CLUB A VENDRE

Lassée depuis un long moment, Margarita Louis-Dreyfus aurait enfin noté son OM sur la liste des transferts. Retour sur une probable future session du club phocéen. Entre Rothschild, Doyen Sports et caution Imbula.

« Je me suis adapté aux variations constantes du plan sportif, mais après trois mois de discussions, je ne pouvais pas accepter la situation d’instabilité qu’ils ont générée en voulant changer l’accord que nous avions.  » Un soir d’août, MarceloBielsa lâche l’affaire. Reste à savoir pour quelles raisons. ElLoco a réellement quitté Marseille sur  » un point de détail technique  » comme s’est évertué à l’affirmer son désormais ex-patron, VincentLabrune. Ou a-t-il été une nouvelle fois déçu de la gestion sportive du directoire olympien ?

Quoi qu’il en soit, il met en lumière l’énorme chantier auquel il a assisté tout l’été. Sur l’ensemble du mercato, 15 joueurs débarquent à la Commanderie, 17 la quittent, dont sept des onze titulaires habituels. Jamais le club n’avait connu pareil chamboulement. Sur ses seuls transferts, le club a réalisé un bénéfice de plus de 35 millions.

Et pourtant, parmi ces cadres, RodFanni, JérémyMorel, AndréAyew et AndréPierreGignac sont partis gratuitement, malgré une réelle volonté de prolonger. Libres eux aussi en fin de saison, SteveMandanda et NicolasNkoulou risquent de suivre le même chemin. Mais pourquoi laisser filer de tels cadres, sans l’ombre d’un penny en retour ?

La manoeuvre a un but très simple : alléger la masse salariale du club, celle-là même qui culminait à plus de 100 millions en 2011, moment où Labrune, longtemps proche de RobertLouisDreyfus, est nommé président. Quatre ans plus tard, elle pointe à 40 millions. Une aubaine pour une entité qui, selon la LFP, affichait un déficit de 31 millions sur la saison dernière.

Avec les ventes de DimitriPayet, GiannelliImbula, FlorianThauvin et celle envisageable de MarioLemina (prêté pour 1,5 million à la Juve, avec une option à 11), ainsi qu’une majorité d’arrivées faites d’un bricolage de joueurs libres et loués, Vincent Labrune et Margarita Louis-Dreyfus, actionnaire majoritaire du club, enterrent leur  » projet Dortmund  » lancé deux exercices plus tôt.

Un entraîneur anti-foot-business s’en va, un autre – Michel – plus docile arrive, et la valeur absolue du club est réduite au maximum, en attendant de sûrement transférer MichyBatshuayi au plus offrant cet été. L’objectif se lit entre les lignes : laisser une feuille blanche pour la promesse d’un budget sain et équilibré. Le message est clair : l’Olympique de Marseille est à vendre.

DOYEN SPORTS SUR TOUTES LES LÈVRES

Labrune et Margarita ne peuvent plus vraiment se cacher. France Football a récemment révélé que la Russe aurait confié un mandat de vente à la banque Rothschild, motivée par son compagnon PhilippHildebrand, banquier suisse.

Le prix, fixé aux alentours de 100 millions d’euros, se rapproche peu ou prou de la valeur du PSG lors de sa reprise qatarie. L’acquéreur devra ensuite injecter des liquidités considérables dans les caisses, à hauteur d’une autre centaine de millions, afin que l’entité redevienne compétitive sur le plan européen.

Un investisseur américain, proche de l’avocat et conseiller en image DidierPoulmaire (qui a notamment travaillé avec YoannGourcuff, ainsi qu’une société dirigée par PatrickRazurel, ancien directeur général de Metz et dont un riche partenaire indien souhaiterait investir dans le foot français), sont cités comme des potentiels repreneurs. Mais un nom reste sur toutes les lèvres : Doyen Sports.

Dirigé par le nébuleux NelioLucas, le fonds d’investissement à l’origine de la fameuse TPO s’installe progressivement en bord de Méditerranée, notamment via le transfert d’Imbula à Porto. Afin de contourner l’interdiction de la tierce-propriété, Doyen Sports s’est mué en banquier des Dragons en leur prêtant l’argent nécessaire à l’achat du médian.

Un montage financier de substitution, dit de TPI, utilisé à Seraing et révélé par FootballLeaks en octobre dernier. Bloqué par la saga milano-intériste de GeoffreyKondogbia, autre poulain de l’écurie basée à Malte, et suite à une non-signature à Valence, dû à un vrai-faux transfuge de RodrigoCaio, Imbula rallie finalement Porto pour 20 millions début juillet.

 » Quand l’OM m’a dit : ‘Je veux 20 millions d’euros pour Imbula’, c’était impossible pour Porto « , rembobinait Nelio Lucas dans Libération, contestant la version d’un prêt.  » Je les ai trouvés, j’ai dit aux dirigeants de Porto : ‘C’est très cher, mais c’est un bon investissement, jesuis sûr que vous allez faire un super business à la fin.’ [… ] Tout le monde est content. Malheureusement, je n’ai pas d’argent dedans.  »

WillyNdangi, père et agent du natif de Vilvorde, abonde, toujours dans Libé :  » Sans Doyen, Giannelli n’aurait jamais terminé à Porto. Porto n’avait que 10 millions d’euros àproposer à l’OM, ils en ont trouvé 10 autres.  »

Quelques mois plus tôt, il tenait un tout autre discours pour L’Équipe :  » Un mois environ avant que Giannelli signe à Marseille, j’ai eu une réunion avec une structure en affaires avec Chelsea. Mais les gens voulaient la mainmise sur le joueur pendant cinq ans. Vous voyez le système Kondogbia, EliaquimMangala et tralala… J’ai refusé l’argent (1 million d’euros). [… ] Je ne voulais pas que Giannelli ait une laisse autour du cou.  »

Pourtant, son  » Gianni  » finit bien par jouer les bouledogues dans un club qui n’avait pas vraiment ses faveurs, avant de s’engager, cet hiver, à Stoke pour 24 millions. Les 50 de sa clause libératoire semblent bien loin. Après Doria (arrivé de Botafogo), Alef (prêté par Ponte Preta), et avant ModouSougou (libéré vers Sheffield Wednesday), Michel, puis Rolando, le transfert d’Imbula n’a fait qu’accroître les soupçons de rapprochement entre l’OM et Doyen.

SIMPLE INTERMÉDIAIRE OU PLUS ?

 » Je comprends le débat intellectuel sur la copropriété de joueurs par ces fonds d’investissement, mais, à l’OM, il ne s’agit pas de ça. Doyen Sports nous a servi d’intermédiaire avec d’autres clubs et avec Michel, alors tant mieux. C’est une fausse polémique.  »

En septembre, rien d’inhabituel, Vincent Labrune joue les pompiers dans L’Équipe Mag. Un mois plus tard, les révélations de FootballLeaks accablent le président olympien. Sa réaction, dans un droit de réponse donné à France Football :  » Jamais l’Olympique de Marseille n’a utilisé un tel mécanisme financier pour acquérir ou vendre l’un des joueurs de son effectif.  »

Certes, mais il ne peut plus nier sa collaboration étroite avec Doyen Sports, affichée sans pudeur par Lucas.  » En août, [Vincent] a rencontré Mariano (Aguilar, associé de Lucas, ndlr), l’agent de Michel. Mariano, c’est mon ami, mon partenaire, et ma mission est de les aider. [… ] Ils ont eu besoin du défenseur Rolando : en deux minutes, j’ai négocié ça avec Porto.  »

Labrune, pris de court par la démission de Bielsa, fait fonctionner ses réseaux pour l’arrivée rapide de son remplaçant, qui demande à son tour un joueur du même portefeuille. Simplicité, efficacité. Malgré tout, Lucas se défend de toutes connivences.  » Pour le Brésilien Leandro Damião, j’ai dit non à Marseille, et le président m’a dit : ‘Attends, tu es un ami de l’OM et tune veux pas donner un joueur de Doyen !‘ Mais si je fais ça, demain on aura un problème. Tant que Michel sera à l’OM, il y aura zéro joueur de Doyen.  »

Pourtant, l’avant brésilien aurait bien pu enfiler la vareuse ciel et blanc. Suite au couac de dernière minute d’ErikLamela fin août, l’OM se rue sur Damião, prêté à Cruzeiro par Santos. Avant de faire marche-arrière. Parmi les documents révélés par FootballLeaks, un courrier à l’attention du président de Santos, signé par PhilippePerez, directeur général marseillais, qui explique que le club annule tout.

L’agent de Damião aurait réclamé une prime à la signature de 8 millions, arguant la totale liberté de son joueur suite à une décision de la justice brésilienne. A la fin de ce courrier, la mention :  » N’hésitez pas à nous contacter nous ou M. Nelio Lucas à ce sujet.  »

Lucas peut être ici cité pour deux raisons : pour sa proximité avec Labrune et parce qu’en décembre 2013, Doyen Sports a prêté 13 millions d’euros à Santos pour détenir les droits économiques du joueur. Une situation ambiguë, tant le patron de l’OM semblait ne pas pouvoir se permettre un tel achat, lui qui a budgété une cinquième place à la DNCG en juin, et qui avait tout mis en oeuvre pour qu’Imbula quitte le navire avant le 30 du même mois, afin de boucler ses comptes proprement.

