Dangers publics sur service public

Après 30 ans de service, Téléfoot vient donc de se voir piquer les résumés du championnat de France : TF1, qui avait encore fourgué l’an dernier à la Ligue Pro 19 millions d’euros pour la cause, n’avait jamais imaginé que France 2 en proposerait 24 pour 2007/2008 ! Sur la chaîne privée dépossédée, son patron sportif Charles Villeneuve râle de  » cette escalade financière intolérable avec l’argent du contribuable  » ; tandis que Daniel Bilalian, rival et vainqueur, constate en ricanant que le service public est  » toujours ringard quand il perd et irresponsable quand il gagne « .

Derrière cette guéguerre franco-française, derrière les débats d’internautes sur les (in)compétences techniques et respectives de la bande à Gérard Holtz ou de celle à Thierry Gilardi, la question est générale : qu’il s’agisse de foot ou d’autre chose, une télé publique doit-elle utiliser notre fric pour acheter, en surenchérissant, des images qu’une télé privée est prête à payer tout à fait décemment et nous diffuser pareillement ? Ou bien notre fric doit-il plutôt servir à montrer des machins et dire des choses qui, sans lui, ne seraient ni montrées ni dites ? Le débat n’est pas simple, car faudrait pas non plus que notre fric ne serve qu’à mourir d’ennui sur la télé publique, parce que quelques gros malins sachant tout mieux que tout le monde nous y offrent des  » emmerderies «  pour nous épanouir… Toutefois, dans le cas de notre football belge, une chose est claire à mes p’tits yeux. Je préférerais une RTBF qui abandonnerait à RTL les résumés de son ancestral Studio 1 du samedi soir sur La Une pour mieux garder son jeune Studio 1 du lundi soir sur La Deux, plutôt qu’une RTBF qui choisirait l’inverse en cas de dilemme budgétaire : parce que, sur une chaîne publique, prendre du recul sur l’événement doit rester plus important que posséder soi-même l’événement. Recul que s’efforce joliment de prendre le talk-show de Lecomte and Co, même s’il me donne parfois des boutons. A moins que j’y perçoive précisément du recul parce que ce talk-show réussit à me donner des boutons !

Croyez pas que je trouve tout nickel sur la RTBF, j’ai rarement vu pire que cette récente  » lamentablerie  » appelée Y’a pas pire conducteur : là, je ne ramasse plus des p’tits boutons, mais de grosses pustules ! Je ne sais pas ce qui m’énerve le plus : le contenu lui-même, ou la mansuétude d’une certaine presse vis-à-vis de cette télé-réalité… qui se serait trouvée descendue implacablement si RTL l’avait commise ! Je n’ai rien contre le fait de se marrer basique, sauf qu’ici le rire basique a l’hypocrisie de se prétendre éducatif, sauf qu’il transforme en stars (attachantes ?) des gens dont le comportement routier provoque des centaines de morts annuelles sur nos routes. Sorry, la connerie au volant ne m’a jamais fait marrer, et la mort non plus : déjà que les sports moteurs m’apparaissent depuis longtemps comme un incitant néfaste à rouler comme des malades sur les routes de tous les jours, me fallait pas ça en plus pour vomir la civilisation de l’automobile ! Y’aurait de quoi raser la moustache du commandant De Nève, qui s’est offert une embardée plus bardaf que nature en se fourvoyant dans cette sottise jusqu’à la finale ! D’ailleurs, s’il se la rase lui-même, si je l’aperçois glabre sur mon petit écran, il aura de nouveau toute ma considération, ça peut arriver à tout le monde de se faire entuber candidement. Une fois, pas deux.

Mais bref. Puisque le producteur Olivier Evrard est satisfait des chiffres d’audience comme du contenu, puisque je conserve pas mal d’affection pour le service public, puisque les télé-réalités où la fierté est d’être le plus con prennent le pas sur celles où la fierté était d’être meilleur ou moins con, et puisque nous sommes dans un magazine de sport, j’ai deux suggestions à faire à la RTBF pour qu’elle fasse péter l’audimat. Y’a pas pire dopé rassemblerait des pédaleurs qui feraient des courses en se shootant à qui mieux mieux, seringues fournies par l’Organisation mondiale de la Santé pour mieux dissuader. Y’a pas pire hooligan serait un grand championnat télévisé, avec barèmes de points selon que les dégâts réalisés seraient corporels (fractures, sang qui pisse effectivement, ecchymoses…) ou seulement matériels (vitres brisées, bagnoles retournées, poubelles en feu…) : le vainqueur final obtiendrait la gloire, mais devrait séjourner quinze jours à Lantin pour mieux dissuader. En matière de télé, y’a toujours du choix pour faire pire que le pire.

par bernard jeunejean

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire