Dans la peau de Ronaldinho

Le nouveau jeu n’est pas encore sorti, mais sa fabrication est en bonne voie comme nous avons pu le constater de façon exclusive pour la Belgique à Barcelone.

Jeudi 24 mai, Montjuich, le toit de Barcelone, là où fut bâti, en 1929, le stade olympique rénové à l’occasion de la grande fête de 1992. C’est dans ce lieu qu’on a choisi de rameuter la presse internationale, pour le lancement de FIFA 08. Le nouvel opus est prévu dans nos bacs pour fin septembre et le but de l’opération est donc de faire monter la sauce. Electronic Arts, la société éditrice de jeux vidéo la plus importante au monde (plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel), a décidé d’en mettre plein la vue aux médias. La haute technologie et les stars se sont donc invitées au Palau San Jordi.

Cette gigantesque soucoupe volante fut créée pour les épreuves de gymnastiques aux JO de 1992. Maintenant, le stade accueille les concerts des plus grandes rocks stars. Et aujourd’hui, c’est une copie miniature des studios de Vancouver qui a été aménagée dans une des ailes du palais omnisport. Electronic Arts a beau être une multinationale américaine, dont la maison mère est basée à Redwood City en Californie, c’est au Canada que le nouveau FIFA a été conçu. EA Sport, filiale spécialisée dans les jeux de sports et à qui l’on doit les autres succès sportifs du groupe (NHL, NBA Live, Madden ou Tiger Woods), y a implanté ses plus imposants studios destinés à la Motion capture. Motion capture ? Le clou du spectacle barcelonais : montrer à quel point, à coup de progrès technologiques, le monde virtuel des jeux vidéo tend à l’être de moins en moins grâce à un clonage de plus en plus saisissant de la réalité. La capture de mouvement, puisque c’est de cela dont il s’agit, est la technique qui permet de capter les mouvements réels pour les envoyer et les exploiter dans un univers virtuel.

Les capteurs au pouvoir

Pour la démonstration, les organisateurs qui encadrent l’événement aiguillent d’abord les journalistes vers Tranquillo Barnetta. Pas des plus connus du grand public, ce joueur suisse qui évolue au Bayer Leverkusen, jouera au cobaye (bien payé…) pour l’assistance. Il est environ 14 h et on badigeonne Barnetta de minuscules points sur le visage. C’est la Facial motion capture, une technologie qui s’est développée il y a peu. En comparaison avec les autres parties du corps, capter les légers frétillements des lèvres ou les clignements des yeux demande encore une plus haute résolution. En bons Public Relation Officers, les orateurs insistent bien sur le niveau d’excellence et de complexité de ce qui nous est offert en spectacle. Dans le plus pur style californien, les organisatrices rappellent fièrement le déploiement de forces tout en nous invitant à passer au studio.

 » C’est la première fois que l’on déplace une telle infrastructure en Europe. Ce studio est une réplique de celui de Vancouver qui représente trois volumes similaires « , explique une des organisatrices. Et c’est déjà pas mal quand on sait qu’ Electronic Arts dispose du plus grand domaine de motion capture au monde (la technique est également utilisée pour les films d’animation). Les stars de NBA, de NFL et Tiger Woods se sont rendues à Vancouver pour prêter leurs corps, immortalisés à jamais….

Andreas Ivanschitz a rejoint Barnetta. Le capitaine de la sélection autrichienne, qui évoluait cette année au Panathinaikos, se prête aussi au jeu. Lui et Barnetta sont installés sur le tapis synthétique du studio. Dans leur combinaison couverte de capteurs, ils se mettent à effectuer toute une série de gestes, des contrôles suivis de passes, des reprises de volées, des un contre un, des headings, etc. Spectacle auquel nous assistons, perchés dans des petites tribunes de la salle omnisports. Devant nous, les techniciens et leurs écrans de contrôle. On remarque à la fois les skills réels des deux joueurs, mais surtout le résultat jeu vidéo retranscrit en temps réel sur l’écran placé derrière eux. Ceci grâce aux 54 caméras (chacune valant la somme d’environ 15.000 euros) accrochées sur les montants supérieurs de l’enceinte. Des caméras qui sont disposées et orientées de manière à diviser parfaitement l’espace du studio. Elles sont capables d’identifier avec une extrême précision le passage de chaque mouvement des deux footballeurs grâce aux capteurs placés à des endroits stratégiques, comme les articulations.

Tout le monde attend Ronnie

Après cette petite heure de prises, notre petite tribune de presse se disperse. Il faut bien l’avouer : le rendu à l’écran est impressionnant de réalisme.

