DÉPUCELAGES

Le renfort français du Standard se raconte à travers les moments-clés de sa vie et de sa carrière.

Qui est-il ? D’où vient-il ? Où va-t-il ? Ce qu’on sait pour le moment sur Adrien Trebel (23 ans), arrivé à Liège cet été ? Simplement qu’il s’est installé dans l’équipe, qu’il est un des transferts les plus utilisés. Et il y a encore tout ceci, qu’il nous détaille par ordre chronologique. C’était comment, la toute première fois ?

1ers pas de footballeur.

 » Chaque année, à Noël, je recevais un ballon de foot. C’est mon frère qui m’a mis dans le bain. Il m’a poussé à m’affilier à Vernouillet, un petit club près de chez moi à Dreux, à l’ouest de Paris. Plus tard, je me suis retrouvé à Chartres, c’était déjà un joli pas en avant, un club plus réputé, d’un meilleur niveau. Mon frère a toujours représenté énormément pour moi. J’avais vraiment besoin de lui après le divorce de mes parents, quand j’avais huit ans. Cette séparation, je l’ai très mal vécue. Pour moi, c’était inconcevable que mon père et ma mère ne restent pas ensemble. J’ai essayé de prendre du recul mais c’était très dur. Je vivais avec ma mère parce que mon père avait décidé de retourner à la Réunion, d’où ils sont tous les deux originaires. Ils étaient venus en France pour trouver du travail, mon père a été engagé dans une usine qui fabriquait des pots d’échappement, mais toute ma famille est encore là-bas et j’y retourne chaque année. Aujourd’hui, je pense que le divorce et le fait d’être loin de mon père, ça m’a sans doute endurci, ça a forgé mon caractère de battant. Je donnais tout dès que je montais sur un terrain et ça m’a permis d’être repéré par le FC Nantes, où mon parcours a vraiment commencé.  »

1er poste.

 » A la base, j’étais flanc gauche. A Nantes, un entraîneur m’a dit : -Avec tes qualités techniques, tu seras plus utile devant la défense. J’ai découvert le poste de milieu relayeur et ça m’a plu directement. Depuis cette période, je joue dans l’axe. Mais je peux toujours dépanner ailleurs. Comme je l’ai fait récemment à Bruges, en étant posté à droite en début de match. Guy Luzon voulait deux lignes de quatre bien organisées et il pensait que je pouvais l’aider sur le flanc.  »

 » Ils ne sont pas grands non plus au Barça  »

1ers souvenirs nantais.

 » Quand j’ai visité les installations du FC Nantes, ça a été le coup de coeur, directement. On m’avait aussi bien expliqué que de nombreux jeunes étaient sortis de ce centre de formation, qui était considéré comme un des meilleurs de France. On m’avait aussi détaillé le fameux jeu à la nantaise et j’ai vite compris, sur le terrain, ce que ça représentait : un football en une ou deux touches de balle, basé sur la possession, des joueurs toujours en mouvement. Là-bas, les jours de match, tout était réuni pour que tout le monde passe un bon moment : les joueurs comme les spectateurs. Plus tard, on a comparé le grand Barça au FC Nantes, ça veut tout dire. Ce jeu était déjà enseigné aux plus jeunes, on nous demandait de ne jamais être à l’arrêt et d’être propres techniquement.  »

1ers jours loin de chez lui.

 » Ça a été compliqué pendant… quelques heures. Nantes, c’était loin de chez moi : quatre heures en voiture, deux en TGV. J’avais perdu mon père, et là, à 12 ans, je perdais aussi ma mère. Il y a une image que je n’oublierai jamais : le moment où elle monte dans la voiture et me laisse seul à Nantes, le premier jour. J’ai une boule dans la gorge. Mais on s’entraîne dès ce jour-là, ça me fait oublier que je me retrouve seul. Puis je vois le planning de la semaine : que du foot… On est en vacances scolaires, donc on passe énormément de temps sur le terrain. Après, l’école commence : cours le matin, entraînement l’après-midi. Je n’ai jamais le temps de gamberger, d’être nostalgique, de penser à la vie à Dreux. Je suis en internat, et le week-end, je loge dans une famille d’accueil qui est devenue ma deuxième famille.  »

1re fois où on lui dit qu’il est trop petit pour faire carrière ?

 » En préformation, j’étais un des plus petits du groupe. J’ai grandi subitement à 15 ans pour faire ma taille actuelle, 1m75. Mais on ne m’a jamais dit que j’étais trop petit. Un entraîneur voyait le bon côté des choses : -Tu n’es pas grand mais tu as des qualités techniques supérieures à la moyenne, donc sois plus intelligent que les autres. Evite d’aller dans des duels qui ne mèneraient à rien, tu n’as rien à faire là-dedans. Maintenant, je suis quand même obligé de m’engager, c’est inévitable chez les pros. Mais je ne vois toujours pas ma taille limitée comme un handicap. Ils ne sont pas grands non plus à Barcelone…  »

 » Il est rouquin et on l’aime bien  »

1er contrat pro.

 » Pour moi, c’est jour de fête. Nantes fait de moi un joueur professionnel ! Je veux l’annoncer à toute ma famille au réveillon de Noël, leur réserver la surprise, je demande donc à la direction de ne pas ébruiter ma signature. Mon frère est en voyage de noces aux Maldives, je veux attendre qu’il revienne. Mais l’information fuit un peu trop tôt. Ma mère vient voir un de mes matches avec l’équipe CFA et elle comprend, en entendant des spectateurs autour d’elle, que j’ai signé. Après le match, on va au resto et elle me demande si elle a bien compris. Je lui lâche le morceau. Une émotion énorme. Le reste de la famille apprend donc la nouvelle au réveillon.  »

1res remarques sur sa couleur de cheveux.

 » Ça vient de la Brigade Loire, les supporters un peu virulents de la Beaujoire. Et ça commence avant que je sois pro. J’ai 17 ans, je joue la Coupe Gambardella, ils se mettent à chanter une chanson pour moi, ça fait rigoler tout le monde et ça reste. Quand je suis pro, ça continue. Les paroles : -Il est rouquin, il est rouquin et on l’aime bien. Ça ne m’a jamais dérangé.  »

1er but pro.

 » C’est contre Istres, en Ligue 2. Un souvenir mitigé. Il y a ce beau but : le ballon retombe dans mes pieds, dans l’axe, j’élimine un adversaire du gauche et je frappe du droit alors que je suis un pur gaucher. Mais je prends une carte rouge quelques minutes plus tard…  »

1re montée en Ligue 1.

 » Une émotion énorme dans toute la ville. J’avais connu le club en haut de l’affiche quand j’étais en formation, puis il y avait eu des années difficiles. C’est pareil à Nantes et à Lens : les gens estiment que ce sont des clubs et des stades de Ligue 1, ils n’ont rien à faire en Ligue 2.  »

1ers matches en Ligue 1.

 » C’est compliqué. Déjà en Ligue 2, j’avais eu des petits soucis avec le coach, MichelDerZakarian. Ça ne s’est pas arrangé après la montée. Je ne comprenais pas ses explications, il y avait un problème dans son raisonnement. Il me disait souvent que j’étais un des joueurs les plus doués du groupe. Très bien, mais je jouais très peu. Seulement quelques minutes de temps en temps. J’aurais préféré qu’il me dise qu’il me trouvait insuffisant, ça aurait été bien plus clair. J’étais là mais j’avais l’impression de ne servir à rien.  »

 » Ma décision est prise : je quitte Nantes

1er couac avec Nantes.

