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DESCENDANT TAUREAU

Taureau d’Or, Lukasz Teodorczyk a connu, ces derniers mois, une réussite quasi totale devant le but adverse. Une période faste qui, généralement, ne dure pas pour un attaquant. Retour sur les trajectoires contrastées des dix derniers meilleurs buteurs du championnat.

Chaque année, la Pro League sacre le joueur le plus efficace d’entre tous du titre honorifique de meilleur buteur. Une récompense individuelle dans un sport collectif qui glorifie encore un peu plus la fonction. En conséquence, chaque saison, un entraîneur se félicite d’avoir pu tirer le potentiel maximum de son avant-centre. À raison, car les dix derniers exercices le prouvent, la réussite d’un buteur ne tient qu’à un fil.

Et celui qui sépare une maladresse passagère d’une dextérité retrouvée résulte trop souvent de l’instantané. Aussi doué soit-il, un buteur marche à la confiance. En Belgique, les derniers attaquants récompensés du Taureau d’Or nous ont suffisamment prouvé que le succès est avant tout celui d’une réussite éphémère. Un bonheur simple dont il convient de profiter quand il se présente.

Ce que, de Tosin Dosunmu (2006) à Jérémy Perbet (2016), les dix derniers goleadors de notre Pro League ont toujours réussi à faire. Sans penser à des lendemains souvent plus cruels.

2006 : LE FAUX DÉPART DE TOSIN DOSUNMU

Si les patronymes de Gil Bala, Victor Simoes, Prince Asubonteng ou Pius N’Diefi n’ont pas franchement marqué la saison 2005-2006 du Germinal Beerschot, c’est en grande partie la faute à Tosin Dosunmu. Tour à tour et au même titre que Jurgen Cavens,aligné au côté du Nigérian en pointe de l’attaque anversoise sous les ordres de Marc Brys puis Jos Daerden, la pléthore d’éléments offensifs présents au GBA cette année-là ne pèsera que peu en comparaison des 18 réalisations de cet attaquant ultra-rapide révélé à Westerlo deux ans plus tôt. Sacré meilleur buteur du championnat à 26 ans devant Mémé Tchité et Aristide Bancé, Tosin Dosunmu n’aura pourtant pas la carrière dont il rêvait. Sa première erreur étant de privilégier l’intérêt de l’AS Nancy Lorraine à celui du LOSC de Claude Puel,déjà en pleine ascension. Son départ vers la Ligue 1 est un flop monumental. Un cauchemar qui ne durera que six mois. Le temps pour André Denul, son agent de l’époque, de convaincre Francky Dury de relancer son poulain à Zulte Waregem. Une expérience qui tourne court. C’est qu’entre-temps, François Sterchele, l’héritier de Dosunmu au GBA, a tapé dans l’oeil du Club Bruges. Douze mois seulement après avoir quitté le Beerschot, le Nigérian est donc de retour au Kiel pour faire oublier son successeur ( ! ? ). Si le Beerschot se réjouit de ce maître coup financier, les dividendes sportifs, eux, se font toujours attendre. En 2011, quatre ans après son retour, Dosunmu quitte définitivement le GBA pour… l’Antwerp avant de mettre un terme à sa carrière à 33 ans après une dernière pige sous les ordres d’Alex Czerniatynski à Saint-Nicolas.

