprenais pas où j’étais tombé (il rit) !

Tu t’es habitué aux moeurs de la Belgique ?

Oui, je suis très bien ici. Je trouve la mentalité plus positive qu’en France. Je ne pensais pas dire ça à mon arrivée mais j’aurais beaucoup de mal à partir d’ici.

Et pourtant tu as confirmé qu’il y avait eu des contacts avec Monaco.

Des contacts, c’est un grand mot. Je parlerais plutôt de vues… C’était davantage une prévention en cas de départ de Kurzawa (arrière gauche de l’ASM).

Monaco, ce n’est pas taper trop haut ?

Non, pas du tout. Pour moi, ce serait pareil qu’ici. Anderlecht-Monaco, je vois ces deux clubs de la même façon. Manchester, Liverpool, c’est une autre catégorie. Mais Monaco, c’est le genre de club que j’ai déjà rencontré et où je n’aurais pas peur de m’y faire une place.

La Belgique est un tremplin ?

A la base, c’était ça. Mais aujourd’hui, je tiens un tout autre discours. Même mon quotidien bruxellois, j’aurais du mal à le quitter. Je me suis rapidement très bien senti. Au bout de deux jours, je charriais un peu tout le monde.

C’est ton rôle dans le vestiaire de mettre de l’ambiance ?

Oui avec d’autres. Nicaise Kudimbana arrive en tête de liste. Cyriac est pas mal non plus. Chancel (Mbemba) aussi. Sans oublier, celui que je ne connaissais pas : Kabasélé. C’est un groupe qui vit bien…

 » J’ai été jugé à un poste qui n’était pas le mien  »

Tu notes des différences entre les joueurs francophones et néerlandophones ?

Oui, quand même. Les néerlandophones sont plus sérieux. Parfois, je regarde Dennis (Praet) et je lui dis de souffler un peu, ça n’est que du foot (il rit).

Es-tu satisfait de ta première saison ?

Non. Beaucoup de supporters me disent que je devrais l’être. Mais je garde cette déception d’avoir été sorti de l’équipe sans trop savoir pourquoi. Lors de mon dernier match en tant que titulaire à Courtrai, j’ai été jugé à un poste qui n’était pas le mien, au milieu dans une sorte de losange où il m’arrivait de me retrouver en numéro six. Par après, je n’ai plus été rappelé. Heureusement, il y a eu le titre au bout.

As-tu le sentiment que ce titre est aussi le tien ?

Bien sûr, même si je suis frustré de ne pas avoir eu plus de possibilités de m’exprimer. Quand Besnik a repris le groupe, il m’a expliqué qu’il ne pouvait plus changer son onze tant qu’il gagnait. Ce que je comprenais parfaitement. Pendant les play-offs, je m’étais mis en tête de bosser en vue de cette saison.

Quelle est ta meilleure place ?

Je suis un arrière gauche. J’ai changé de poste après une opération au scaphoïde qui m’a laissé sur la touche pendant cinq mois. Physiquement, j’avais perdu énormément, notamment au niveau de l’explosivité. Je me suis tourné vers des joueurs comme Dani Alves ou Patrice Evra qui vendaient tellement de rêve à leur poste que je me suis rendu dans le bureau du coach, Patrick Remy, et lui ai dit : je veux évoluer à l’arrière gauche. Il m’a répondu que ça tombait bien car il me voyait comme un latéral alors que j’avais toujours joué milieu gauche jusque-là.

 » Je me sens comme un jeune-vieux  »

Tu joues le rôle également de grand-frère avec pas mal de jeunes qui frappent à la porte ?

Je me sens comme un jeune-vieux (il rit). J’essaie de leur transmettre mon expérience comme d’autres l’ont fait avec moi. Petit, fais pas ci, fais pas ça, je l’ai souvent entendu.

Et tu les appelles  » petit «  à ton tour ?

Ah non. Les jeunes ont une mentalité différente. Ce n’est pas propre à la Belgique, je crois que c’est comme ça partout. Ils se voient déjà très hauts…

Comme Youri Tielemans ?

C’est un super joueur. Il a connu un passage à vide la saison dernière car il manquait de métier et de repères. Sous Hasi, on l’a vu donner des ballons de but et des passes à 40 mètres. Cette saison peut être décisive pour lui. S’il venait à briller en Ligue des Champions, on ne devrait plus le revoir l’an prochain en Belgique. Mais la relève est là. A l’image de Samuel Bastien qui a fait une très belle préparation avec nous, d’autres jeunes frappent à la porte.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS : BELGAIMAGE

 » Beaucoup de joueurs se disent que le foot est davantage un métier ou un business qu’un plaisir.  »

 » Certains n’ont pas supporté physiquement les séances de Hasi car on n’avait pas l’habitude du travail.  »

 » On a beau me dire régulièrement que j’ai plus de qualités que Deschacht, c’est lui qui joue.  »

 » Quand on jette Tielemans dans le bain face à Thiago Motta, sans aucune explication, c’est normal de passer à travers.  »

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