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Comment la Roma règne sur les réseaux sociaux

Ironie, humour absurde et autodépréciation: l’AS Rome n’a pas sur les réseaux sociaux la force de frappe immédiate de la Juventus Turin et de Cristiano Ronaldo mais sa stratégie de communication décalée en fait l’un des clubs les plus en pointe d’Europe dans ce domaine.

Depuis 2017, la Roma s’est spécialisée dans les vidéos délirantes d’annonces de transferts, mêlant un singe frappant sur un clavier, des étoiles ninja, la Joconde, l’extinction des dinosaures, Katy Perry et des chèvres perchées dans un arbre, toujours. « Les chèvres dans les arbres sont une des merveilles du monde. Tout le monde aime voir une chèvre dans un arbre », assure Paul Rogers, responsable du numérique et des médias sociaux du club giallorosso.

Plus sérieusement, cet Anglais, ancien journaliste spécialisé en hip-hop et passé par Liverpool, rappelle que les clubs, hors des terrains, sont désormais des entreprises de contenus. « Nous avons une chaîne de télé, une radio, cinq sites internet et plus de 25 comptes sur les réseaux sociaux. Nous sommes dans l’industrie du divertissement, où nous sommes tous en compétition pour la chose la plus importante du monde: l’attention des gens », explique-t-il à l’AFP.

– « Logique de masse » –

Pour capter cette attention, les clubs du calibre de la Roma ne peuvent pas s’offrir Cristiano Ronaldo, qui déplace avec lui sa base de fans « connectés », comme l’a montré l’explosion du nombre de « followers » de la Juventus, passé selon les médias sportifs italiens de 49,7 à 59,5 millions dans les deux mois qui ont suivi la signature du Portugais. Il faut donc trouver autre chose.

« Un Ronaldo ou un Messi ont des fanbases énormes. Les tops clubs sont du coup souvent dans une logique de masse, pas toujours de qualité du contenu. La Roma, comme d’autres équipes du deuxième échelon, cherche au contraire à assurer sa visibilité avec le contenu. C’est très valorisable », explique à l’AFP Boris Helleu, maître de conférences à l’université de Caen et spécialiste du marketing sportif.

« On a beaucoup fantasmé la capacité de monétisation des réseaux sociaux. En fait, il s’agit plus de valorisation. Les clubs cherchent une fidélisation à long terme, qui finira par se concrétiser par un acte d’achat. On fait parler du club, ça participe à son image, et en bout de chaîne ça doit permettre d’attirer des partenaires ou des publics nouveaux, peut-être à l’étranger », ajoute-t-il.

L’explication est confirmée par Paul Rogers. « Un club doit simplement penser à gagner. Nous, pendant ce temps, nous réfléchissons à des blagues marrantes à tweeter, à des vidéos sympas pour Instagram et à fêter nos victoires sur les réseaux pour attirer plus de fans et plus de partenaires, pour que le club ait des revenus supplémentaires qui vont l’aider à gagner plus de matches. »

– Ecran noir –

D’où le développement de médias sociaux susceptibles de toucher un large public à l’étranger, avec un site internet décliné en arabe ou en indonésien et un compte Twitter dont il existe près de 20 versions, en portugais, bosnien, turc ou depuis cette année farsi, une première pour un club européen.

Et en trois ans, le nombre de « followers » de la Roma a presque triplé sur les principaux réseaux sociaux, passant de 5,5 à plus de 14 millions. Elle est désormais le troisième club italien le plus suivi, derrière les historiques Juventus et AC Milan, mais loin devant des rivaux à la stratégie de communication plus convenue, comme Naples ou la Lazio que les giallorossi vont affronter samedi dans le derby de Rome.

Pour autant, n’y a-t-il pas un risque à jouer la carte du décalage systématique, qui peut déstabiliser les tifosi plus traditionnels, pas nécessairement sensibles à une vidéo délibérément ringarde pour accueillir le Turc Under, à un détourage Photoshop volontairement raté pour la signature de Cristante ou à 60 secondes d’écran noir sur Twitter pour celle de Marcano?

« Cette culture numérique qui inclue la raillerie et le décalage est une réalité. Le club a intégré ces codes et parle le même langage que ses fans connectés. C’est un choix stratégique assumé, ils savent manier l’humour et sont reconnus pour ça. Les risques – bad buzz, trolling- sont inévitables. Faire l’unanimité est impossible », résume Boris Helleu.

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