2008 : LA CRISE DE LA TRENTAINE DE JOSEPH AKPALA

Meilleur buteur de Pro League à 22 ans avec Charleroi, dans la roue de Jérémy Perbet quatre ans plus tard pour sa dernière saison avec le Club Bruges, Joseph Akpala avait tout pour faire mentir l’idée reçue selon laquelle un ancien meilleur buteur de Pro League est souvent condamné à l’échec une fois passé les frontières nationales. Sauf qu’après 14 ans de règne et quelques beaux coups comme Claudio Pizarro, Ivan Klasnic ou Miroslav Klose, il fallait bien que Thomas Schaaf finisse par se planter. Pour ce qu’il ne sait pas encore être son dernier mercato estival à la tête du Werder Brême, l’entraîneur allemand décide de jeter son dévolu sur l’international nigérian (9 sélections, la dernière en juin 2013 contre l’Espagne). Une faute de goût à 2,5 millions d’euros qui lui coûtera en partie sa place le 15 mai 2013. Les 21 bouts de matchs de son dernier transfuge n’ayant convaincu personne, Schaaf est limogé et Akpala quitte la Bundesliga pour la Super Lig et Karabukspor. En Turquie, l’ancien buteur du Mambour sublime le statut d’intermittent grâce à des réalisations contre Galatasaray et le Fenerbahçe et parvient à convaincre sa direction d’allonger un million d’euros pour le racheter définitivement au Werder. Une fausse bonne idée qui débouchera à 28 ans sur un retour précoce en Belgique via Ostende. Discret, mais relativement efficace l’an dernier (1 but toutes les 278 minutes), Joseph Akpala semble cette fois-ci définitivement considéré par Yves Vanderhaeghe comme le troisième homme derrière Cyriac et Nany Dimata. Triste pour un joueur qui comptabilise 76 buts en 228 matches sur les pelouses belges.

2009 : JAIME ALFONSO RUIZ, UN CV QUI TIENT SUR UNE LIGNE

Il est sans aucun doute le Taureau d’or le plus improbable des dix dernières années. Invisible contre les  » grands « , le serial buteur de Westerlo inscrit 13 de ses 18 buts contre des équipes de la colonne de droite grâce à des doublés contre Tubize (2x), Dender ou Mons où il magnifie l’art du passage en force. À coups de contres favorables et de pointus biens choisis, le Colombien se forge rapidement une solide réputation. Reste que pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Un one-shot aussi. Ses 14 % de temps de jeu étalé sur les deux saisons suivantes le prouvent. Mystérieusement relancé par Malines au printemps 2011, le fragile Colombien continuera de squatter l’infirmerie plus souvent qu’à son tour et ne se manifestera que trop rarement sur les prés, le plus souvent contre des sans-grade. Alors que sa dernière apparition remonte au mois de septembre 2012 contre Bertrix en Coupe de Belgique, Westerlo, entre-temps descendu en D2, se met en tête d’impulser un nouveau souffle à une carrière à l’arrêt depuis près de 4 ans au moment de le faire signer en 2013. Dennis van Wijk relève le challenge et réussit une dernière fois, à 29 ans, à tirer le meilleur d’un physique capricieux. Cinq petits buts et un temps de jeu qui approche les 40 % plus tard, Jaime s’avoue petit à petit trop court pour le haut niveau et file au KSK Heist. Il essaiera encore de se recaser au Beerschot, mais échouera une dernière fois lors des tests physiques d’avant-saison.

2010 : ROMELU LUKAKU, MEILLEUR BUTEUR AU RABAIS

Jamais dans l’histoire du football belge, un attaquant n’avait été désigné comme le pichichi de la Pro League avec un si faible rendement. Avec ses 15 buts marqués au terme de la saison régulière, Romelu Lukaku entre aussi, à 17 ans, dans le cercle très fermé des génies précoces. Et tant pis si, pour ce faire, la Pro League a avancé à tâtons avec le règlement. Sacré meilleur buteur du championnat au terme de la saison régulière, il n’arrive que deuxième en fin d’exercice après avoir buté sur des défenses mieux armées en PO1. Difficile, en effet, de ne pas reconnaître qu’avec ses 16 buts (PO1 compris), c’est Dorge Kouemaha qui fut techniquement le buteur le plus prolifique en cet an 1 de la réforme du football belge. Une saison expérimentale fait souvent la part belle à l’improvisation, et la Pro League nous a encore une fois démontré son savoir-faire en la matière. Seule véritable victime de cet imbroglio grossier, l’attaquant camerounais ne passera plus jamais la barre des dix buts en une saison. Pas même en D2 turque où il transite en 2013-2014 ou plus tard lors de son retour en Belgique via le Lierse ou lors de ses périples exotiques en Iran ou à Chypre. À 33 ans, le Camerounais est aujourd’hui sans club alors que Romelu n’en finit plus de se rapprocher des étoiles.