A la sortie, les deux acteurs du jour sont photographiés et bombardés de questions, principalement en provenance de l’axe Autriche-Suisse-Allemagne d’où sont issus (ou jouent) les deux footeux. Pour le reste des médias venus des quatre coins de la planète (Mexique, USA, Italie, Japon, etc.), les magnétos et caméras peuvent encore être au repos pour une bonne heure : Ronaldinho ne débarque qu’à 16h ! Une conférence de presse a été prévue pour la vedette du Barça et des Auriverde. Les journalistes espagnols, discrets jusque-là, envahissent les lieux en masse. Les paroles de Ronnie sont tellement précieuses, tellement rares. Et l’occasion si belle pour les quotidiens espagnols, condamnés à remplir des feuillets interminables consacrés au Barça. Après une courte introduction du duo Matt Bilbey (Directeur international d’EA sport)/ Romain Rossi (Service Marketing d’EA Sport), au cours de laquelle on nous rappelle une fois le credo de la journée,  » capter l’authenticité du foot « , les questions fusent logiquement en direction de Ronaldinho.

Seul hic, en plein sprint final d’une Liga indécise (quatre jours après avoir été éblouissant face à l’Atletico Madrid et deux jours avant de se faire exclure bêtement à domicile face à Getafe), les consignes sont claires : Ronaldinho est là pour parler de sa passion du jeu vidéo… pas de sa vie privée, ni de son actualité sportive. Son sponsor ne manquera pas de mettre les choses au point. Il interviendra d’ailleurs quand un journaliste ibérique tentera de contourner habilement les directives. Habitué à ce type d’action commerciale – en 2006, le magazine Forbes l’a placé, avec plus de 23 millions d’euros de gains, en tête de son classement des joueurs de foot les mieux payés, grâce à ses juteux contrats publicitaires, juste devant David Beckham… – le Brésilien se montre souriant (c’est presque devenu un pléonasme), affublé d’un autre de ses célèbres sponsors…

Ronaldinho ne s’abîme pas la santé

Le Brésilien, dans un discours parfaitement formaté, exprime son plaisir à jouer à ce jeu :  » Les mouvements sont sans cesse améliorés. FIFA évolue d’année en année. C’est un sentiment un peu bizarre de se comparer avec mon personnage dans le jeu, de regarder ses propres dribbles… Mais, c’est marrant « .

D’autres questions tendancieuses sont lâchées.  » Avec quelles équipes aimez-vous jouer ? », clin d’£il à son possible transfert au Milan AC, ou  » Changez-vous de système de jeu quand vous évoluez avec le Barça ? », lien indirect avec sa relation dite tendue avec Frank Rijkaard ? Mais Ronnie ne lâche rien :  » J’essaye d’évoluer avec le maximum d’équipes, mais c’est avec Barcelone que je joue le plus souvent. Et il peut m’arriver de modifier le système de jeu quand je me prends pour l’entraîneur…  »

Il n’y a pas lieu de s’inquiéter selon la star brésilienne : jeux vidéo et activité sportive peuvent tout à fait faire bon ménage :  » Je pense que cela incite à jouer au foot. En effectuant certains gestes sur leur console, les jeunes auront envie de reproduire ces actions et de taper dans le ballon. La pratique du foot restera toujours la chose la plus populaire aux quatre coins du monde. Le développement des jeux vidéo n’y changera rien « .

Ronnie est formel, les jeux vidéo ne sont pas néfastes à la santé d’après lui. Lui qui a l’habitude lors des déplacements de jouer avec son compatriote Thiago Motta.

Mais jouent-ils mieux en vrai ?

La conférence de presse terminée, les différentes télévisions accaparent tour à tour le Brésilien pour un face à face de quelques minutes. D’autres vedettes suivent. Comme Sergio Ramos, tout droit venu de Madrid, qui figurera sur la jaquette de la version espagnole du jeu aux côtés de Ronaldinho. Le joueur se prête à une conférence pour les médias espagnols avant de se consacrer aux équipes étrangères et de céder la place à Miroslav Klose. Le meilleur buteur de la dernière Coupe du Monde est également venu faire la promotion du jeu. Il sera le pendant de Ramos sur la cover du jeu, mais pour la version allemande. Avec lui, les journalistes ont droit à des entretiens individuels. C’est toujours le même plat, mais servi différemment :  » Je suis fasciné par la manière dont ce jeu arrive à coller avec la réalité « . L’avant du Werder Brême, dont l’avenir sportif est encore incertain, a tout de même l’audace de se trouver  » meilleur en vrai que dans le jeu « . Et d’ajouter :  » Je ne joue pas fréquemment, mais Arsenal est l’équipe que je préfère à FIFA… « .

La case interview terminée, on reprendra bien un peu de Motion capture avec la star du jour. En cette fin d’après-midi, le programme s’emmêle les pinceaux, les temps d’attente s’accumulent. Et la patience s’érode. Une fois dans les studio, par contre, le timing est serré. La presse ne dispose que d’un petit quart d’heure pour admirer les beaux tricks de Ronaldinho. 21 h 30 : le marathon est terminé, et les images de FIFA08, prêtes à conquérir le monde.

par Thomas Bricmont

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