Coups d’un soir

Une entrée en scène remarquée, une suite qui le fut beaucoup moins : hommage à ceux qui ont décidé de frapper un grand coup. Un point c’est tout…

« Que le plus difficile, ce n’est pas d’y arriver, mais d’y rester « , foi de Johnny Hallyday. Malheureusement pour les protagonistes de ce qui suit, le dicton fut difficile ou même impossible à appliquer. Malchance, blessure, opportunisme, cupidité ou manque de talent (tout simplement), furent les causes d’un crash peu après le décollage, ou pour d’autres d’une expulsion hors de nos frontières, voire d’un simple renvoi aux oubliettes de notre footeuse mémoire. Et pourtant, ce qui unit tout ce beau monde, c’est ce moment de gloire : l’exaltation d’une grande soirée européenne, la joie du buteur, les titres de la presse, ou le portrait de famille tirée dans le Week-end sportif.

Un instant intense suivi d’un réveil difficile, d’une gueule de bois et d’un chant du cygne qui n’était, malheureusement, pas très loin. Retour sur les one shot du football belge.

Les Misters Europe

Vous avez ceux qui se dépatouillent des dizaines voire des centaines de fois sur des terrains parfois peu reluisants de notre D1 et puis les autres : les hommes d’une grande soirée européenne.

MICHEL LOMME

Anonyme du noyau anderlechtois quand les Mauves  » reçoivent  » au Heysel, West Ham, lors de la finale de la Coupe des Coupes du 5 mai 1976. Et pourtant, ce soir-là, Lomme est heureux, il remplace à l’arrière central, l’habituel titulaire du poste, Erwin Vandendaele, blessé pour l’occasion. Du haut de ses 20 ans, ce futur directeur de banque est donc partie prenante du premier trophée européen (4-2) décroché par un club belge. Gilbert Van Binst, qui aime entretenir ses bons mots, n’était pourtant pas rassuré par le jeunot. Avant match, dans le vestiaire, le Gille balance à Jean Dockx :  » Mais qu’est-ce qu’il fout ce pei ! Pourquoi ce ramasseur de balle met un maillot ? ».

Lomme avait disputé cette saison-là 17 bribes de matches, la saison qui suit est bien pire : il ne rentrera au jeu qu’une seule fois avant de poursuivre sa voie dans les divisions inférieures.

LAJOS KÜ

Un nom de famille aussi court que son passage chez nous. Un milieu international hongrois qui assiste (au mieux) du banc à la formidable épopée de Bruges en Coupe des Champions lors de la saison 1977-1978. Face à Liverpool, en finale à Wembley, c’est malheureusement la tuile : les Blauw en Zwart sont privés de leur icône, Raoul Lambert. Et qui pour le remplacer ? Et bien Kü !

Ce Hongrois, dont le talent et la chevelure sont inversement proportionnels à ceux de Lambert, se farcit les 90 minutes. Quelques jours plus tôt, Lajos s’était tout de même chauffé les guibolles en championnat face à Charleroi pour sa première apparition de la saison. Mais la provocation s’arrêtera là, les Reds s’emparent du trophée et le Magyar quitte la Venise du Nord quelques jours plus tard.

GUY MARCHOUL

Il reste, encore et toujours, ancré dans bon nombre de mémoires. Ses 48 apparitions en championnat en huit saisons avec Anderlecht n’y sont certainement pas pour grand-chose. Son accent brusseleir pur jus, sa bonhomie et sa moustache bien menue peut-être plus. Le 9 mai 1990, le Choule est toutefois la surprise du chef, Aad de Mos.

A Göteborg, en finale de la Coupe des Coupes, face à la Sampdoria, il est titulaire au milieu des MarcDegryse, Georges Grün, Hendrik Andersen, etc. Face à la bande à GianlucaVialli (qui plantera les deux uniques buts du match en prolongation), Marchoul va jusqu’à être le meilleur mauve ou le moins mauvais – c’est selon – de la soirée. Le statut du Choule ne varie pas pour autant et en fin de saison 90-91, il quitte le club pour le Lierse après 17 années de loyaux services. Son flirt avec les Jaune et Noir n’aura pas l’effet escompté. Douze mois plus tard, Choule revient à la maison et reprend deux années de rab.

Achats compulsifs mauves

Transférer un attaquant dans l’urgence, c’est rarement bon signe. Anderlecht en sait quelque chose. Voici le hit-parade des plus belles arnaques venues de l’étranger dont l’illusion n’a duré que 90 minutes.

