Comme à la buvette

Quel est l’exploit de la saison belge qui s’achève ? Que le plus gros budget ait décroché le titre ? Non, même si Anderlecht a le grand mérite d’avoir une nouvelle fois fait correspondre budget et résultats, ce qui est loin d’être toujours fastoche en foot !

Que les trois gros budgets suivants soient, l’un le dauphin et les deux autres les finalistes de la Coupe ? Non plus. L’exploit belge de 2006-2007, qu’on a déjà oublié, reste à mes yeux la performance de Zulte Waregem en UEFA : une double entité de 50.000 habitants, fraîchement émoulue en D1 belge, qui s’offre le luxe d’éjecter d’Europe trois clubs de trois mégalopoles comme Moscou (9 millions d’âmes), Vienne (1,5) et Prague (1,2), c’est un peu comme un hat-trick de David contre Goliath !

Je reste dans les chiffres pour rappeler ceux que Rodrigo Beenkens a judicieusement relevés voici dix jours dans Studio 1 concernant le Standard : lequel, cette saison, aura bien davantage scoré en déplacement qu’à Sclessin. Invité, Dominique D’Onofrio a bien dû s’y coller pour une explication (les journalistes de foot sont fort atteints par le syndrome du besoin d’explication…) et a évoqué la pression intense à domicile, née du fait d’évoluer devant ce public rouche fervent comme nul autre. Peut-être est-ce vrai… mais ce serait quand même tracassant : voudrait-ce dire qu’à partir d’un certain niveau sonore, le soutien des tiens te fout plus la trouille à toi qu’aux visiteurs ? ! Mais ce serait une découverte footeuse très grave, ça ! Qui pourrait remettre en cause l’existence même du supporter inconditionnel !

Je reviens sur la première saison de Studio 1 pour dire que j’ai régulièrement prisé ce rendez-vous ertébéen du lundi soir : non que j’y voyais du débat entre spécialistes, mais parce que j’en ai aimé le côté/buvette footeuse où tout est vrai et son contraire… et justement parce que les spécialistes n’y sont en fin de compte que d’aimables bistroteurs comme vous et moi ! J’avoue que Jean-Mi et Jean-Lou me font régulièrement rire, je m’interroge sur cette fille qui est là chaque fois dans le public (mais duquel de ces mâles est-elle donc la groupie ?), et je trouve que Benoît Thans regagne chaque semaine du terrain sur un Stéphane Pauwels qui avait démarré en boulet de canon : pour ce match dans le match mis sur pied par Michel Lecomte, autant le premier pouvait au début paraître parfois lisse et langue de bois, autant les excès du second rendent à présent le premier plaisamment mesuré…

Et donc, à Studio 1 comme à la buvette, il y a toujours eu de quoi sursauter. Ainsi suis-je redevable à Beenkens de mon dernier sursaut de la saison, lorsqu’il a dit que Lucas Biglia lui faisait penser à Fernando Redondo ! D’accord, l’espoir d’aujourd’hui et la superstar d’hier, tous deux Argentins, occupaient le même poste cérébral de relayeur/passeur. Mais stylistiquement, j’ai peine à connecter : comparer une petite fourmi droitière d’1m69 qui court tout le temps à un grand gaucher dégingandé d’1m86 qui jouait davantage sur son hyper technicité qu’il ne bouffait des kilomètres, sorry, je n’y arrive pas ! Comme quoi, en foot, d’abord et surtout, à chacun son imaginaire…

Pour rester dans le style, je me souviens qu’en 2000 à Old Trafford, Redondo offrit à Raul un but qui valait de l’or et le déplacement. Relisez l’expression soulignée, c’est un zeugme : un zeugme est une figure de style qui associe deux expressions, en sous-entendant pour la seconde le verbe déjà exprimé pour la première. Ceci parce que j’avais parié avec un copain, toujours de buvette, que je placerais le mot zeugme dans une chronique, et adéquatement, en rapport au football. J’aurais tout aussi bien pu écrire  » Cette équipe joue la zone et de malchance « , ou  » Ce joueur fait partie des meubles et preuve d’engagement « , ou  » Il roula son adversaire dans la farine et une pelle à sa gonzesse « . Pari gagné.

par bernard jeunejean

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