 » En janvier de cette année, la direction me mettait la pression pour que je signe un nouveau contrat. Comme par hasard, le coach a commencé à me faire jouer plus. Mais cette prolongation, je ne la sentais pas. A 22 ans, tu es impatient, tu veux jouer. Nantes me demandait de signer pour trois saisons et Der Zakarian avait encore deux ans de contrat, donc j’imaginais que j’allais encore passer beaucoup de temps sur le banc. Les discussions traînaient. Mon agent m’appelle un lundi : -On ne peut plus attendre, ils veulent notre réponse, on doit les rencontrer jeudi. J’appelle mon frère : -Je n’ai pas envie de signer. Le lendemain, je téléphone à ma mère : -Je ne veux pas rester. La veille du rendez-vous, je les recontacte tous les deux : -Ma décision est prise, je quitte le FC Nantes. Je vais au rendez-vous du jeudi comme prévu. Quand mon agent arrive, il voit que je fais une tête jusque par terre, je lui dis directement : -Tu es venu pour rien, je pars. Par contre, je suis un grand garçon et tu ne vas pas leur annoncer seul ma décision, je t’accompagne. On doit rencontrer le fils du président. J’ai un rapport extraordinaire avec son père, un homme admirable qui injecte un million d’euros chaque mois dans son club ! Mais avec le fils, ça ne se passe pas bien. J’ai à peine annoncé ma décision de ne pas rester, que je suis envoyé dans le noyau de CFA. OK pour moi, je m’y attendais. Mais quand j’apprends que je ne suis pas repris pour les matches, avec mon agent, on ne se laisse pas faire, on saisit la commission juridique de la Fédération. Il me dit : -Il y a des gens qui se cassent la tête à faire des lois, il faut les faire respecter. La commission nous donne raison. Evidemment, je ne joue plus une seule minute avec l’équipe Première. J’aurais préféré que ça se termine autrement avec mon club formateur mais je n’ai pas choisi cette sortie. Mon rapport avec le président est resté excellent. Et je n’en veux même pas à Michel Der Zakarian. Il a agi en âme et conscience, je ne pouvais pas l’obliger à avoir les mêmes idées que moi. Je le comprends, il doit aussi comprendre que je souhaitais prendre un nouveau virage.  »

 » D’accord, un Sclessin plein sans résultats, c’est anormal  »

1ers échos sur le Standard.

 » Je vois encore William Vainqueur sur la table du kiné à Nantes, il fait une tronche pas possible ! Je lui dis : -Quoi, William ? Il me répond, tout ému : -Mais c’est mon club, le FC Nantes. Il vient de signer au Standard et ça lui fait mal de partir. Je lui explique qu’il va entrer dans une nouvelle dimension. Quand je suis contacté à mon tour, cet été, Vainqueur est toujours ici. Je l’appelle pour en savoir plus. Il me dit : -Ne te pose pas de questions. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : si tu peux signer, fonce. Le club, les installations, les gens, la ville, tu vas voir, c’est magnifique. Je me renseigne aussi chez Serge Gakpé, il me dit à peu près la même chose.  »

1er Standardman qui l’impressionne.

 » Mehdi Carcela. Sur son premier contrôle au premier entraînement, j’ai vu qu’il avait quelque chose en plus. C’est trop facile, pour lui, le foot ! Sa prise de balle, sa facilité pour éliminer, c’est fou. Un top player. Dans les jeunes, il y a Julien de Sart : jeu court, jeu long, il maîtrise parfaitement. Il me fait penser à un joueur de Nantes : Jordan Veretout.  »

1ers signes de crise ?

 » Si les gens de l’extérieur pensent qu’il y a un début de crise au Standard, ils se trompent. Le vestiaire reste parfaitement tranquille, avec ses certitudes comme le match à Feyenoord. En rejouant comme ça, on va prendre pas mal de points. Et Guy Luzon n’a pas du tout les symptômes d’un coach sous pression. Il est toujours pareil, cash par moments. Il ne cherche pas à être gentil quand il veut faire passer un message. Si tu as été mauvais, il te le dit. Je peux comprendre que le public se fâche. Après le match à Lokeren, j’ai eu un petit échange avec quelques spectateurs. Quand ils réclamaient la démission du président et de l’entraîneur, j’ai estimé que je devais aller les trouver, j’y suis allé avec Laurent Ciman. Mon discours était simple : -On a souffert, et dans ces conditions, c’est mieux de repartir avec un point plutôt qu’avec une défaite. Ça n’a pas été bien interprété. Je leur ai fait signe de se calmer, ils ont cru que je leur demandais de se taire. Voici ce que je voulais leur dire : -Soutenez-nous, on aura besoin de vous pendant toute la saison. Plus il y aura de soutien, plus il y aura de chances de faire des résultats. Un Sclessin plein sans résultats, ce n’est pas normal, je suis bien d’accord. Mais on a toujours besoin d’un Sclessin qui est derrière nous.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » William Vainqueur fait une tronche pas possible en m’annonçant qu’il quitte Nantes pour le Standard.  »

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