HAKAN LINDMAN

Durant les années 80, les Danish Dynamites ( Frimann, Arnesen, Olsen, Andersen) battent leur plein au Sporting. On avait connu aussi de bons Suédois avant ( Thomas Nordahl et Inge Ejderstedt) mais Lindman n’est pas de la même lignée. Bien au contraire. Ce grand blond débarque en novembre 87 pour aider une attaque anderlechtoise bien pâle. Quelques jours après son arrivée, il est question d’Anderlecht-Standard ; un Clasico dévalué entre un Sporting loin du trio de tête Malines-Antwerp-Bruges et des Rouches vautrés dans le ventre mou. Le match permet toutefois à la nouvelle recrue d’inscrire son premier pion d’une subtile balle piquée devant Gilbert Bodart.

Seul hic, les Mauves sont battus (1-2) et l’après-match est occupé par la volonté des Anderlechtois de rejouer la rencontre suite à une faute d’arbitrage. Mais c’était sans compter sur Bodart et sa punchline :  » Si on doit rejouer ce match, je vous conseille de faire venir tous les gendarmes du pays dans la capitale… « . Avec effet immédiat et résultat acté. Lindeman, lui, jouera encore neuf matches (un but) sous le maillot mauve avant de retourner chez lui. La faute au duo d’attaque retrouvé Edi KrncevicLuc Nilis et un sérieux manque de football.

JAMES DEBBAH

Eté 97, RVDS est bourré d’ambition : le temps est venu de reconquérir un titre qui échappe au club depuis deux ans. Coach René Vandereycken est arraché au RWDM, Zetterberg-Scifo sont à la man£uvre, ne manque plus qu’un attaquant de calibre pour que la sauce prenne, se dit-on en haut lieu. Et au rayon gros calibres sont cités StéphaneGuivarc’h, MartinDahlin, MichaëlGoosens pour finalement voir arriver de Nice, James Debbah. L’attaquant libérien est l’Elu grâce aux conseils de Scifo qui l’avait côtoyé sur le Rocher monégasque. Pour marketer le tout, Debbah est présenté comme le cousin de George Weah (sans que le lien de parenté ne soit prouvé…). La belle affaire !

Lors de l’une de ses premières apparitions, le 5 octobre 1997, Debbah en plante deux face à Lokeren (5-1). Ses deux derniers pour Anderlecht. Deux mois plus tard, il est refourgué au PSG où il poursuit sur sa lancée (0 b en 12 matches). Info route : à 40 ans, Debbah (et très peu de hauts) est aujourd’hui référencé du côté de l’Indonésie.

DIMITRI BULYKIN

A quoi bon ressasser d’encore frais et douloureux souvenirs aux supporters mauves ? L’attaquant russe, venu en triple vitesse de la réserve du Bayer Leverkusen fin août 2008 pour remplacer l’infortuné Frutos, secoua deux fois les filets lors de ses 90 premières minutes. C’était face à Courtrai (victoire 4-0) après avoir signé un partenariat avec le défenseur Stéphane Demets qui mit du sien à ce que la nouvelle scoring machine démarre en trombe.

L’international russe (oui, oui 15 sélections) se retrouva par la suite livré à lui-même. Plus de Demets et une scoring machine définitivement en rade.

From zero to hero

Plusieurs têtes d’affiches ( Gerets, Preud’homme, Jovanovic, etc), et le film a de bonnes chances de finir en blockbuster. Mais au Standard, on aime varier les styles. La grande histoire des Rouches a su aussi nous proposer des films à petit budget avec ses acteurs de série B…

TONY ENGLEBERT

3 mars 1982, quarts de finale de la Coupe des Coupes : Standard-Porto. Ciel gris, terrain lourd, public bougon. 31e minute : missile des 40 mètres, but d’anthologie. Sclessin s’embrase. L’allumeur de mèche : Tony Englebert. A 19 ans, il est La bonne surprise d’une soirée mal débutée. Ce but en amènera un autre en seconde période et les Rouches sortiront les Portugais pour aller jusqu’en finale.

