…sans oublier l’accent circonflexe : pas question de taxer de crétinerie tous ces Hurons et Iroquois slalomant sur nos pelouses, le foot a toujours véhiculé les modes capillaires ! Durant les 70ties, les chevelus d’Ajax n’avaient pas les idées courtes. Un peu plus tard, plaisantait récemment un journaliste britannique, le vestiaire de Liverpool était plus permanenté qu’un car de personnes âgées : remember Kevin Keegan « crollé » comme un ange, ou Graeme Souness qui n’en était pourtant pas un ! Puis, peu à peu, sans doute était-ce le besoin d’enfin s’aérer les tempes, voire d’exhiber ses écoutilles, qui conduisit à l’émergence coquette des boules à zéro : bases de lancement pour en arriver maintenant à ces crêtes qui nous envahissent, nature ou peinturlurées ! Les poils/fashion ont leurs raisons que la raison ignore…
Deux trucs neufs me titillent toutefois. Les footballeurs d’hier faisaient plutôt comme nous : beatle-mania puis punk-mania, ils se chamboulaient la tignasse pour ressembler aux pop-stars. Alors qu’aujourd’hui, ce sont eux les stars et ils donnent le ton : ému par les prouesses des Marek Hamsik, Pierre Aubameyang, Arturo Vidal, Mario Balotelli et autres Paul Mpoku chez nous, le footeux se rue dorénavant (1) sur ciseaux, tondeuse et colorants ! Avec deux grandes tendances sur le sentier de la guerre (2) : soit le recours à l’huile de baleine pour faire se dresser les pointes sur le crâne ; soit l’option gros boudin, banane, gros caca ou queue de fouine, y’a le choix pour la métaphore.
Ensuite, Christian Bromberger, fortiche anthropologue du sport, écrit que jamais les équipes n’ont présenté une plus grande diversité capillaire qu’aujourd’hui, ce qui traduirait une lourde tendance à l’individualisation, l’ethnicisation, et ce qu’il nomme le brouillage ostentatoire des codes : ainsi le black blond sur crampons contesterait subconsciemment à la fois l’Aryen triomphant, et le mythe de la beauté féminine occidentale ! Oufti Cricri Brom, ça fume, as-tu des pulsions de scalpeur ? ! Mais faut bien admettre que le foot est un sport collectif où l’individualisme est fameusement forcené ! Non seulement dans la pratique elle-même, où la performance collective n’exclut pas la cote individuelle, le meilleur buteur, le Soulier de ci, le Ballon de là, le keeper de l’année, le roi des assists, le champion des cartons et tutti frutti. Mais aussi dans la dégaine, avec cet appétit croissant de se singulariser par rapport aux équipiers : comme si la nécessité (exigée par le jeu) de porter le même maillot, le même short, les mêmes bas, était contraignante, aliénante, douloureuse. Au point de compenser pour exister vraiment en tant qu’individu, via tout ce qui reste autorisé : shooter avec des godasses d’une autre couleur que celles des potes, accumuler les tatouages rivalisant d’esthétique (?), changer de cheveux comme de chemise… Encore heureux que la Loi 4 interdise les bijoux, sans quoi y’aurait des tirages de piercings dans les surfaces de réparation…
On gagne ensemble, on perd ensemble, qu’ils disent ! Alors, m’en fiche qu’ils aient des souliers roses, mais que ce soient 22 souliers roses. Qu’ils jouent même torse nu avec un grand tattoo, mais alors le même sur chaque torse, et pas n’importe lequel : l’écusson du club qu’ils disent de leur coeur ! Et qu’ainsi nous vivions demain du football tribal, avec un Standard-Anderlecht opposant onze crêtes rouges à onze crêtes mauves : ça, ce serait de l’esprit de corps ! Comme sur cette photo, prise en 1945 par le célèbre Robert Capa : pendant la deuxième guerre, des soldats de l’aéroportée américaine se firent tous la même coupe à l’iroquoise avant d’être parachutés derrière les lignes ennemies, la tradition voulant que les Iroquois ignoraient la peur du vide. Ça, c’étaient pas des crêtes de crâneurs ! ?
1. Plus moi, j’ai passé l’âge…mais sait-on jamais : z’avez vu Benoît Poelvoorde dans « Le Grand Soir » ? !
2. J’imagine en effet que ces gars-là jouent aux Indiens pour stimuler leur fibre combative. Alors qu’au vrai Far-West, plus poétiquement, paraîtrait que la longue crête iroquoise symbolisait un troupeau de bisons sur l’horizon, au coucher du soleil !
» Un Standard-Anderlecht opposant 11 crêtes rouges à 11 crêtes mauves, ça ce serait l’esprit de corps. «
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