» C’EST À LIÈGE QUE J’AI APPRIS À SORTIR « 

En 1980, le Standard réalise un coup de maître en s’assurant les services de Simon Tahamata, un ailier gauche de 24 ans, d’origine moluquoise, actif à l’Ajax d’Amsterdam et qui, l’espace de 4 saisons, va enflammer Sclessin.

« J’avais une furieuse envie de tenter ma chance à l’étranger « , se souvient-il.  » Et le club principautaire me paraissait le point de chute idéal. Car le Standard appartenait au top belge et, de surcroît, la ville de Liège n’était guère éloignée de la frontière hollandaise. A priori, je comptais d’ailleurs élire domicile à Maastricht où l’une de mes cousines résidait.  »

Le projet fait toutefois long feu car dès la période de préparation estivale, notre homme se lie d’amitié avec un autre nouveau, venu en droite ligne du SK Tongres, JosDaerden. Celui-ci l’invite à partager son domicile dans la cité d’Ambiorix avant de l’installer non loin de là, à Koninksem.

 » Nous détonions quelque peu dans la mesure où tout nous différenciait « , observe Sim.  » Il était longiligne et blond tandis que moi, avec mon teint bronzé, je faisais 164 centimètres. Mais il faut croire que les extrêmes s’attirent. MichelPreud’homme, gardien titulaire à ce moment-là a d’ailleurs eu tôt fait de nous trouver un surnom : GrandgalopetPetittrot. Une référence à un dessin animé qui faisait alors fureur.  »

Sur le terrain, l’acclimatation est des plus rapides aussi. Dès le troisième match de la saison, en déplacement au Club Bruges, le pocketplayer, auteur de deux buts et autant d’assists, est ainsi à la base d’une dégelée historique des BlauwenZwart (1-7).

 » L’entraîneur ErnstHappel, qui avait entraîné cette équipe avant d’aboutir à Sclessin, était évidemment bien placé pour me tuyauter sur les forces et les faiblesses de ses anciens joueurs. L’arrière-garde flandrienne, avec des garçons comme FonsBastijns, GeorgesLeekens et LaszloBalint en ses rangs, était composée d’éléments peu mobiles. Ce jour-là, je leur ai donné le tournis à qui mieux-mieux.  »

Un an plus tard, rebelote, mais sous la direction de RaymondGoethals cette fois. Score final : 0-3, avec un hat-trick de Tahamata au passage. Lors de Sportweekend, version néerlandophone du WeekendSportif, le regretté commentateur RikDeSaedeleer y va d’ailleurs d’une tirade restée fameuse : Bruges 0-Tahamata 3.

 » Raimundo est le meilleur coach que j’aie connu « , avoue Tahamata.  » Avec lui, je pouvais toujours donner cours à mon intuition sur le terrain. Aux théories d’avant-match, il me répétait invariablement, avec son accent bruxellois inimitable : Simon, gaameusloepen, autrement dit : Simon, tupeuxdormir. Un autre mot que j’ai appris avec lui, c’était carreï, lisez la surface de réparation.

Simon a toutefois vite compris que pour ses partenaires, le mot  » carré  » avait encore une autre signification. Car tous les lundis, c’était la même rengaine : une escapade avec les autres gars du noyau jusqu’aux petites heures dans l’endroit bien connu du même nom, au centre de Liège.

 » J’avais toujours été quelqu’un des plus casaniers jusque-là « , remarque-t-il.  » De fait, c’est à Liège que j’ai appris à sortir. Et à profiter aussi des petits plaisirs de la vie car on se faisait régulièrement une bouffe agrémentée d’un verre de vin. Ou de bière. C’est durant ma période liégeoise que j’ai découvert le jus de houblon. Le plus souvent de la Maes, car cette brasserie était alors le sponsor de l’équipe (il rit).  »

MEMBRE DE LA FAMILLE

Indépendamment de la bonne chère et des boissons qui l’accompagnaient, Simon aimait aussi, comme nul autre, ce public liégeois qui lui donnait des ailes.

 » Jamais je n’ai connu une ambiance aussi chaude « , précise-t-il.  » Jamais, non plus, je ne me suis senti mieux intégré qu’au Standard. C’était le jour et la nuit par rapport à ce que j’avais connu, sur la fin, à l’Ajax. Là-bas, tout le monde ne voyait manifestement pas d’un bon oeil que je fasse fureur en Première.

En ce temps-là, il est vrai, la question moluquoise était un sujet sensible aux Pays-Bas. A la fin des années 70, pour faire valoir leurs droits, quelques compatriotes avaient eu la malencontreuse idée de se livrer à des prises d’otages à Zuidlaren et Bovensmilde. Avec, pour conséquence, des relents racistes dans la société.

J’y ai été confronté dans mon pays mais jamais en Belgique. Au Standard, j’étais perçu comme un membre de la grande famille des Rouches, à l’instar de mes partenaires. J’ai beau avoir joué jusqu’à 40 ans, et porté par après encore les couleurs de Feyenoord et du Germinal Ekeren, c’est au Standard, entre 1980 et 84, que j’ai vécu mes plus belles années.

D’ailleurs, s’il n’y avait pas eu l’affaire que l’on sait avec Waterschei, tout porte à penser que je me serais inscrit dans la durée chez les Rouches  »

A près de 60 ans, Tahamata est toujours impliqué, aujourd’hui, dans le sport qui l’a rendu célèbre. Après un passage en Arabie Saoudite, il est retourné en 2014 à la case départ ajacide. Où, le dimanche, il dispense des cours dans une académie qui porte son nom : la Simon Tahamata Soccer Academy.

Quand son emploi du temps le permet, il rallie cependant la Belgique pour se retremper dans l’atmosphère de Sclessin. Il y était notamment présent lors de la demi-finale aller de la Coupe de Belgique entre les troupes de YannickFerrera et le Racing Genk.

 » Le Standard m’a à ce point marqué que mes fils portent un prénom francophone « , dit-il.  » L’aîné se nomme Jean-Michel et l’autre Didier. Avec eux, c’est le souvenir du Standard qui me revient automatiquement à l’esprit…  »

PAR BRUNO GOVERS – PHOTO REPORTERS

 » Le Standard, c’était le jour et la nuit par rapport à ce que j’avais connu à l’Ajax.  » – SIMON TAHAMATA

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