Englebert jouera 18 matches de championnat en trois saisons avant de s’éclipser discrètement. Sa frappe, elle, restera dans la légende :  » J’ai vu le ballon se diriger vers la Meuse puis un coup de vent incurva sa course. Je n’en croyais pas mes yeux. J’ai vécu un moment de délire avant d’être rappelé aux réalités du moment… J’étais devenu le héros de la rencontre.  » (Tiré du livre Ils racontent leur Coupe d’Europe)

WINSTON CURBELO

Le brouillon de Victor Ramos (quoique) rejoint, l’été 2004, son frère aîné, Juan Ramon, après que celui-ci ait repéré les lieux 12 mois plus tôt. Si Juan Ramon rend une copie acceptable au milieu, les premiers pas de Winston en préparation sont difficiles. Mais le défenseur uruguayen trouve la parade : 30 septembre 2004, les hommes de Dominique D’Onofrio (déjà) se rendent à Bochum afin d’y arracher une qualification pour les poules de l’UEFA après un nul blanc à Sclessin. Suite à une ouverture du score allemande en première période, le Standard court après le score et, plus les minutes avancent, plus on se dit que le Standard va (à nouveau) loser.

Jusqu’à ce qu’à cette 92e minute, Winston, rentré au jeu sept minutes plus tôt, envoie du gauche le ballon au fond des filets suite à un centre de Sergio Conceiçao. 3.000 supporters liégeois amassés derrière le goal exultent tandis qu’aux commentaires, Marc Delire, s’emballe :  » Ce n’est pas possible de commenter des rencontres du Standard dans des rencontres pareilles ! « . Benoît Thans, à ses côtés, n’en pense pas moins. Quant à Winston, c’était son premier et dernier fait d’arme. Aujourd’hui, la fratrie Curbelo a investi le Mexique (pour Juan Ramon) et l’Argentine.

MICHEL GARBINI

L’indice s’affiche sur l’écran :  » nouveau Roberto Carlos « . Qui suis-je ? Joueur brésilien né le 9 juin 1981, arrivé au Standard à l’entame de la saison 2004-2005, quatre fois international des -23 ans (aux côtés des Kaká, Maicon, etc), pied gauche dévastateur, mais dont les premiers matches révéleront rapidement l’imposture. Sorte d’antithèse d’ André Cruz, dont le Wikipédia francophone rappelle qu’il était surnommé Le Cône par les supporters et dont le fan club Facebook compte… 28 membres ? J’ai nommé ? J’ai nommé ? Michel Garbini !

Mais l’histoire ne serait pas complète sans ce but inscrit face à Parme à la 95e minute sur coup-franc (2-1). Un missile qui retourna Sclessin (qui reprit ses esprits quelques semaines plus tard face à Bilbao) et fit dire à Delire :  » Incroyable ! Incroyable ! Magnifique, Garbini !  » Et Thans, à ses côtés, qui n’en pensait pas moins. Info route : Le Cône est positionné aujourd’hui sur le flanc gauche de l’Aris Salonique (Grèce).

Giants Killers

Vous avez ceux qui s’époumonent à vouloir marquer les esprits et vous avez les autres : les cyniques, ceux qui ne frapperont qu’une fois, là où ça fait mal, là où on est sûr de se faire remarquer.

MICHEL NGONGE

29 ans et des expériences peu concluantes en D1 avec le Racing Jet Bruxelles ou Gand. Mais l’ex-TGV du Tivoli va beaucoup mieux depuis son arrivée dans la petite bourgade d’Harelbeke début 2005. En mars, son compteur indique même 10 buts, mais pas de quoi fouetter un chat ou titiller les médias. Jusqu’à ce 9 mars 1996 et le duel entre Mauve et Blanc au Parc. Ce soir-là, Ngonge décide de passer la surmultipliée et plante les trois roses du succès (1-3) de l’underdog flandrien. Les médias se jettent sur lui. Et Mich’ le leur rend bien.

Le bonhomme est très loin d’être un imbécile et bat le fer tant qu’il est chaud : il signe quelques mois plus tard pour la Turquie et Samsunspor avant de connaître la Premier League avec Watford.  » J’ai gagné mon transfert pour l’étranger en un seul match « , dira-t-il en aparté. 13 ans plus tard, Mich’ devenu agent plante un deuxième couteau dans le dos des Anderlechtois en leur refourguant Victor Bernardez. Qui a dit que l’assassin ne repassait pas sur le lieu du crime ?