2011 : IVAN PERISIC, LA RÉUSSITE APRÈS LE DOUBS

Douze mois après Romelu Lukaku, c’est Ivan Perisic qui rend ses lettres de noblesse au Taureau d’Or. 16 buts en saison régulière, six de plus en PO1, le Croate, débarqué à l’été 2006 dans le Doubs à Sochaux après des tests infructueux à Marseille ou Anderlecht à tout juste 17 ans, confirme à Bruges tout le bien qu’on pense de lui. La preuve qu’un prêt de 6 mois à Roulers peut parfois faire décoller une carrière. Transféré pour 5,5 millions d’euros dans la foulée vers le Borussia Dortmund, Perisic devient champion d’Allemagne pour sa première saison en Bundesliga. Cinq ans plus tard, l’attaquant est devenu un meuble du football croate et a troqué le Westfalen Stadion pour le Stadio Giuseppe-Meazza et l’Inter Milan après avoir transité deux ans et demi du côté de Wolfsburg, partageant notamment l’affiche avec Kevin De Bruyne. À 27 ans, Perisic a récemment passé la barre des 100 buts dans le monde professionnel. Son tout premier, Ivan l’avait inscrit le 24 janvier 2009 à Bertrand Laquait dans un stade du Schiervelde à moitié vide…

2012/2016 : JÉRÉMY PERBET, TROP VIEUX POUR LA LIGA

Des buts à la pelle (44 en 63 matchs) avec Mons entre septembre 2011 et janvier 2013 aboutiront à son premier titre de meilleur buteur du championnat en 2012. La suite ? Un départ pour Villarreal en plein hiver, une promotion vers la Liga l’été suivant et un statut de supersub dans l’élite espagnole qui confirme la facilité de Jérémy Perbet à planter des buts, quel que soit le niveau de l’adversaire. Ses 10 goals en 26 apparitions pour un total de 42 % de temps de jeu global lors de sa seule saison passée en Liga ne suffiront pourtant pas à convaincre le sous-marin jaune de lui laisser sa chance sur la durée. A bientôt 30 ans, le buteur du Puy-en-Velay se voit montrer la porte de sortie et s’envole à contrecoeur vers Basaksehir, tout frais promu en division 1 turque.  » À Villarreal plus qu’ailleurs, la marge qu’on peut faire sur un joueur reste capitale. Et vu mon âge, c’était là l’une des dernières occasions pour le club de se faire un peu d’argent sur mon dos.  » Jérémy Perbut fêtera donc ses 30 ans à Istanbul. Le quatrième club de la ville talonne cette année-là les leaders historiques du championnat, mais Perbet a le cafard. Une inexorable déprime causée par l’absence de vrais supporters (1000 en moyenne lorsque l’équipe se produit à domicile) et une tactique ultra-défensive qui ne profite qu’à un seul attaquant. Trop rarement choisi pour être l’homme providentiel, Perbet fait le forcing pour faire ses valises le plus tôt possible. Son prêt vers Charleroi acté dans les derniers jours du mercato estival n’étonne donc pas grand monde. Ses 24 réalisations et son deuxième titre de meilleur buteur non plus. À l’inverse de Villarreal, Gand décide même de faire confiance à ce trentenaire assumé pour compléter sa ligne d’attaque. A raison ?

2013 : CARLOS BACCA, TOUJOURS PLUS HAUT

Soulier d’or et meilleur buteur colombien, Carlos Bacca est présenté à l’hiver 2012 comme le transfert star du Club Bruges à une époque où les Blauw en Zwart ont pour habitude de faire leurs meilleures emplettes entre la dinde et les crêpes de la Chandeleur. Avec lui, Vincent Mannaert tient sans doute son maître-achat. Un million et demi d’euros bientôt multipliés par cinq au moment de voir ce pur produit de l’Atlético Junior de Barranquilla troquer les canaux brugeois pour l’étouffante chaleur andalouse, à l’été 2014, au terme d’une saison à 25 buts (soit 6 de mieux que Dieumerci Mbokani cette année-là). À la différence de son dauphin, Carlos Bacca a donc décidé de peser ses choix et opte pour la stabilité avec le FC Séville d’Unai Emery. Une décision censée et récompensée d’entrée de jeu par ses 14 premiers buts en Liga et une victoire en Europa League. Rebelote l’année suivante où sa complémentarité avec Kevin Gameiro saute aux yeux. Résultat, une nouvelle victoire en C3 et une saison à 28 buts. Devenu indispensable en Liga, premier substitut de Radamel Falcao dans le coeur des Colombiens, Bacca est transféré pour 30 millions vers l’AC Milan le 2 juillet 2015. Ses 18 buts et son statut de 3e homme derrière Gonzalo Higuain et Paulo Dybala pour le titre de meilleur buteur du Calcio confirment rapidement que les rossoneri ne se sont pas trompés. Et avec eux le Club Bruges, qui attend toujours le retour d’un vrai 9 depuis le départ du Colombien.

2014 : HAMDI HARBAOUI, LE TAUREAU DEVENU DAUPHIN

Symbole ultime de ce que le titre de meilleur buteur engendre de pire, Hamdi Harbaoui n’a jamais semblé avoir digéré sa saison 2014-2015. Ses 22 buts en 36 apparitions ainsi que sa (deuxième) victoire en Coupe de Belgique avec le Lokeren de Peter Maes devaient lui offrir son passe-droit pour la Premier League ou la Bundesliga, mais lui ouvrira finalement les portes de la Qatar Stars League. À 29 ans, et après 7 saisons d’une patiente progression sous nos latitudes, le transfert a de quoi surprendre. Ses 21 buts en 24 rencontres dans des stades plus vides les uns que les autres un peu moins. Le niveau du championnat qatari n’est rien en comparaison avec la Pro League. En octobre 2015, un an après son arrivée à Dubai, le Tunisien casse son contrat suite au non-versement de son salaire. Sans argent, le Qatar n’a plus aucun sens. Quinze jours plus tard et moins de 15 mois après son départ de Lokeren, Hamdi est de retour à Daknam. Dans son jardin, Harbaoui le revenant plante un quadruplé qui fera date le 7 mai dernier face à Malines. Il n’en fallait pas plus pour alerter le grand carrousel mauve orchestré par Mogi Bayat. À peine débarqué à Udine et face à la rude concurrence des Cyril Théréau et Duvan Zapata dans l’effectif de Giuseppe Iachini, Hamdi n’a d’autre choix que de renoncer à son rêve de Série A pour retrouver goût au jeu. Une chance pour Anderlecht qui cherchait justement un deuxième attaquant, mais un cadeau empoisonné pour un homme qui n’a jamais été habitué à jouer les seconds rôles. Sur une voie de garage au Sporting et en conflit ouvert avec René Weiler, Harbaoui devrait quitter la capitale dès cet hiver.

2015 : ALEKSANDAR MITROVIC, LE COUP DE MAÎTRE

Cinq millions d’euros pour un attaquant serbe de 19 ans tout juste élu meilleur joueur de l’EURO U19 à l’été 2013, la part de risque était limitée dans ce qui est alors le plus gros transfert de l’histoire du Sporting d’Anderlecht. La pression inhérente au transfert n’en est pas moins maximale et Herman Van Holseeck n’a pas plus le droit à l’erreur que le Serbe lui-même, qui rêve tout haut d’une trajectoire à la Lukaku. 16 buts et un titre de champion de Belgique pour sa première saison ; 20 de plus, un titre de meilleur buteur et un coup de tête mémorable en Champions League à Arsenal, Aleksandar Mitrovic part même sur de meilleures bases que son prédécesseur au Parc Astrid. Pourtant, son tempérament de feu, mixé à des qualités de buteur hors-normes rappelle aujourd’hui plus facilement un certain Lukasz Teodorczyk. Toujours est-il qu’après deux petites saisons et à seulement 21 ans, Mitrovic opte pour l’Angleterre et Newcastle. Arrivé pour 18 millions d’euros sous Steve McClaren à l’été 2015, Mitro bascule en fin de saison en Championship avec Rafael Benitez. Une relégation qui force le Serbe à faire connaissance avec le purgatoire anglais. Un championnat à 24 équipes, 46 rencontres et réputé bien plus physique que la Premier League n’est pas forcément un cadeau. Depuis cet été, Aleksandar Mitrovic en fait l’amère expérience. Car si les Magpies sont à la lutte avec Brighton en tête du championnat, le Serbe, lui, fait du surplace. Suspendu en début de saison, ses trois petits buts inscrits depuis le 3 septembre n’ont pas encore convaincu Benitez d’en faire un titulaire à part entière. Inquiétant.

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS BELGAIMAGE

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