Sa trop  » tardive  » signature à Porto avait forcé Labrune à vendre Payet en Angleterre. Sans Rodrigo Caio, qui a également bloqué la vente définitive de Doria à São Paulo en choisissant d’y rester, le maestro désormais londonien aurait pu rester du côté de la Canebière. Un énorme jeu de chaises musicales qui confirme l’empressement de la direction phocéenne.

4 MILLIONS D’EUROS RÉCLAMÉS PAR LES SUPPORTERS

Au-delà d’une mise à niveau de la masse salariale, avec des contrats moins coûteux qu’auparavant, l’OM s’est arrangé pour racheter son centre d’entraînement, la Commanderie, et négocier le loyer annuel du nouveau Vélodrome, estimé à 4 millions d’euros. Labrune, décidé à reprendre en main l’environnement du club, fait également en sorte que la  » commercialisation intégrale et exclusive  » des virages de l’enceinte redevienne sienne.

Depuis 1987, les associations de supporters les revendaient elles-mêmes à leurs adhérents. Il s’agit bien pour Labrune de remettre de l’ordre en tribune, surtout après les événements d’OM-OL, où Mathieu Valbuena, passé chez l’ennemi lyonnais, s’était vu caricaturer en nain pendu, sorte de tifo Defour version olympienne.

Après une bataille de plusieurs mois, le Club Central des Supporters (CCS), qui compte 2500 membres et qui n’est pas le plus virulent, assigne le club devant les tribunaux pour rupture abusive de relations commerciales tout en demandant une indemnité de 4 millions d’euros.

Fixé au 8 mars, le procès tombe mal, dans le même temps que Jean-Claude Dassier, ancien président de 2009 à 2011, est accusé et Philippe Perez mis en examen pour abus de biens sociaux, faux et usage de faux et associations de malfaiteurs, le tout chiffré à hauteur de 55 millions, pour dix-huit transferts de joueurs et prolongations de contrats. Une énorme tuile dans la com’ soignée de Labrune.

Le même qui, quand les supporters brandissaient une banderole  » un grand club mérite de grandes ambitions et une grande direction  » en début de saison, répondait, au micro de Canal + :  » On a des ambitions. Il y a quelques abrutis qui en doutent et qui en manipulent d’autres pour faire croire le contraire. [… ] On a un cahier des charges à respecter, qui est celui de l’actionnaire au niveau financier. On l’a fait. Puis, on a un autre cahier des charges, qui est le mien. En tant que président, c’est d’avoir l’équipe la plus compétitive possible.  »

Reste le cas Michy Batshuayi, qui ne fait pas l’unanimité au Vélodrome. Accusé d’être perso dans le vestiaire marseillais, pas assez mature pour Michel et trop nonchalant pour les supporters, l’ancien d’Evere a vu resurgir ses démons dans le sud de la France. Mais il faut dire que depuis le début de saison, couplé au retour en grâce de Lassana Diarra, Batshuayi concentrait à lui seul tous les espoirs marseillais. Alors que l’OM possède trois potentiels latéraux à droite – Dja Djédjé, Manquillo et Isla -, il est resté l’unique numéro 9 au niveau dans le noyau, jusqu’à fin janvier et l’arrivée surprenante de Steven Fletcher.

Depuis le début de saison, il a disputé la bagatelle de 2978 minutes, pour 34 matches, dont 33 titularisations, 15 buts et 3 assists (avant le match à Trélissac, ndlr). C’est simple, en championnat, il avait disputé l’intégralité des rencontres depuis le 27 septembre 2015 et une défaite contre Angers (1-2), avant qu’il soit remplacé par Fletcher lors du dernier clasico, où il a été une nouvelle fois décevant. Sa seule sortie récente, c’était alors pour des problèmes gastriques en Coupe de la Ligue face à Bourg-Péronnas, le 16 décembre… On pouvait logiquement s’attendre à une blessure, sorte de fracture de fatigue de mauvais augure avant l’Euro.

Mais l’arrivée d’un renfort à l’avant, réclamé à maintes reprises par Michel et les supporters, soulage doucement Michy, qui a retrouvé le chemin des filets. Steven Fletcher, tout juste sorti de convalescence, a su se montrer pour le moins efficace. Buteur plutôt régulier de l’autre côté de la Manche, l’Écossais dispose d’une bonne patte gauche et constitue une vraie plus-value dans l’effectif olympien. Et plutôt que de remplacer Michy, qui se bonifie clairement lorsqu’on l’associe à un bosseur, il est désormais régulièrement aligné à ses côtés, l’OM manquant cruellement de solutions offensives. Son transfuge a d’ores et déjà eu le mérite d’apaiser les supporters marseillais et d’alléger le programme de Batshuayi, qui devrait, selon toute vraisemblance, quitter le navire phocéen cet été.

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTOS BELGAIMAGE

L’été passé, 15 joueurs sont arrivés à l’OM et 17 l’ont quitté, dont 7 des 11 titulaires habituels.

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