WOUTER BIEBAUW

Saison 2005-2006, les amateurs de suspense ne sont pas déçus : le final est haletant. Anderlecht vient tout juste de reprendre la main grâce à une victoire 2-0 sur le Standard. Il ne reste plus que deux journées à jouer et l’écart de deux unités. Les Mauves se rendent à Gand pour un déplacement qui sent le soufre tandis que les Rouches vont à Roulers qui n’a plus grand-chose à jouer dans le championnat. Le titre peut donc basculer dans cet après-midi du 30 avril. Et c’est ce jour-là que Wouter Biebauw, patronyme encore méconnu (redevenu méconnu dans l’ombre d’ Olivier Renard à Malines) du football belge, décide de se faire remarquer.

Anderlecht coince à Gand mais peut compter sur un gardien dans la forme de sa vie 50 km plus loin. Titulaire seulement pour la deuxième fois en D1, Biebauw arrête toutes les tentatives liégeoises. Dans le dernier quart d’heure, il sort trois arrêts exceptionnels sur un envoi de Wamberto, une tête de Tchitéet une reprise à bout portant d’ Onyewu. Les Liégeois repartent de Roulers la tête basse : les derniers espoirs pour le titre se sont envolés. Une semaine plus tard, Anderlecht fait sauter les bouchons de champagne alors que le Standard se prend une claque face à Gand (0-2) et DDdes mottes de terre à son arrivée sur le podium. Et si c’était finalement Biebauw, le principal responsable du désamour entre DD et ses supporters ?

Les  » une touche-un but « 

Joker : carte à jouer qui prend de la valeur que souhaite lui donner son détenteur. Traduction foot : le mec qu’on jette dans la bagarre afin de faire modifier le tableau d’affichage. En voici quelques gagnants.

FRÉDÉRIC JACQUEMART

3 novembre 1990, Charleroi-Anderlecht. A 20 minutes du terme, Georges Heylens, alors entraîneur zébré, envoie au casse-pipes un jeune gars de 18 ans. Le score est alors de 0-0 mais Jacquemart sort de sa boîte et envoie à sa première touche de balle (en vérité sa deuxième mais c’est tellement moins vendeur) dans les filets de Filip De Wilde. Le Mambourg est en transe pendant 60 secondes et l’égalisation de Luis Oliveira (1-1).  » Je ne me rendais pas bien compte de ce qui se passait… En principe, je ne devais pas être dans les quinze ce soir-là. Un joueur s’est blessé à l’échauffement et j’ai été repêché in-extremis.  »

Fredo est sous les projos mais ceux-ci s’éteignent rapidement.  » Je n’étais pas prêt pour l’élite « , dira-t-il plus tard. Et Pierre Bilic de poétiser :  » À la bourse de la D1, la jeunesse est éphémère. On a souvent reproché à Fredo d’être trop gentil dans un monde de requins.  »

EDRISSA SONKO

6 février 2000, Anderlecht reçoit Bruges, son dauphin avec une marge de six points au classement. Durant ce sommet, les Mauves ont la vie dure et sont rapidement menés. Aimé Anthuenis va trouver la parade. Elle se nomme Sonko, un Gambien de 19 ans qui végétait dans la Réserve un mois plus tôt. A dix minutes de la fin, Eddy s’empare de la balle côté gauche à 30 mètres, mystifie d’abord un Brugeois d’un petit pont, prend appui sur WalterBaseggio dans le rectangle, et poursuit sa course par une frappe enroulée qui file dans le petit filet de Verlinden. Le but est splendide et permet aux Bruxellois de garder ses distances avec le Club qui ne comblera plus jamais l’écart.

Sonko, lui, jouera encore quatre matches (0 b) avec les Mauves avant de tenter sa chance à Roda. Celui qui rejoignait le Parc Astrid en transport en commun évolue aujourd’hui aux Emirats-Arabes Unis.

ALEXANDRE POTIER

Samedi 22 octobre 2005, duel de fond de tableau entre La Louvière et le Lierse. Le match se traîne en longueur et le duo JbariStojkov (pas Hristo, Aco) ne fait rien pour y remédier. A un quart d’heure du terme, ce dernier cède sa place à un petit gars de 19 ans qui fête sa première au Tivoli.

Le coup est de suite gagnant puisque sur sa première touche de balle, le Lobbain devance LaurentFassotte et glisse le ballon entre les jambes de Cliff Mardulier. Gilbert Bodart, coach de La Louvière, jubile. Et Zeyung Ye supervise le tout. Potier disputera encore 5 rencontres avec les Loups avant de disparaître de l’élite. Rideau.

PAR THOMAS BRICMONT

 » Et si c’était Biebauw, le principal responsable du désamour entre DD et ses supporters… ? »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire