CHACUN SON TRUC

Trois entraîneurs qui vivent une situation délicate. Trois manières de lutter contre le stress.

Septième à mi-parcours la saison dernière avant de partir pour la Russie, Slavoljub Muslin est-il devenu un autre homme ?  » Pas du tout « , dit-il de façon laconique.  » Le stress est là mais nous en avons besoin pour réussir. Certains ne peuvent pas s’en passer puisqu’on voit des entraîneurs de soixante ou même septante ans. Cela donne un sens à leur vie. En ce qui me concerne, j’ai toujours bien dormi la veille des matches mais la nuit suivante est souvent un cauchemar et cela ne s’améliore pas. Je ne cesse d’analyser, de parler. Je discute avec le président en mangeant un bout. Pendant les matches, on est tellement concentré qu’il faut un bout de temps avant de se remettre à fonctionner normalement. Si je reçois le DVD du match immédiatement, je le regarde pendant la nuit. Sinon, je vois un film ou j’écoute un peu de musique. Gagné ou pas, il n’y a pas de différence : c’est une nuit blanche « .

Comment fait-il pour garder son calme le jour du match ?  » J’essaye de me calmer en faisant des mots croisés ou en chipotant sur l’ordinateur. Je cherche parfois des choses sur internet mais il m’arrive aussi de jouer à des jeux électroniques. Comme ça, le temps passe plus vite. En principe, tout est prêt. J’ai préparé tous les scénarios possibles et il me reste à les appliquer. Qu’on joue la tête ou la queue de tableau, le stress est là. Mais ce n’est pas là même chose (il rit). Je préfère être en tête, cela me permet de mettre de la pression sur les joueurs tandis que, quand on lutte pour le maintien, on doit surtout les déstresser pour éviter la paralysie : parler, rigoler, les mettre à l’aise. Il ne faut pas trop mettre l’accent sur le résultat  »

Meeuws se cache

A Beveren, c’est avec de tout petits moyens que Walter Meeuws lutte pour le maintien.  » Vous savez, le stress, je n’ai vraiment pas envie d’en parler « , sourit-il.  » Je peux juste vous dire qu’avec les années, ça va mieux  »

Son adjoint, Eddy De Bolle, ne le croit pas.  » Relativiser avec l’âge ? C’est ce qu’il dit. Avec moi, ça ne marche pas et j’en ai peur… Lorsque je fais du vélo, j’essaye toujours de rouler plus vite que les autres. C’est la nature d’un sportif. Et puis, une équipe doit sentir que son entraîneur est sur le qui vive. Il faut réagir directement, leur montrer qu’on a est bien présent. Croyez moi : après un match, Walter n’arrive pas à relativiser directement non plus « .

Pour De Bolle, le stress est un mal nécessaire.  » Lorsque je jouais, c’était différent, plus sain. Dès qu’on touchait le ballon, c’était fini. Un entraîneur évacue moins facilement. Après un match, joueurs et entraîneurs sont à nouveau à égalité : tout le monde a du mal à s’endormir et repense à ce qui s’est passé. C’est quand même moins grave que le stress qui précède le match. L’adjoint doit être sur la même longueur d’ondes que l’entraîneur mais ne ressent pas la même chose. Je m’en suis aperçu l’an dernier lorsque j’ai repris l’équipe qui luttait pour le maintien. Descendre aurait été catastrophique. Il y avait bien plus en jeu que le résultat. Des tas de gens travaillent ici, y compris dans les bureaux. Descendre, c’était peut-être leur faire perdre leur job. Cet aspect social me taraudait, c’était un stress très malsain. D’autant qu’ici, des facteurs particuliers intervenaient : nos Africains sont des gens formidables et d’excellents footballeurs mais le classement, ne les intéresse pas du tout. Nous avons dû nous battre jusqu’à la dernière minute de championnat mais, à trois matches de la fin, ils me demandaient si nous serions sauvés en cas de victoire le dimanche. Parfois, le jeudi ou le vendredi, ils me demandaient contre qui nous allions jouer. Lorsque nous nous sommes sauvés, j’ai été réellement soulagé. Dans cette période, le vélo m’a beaucoup aidé : une heure aller et une heure retour pour aller à l’entraînement. Si cela m’aidait à me détendre, je n’étais jamais relax. Je me relevais la nuit pour noter quelque chose d’important, surtout au niveau de la motivation. Car pour ce qui est du football, avec eux, je n’avais pas de souci à me faire « .

Selon De Bolle, tout le monde est stressé, même ceux qui n’en laissent rien paraître.  » Quand Emilio Ferrera fait des clins d’£il pendant le match, c’est qu’il est nerveux. J’ai connu Herman Helleputte : il a l’air très calme mais c’est faux. Regardez sa chemise après un match : elle était toute mouillée sous les aisselles. Aimé Anthuenis a eu des problèmes cardiaques : on ne peut pas dire que ce soit un métier très sain (il rit) « .

Calme scandinave

Et Kjetil Rekdal, qui tente de sauver le Lierse et est encore relativement jeune dans le métier ?  » Parler de stress avec Kjetil ? Il ne sait pas ce que c’est « , rigole son adjoint, David Brocken.

Rekdal confirme :  » C’est vrai, pourquoi serais-je stressé ? J’effectue un boulot normal. Parfois, la pression est un peu plus forte que d’habitude mais cela fait partie du métier. Il faut se préparer mentalement et physiquement afin de ne pas être surpris et de ne pas devenir nerveux en cours de match. Je pense que les gens stressés ne tiennent pas le coup longtemps. Il est possible qu’on prépare très bien un match en semaine et qu’il faille tout changer après cinq minutes. A cela aussi, il faut s’y préparer. C’est pourquoi je ne suis jamais nerveux. Je suis peut-être froid et bizarre, c’est possible. Mais je ne suis pas plus nerveux le samedi que le lundi. Peut-être juste un peu plus affûté. Après la défaite en Coupe contre l’Antwerp, je suis cependant rentré à la maison plus vite que d’habitude car j’étais aussi responsable.

En principe, l’enjeu d’un match n’a pas d’importance. Qu’il s’agisse d’une rencontre amicale, de Coupe ou de championnat, l’engagement et la préparation devraient toujours être identiques. Pourtant je sais que dans la réalité c’est différent. Il y a plus de pression dans certains matches mais, lorsque je jouais, je prenais cela du bon côté : plus il y avait de pression, plus on avait l’occasion de se mettre en évidence. Ces jours-là, je prenais du plaisir. J’ai adoré tirer un penalty à la dernière minute face au Brésil en Coupe du Monde. Presque toute la Norvège a tourné le dos à la télévision mais moi, je me suis régalé. Le gardien était si petit et le but, si grand, que je ne pouvais pas rater. Voilà ce que je me suis dit « .

Ici, j’ai atterri au sein d’un groupe dévasté moralement. J’aurais pu envoyer ces types chez le psychologue qui leur aurait martelé qu’ils étaient bons mais je pouvais le leur dire aussi. Cela m’aurait-il aidé ? Je préfère mettre au point un système qui leur permette de se mettre en évidence. A eux de montrer qu’ils en sont capables. Ici, quelqu’un s’occupe des joueurs mais je n’interviens pas dans son travail. J’essaye d’être un psychologue à ma manière. On peut descendre un joueur mais on peut aussi l’aider à se reconstruire « .

Que fait-il pour se détendre ?  » Je joue aux cartes, je surfe sur internet, je regarde la télévision, je parie, je joue avec les enfants, je pêche… Qu’on joue la tête ou le maintien, cela n’a rien à voir : chaque joueur veut gagner. »

PETER T’KINT

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