Ce n’est pas fini

Terminé le procès KB Lux ? Sauf surprise, l’affaire devrait aller en appel. Côté politique, il est temps de tirer les conclusions du fiasco dans les principaux dossiers de grande fraude fiscale.

C’est un grand jour !  » s’est réjouie Me Michèle Hirsch. Les avocats des banquiers inculpés dans le procès KB Lux savourent leur victoire. Il y a de quoi… Dans cette première manche judiciaire, ils ont triomphé sur toute la ligne. Le véritable enjeu de ce procès devant le tribunal correctionnel de Bruxelles était moins de savoir si les banquiers allaient être condamnés que de déterminer si les 2 995 pièces à l’origine du dossier sont entrées légalement dans la procédure. Le juge Hendrickx, dont le professionnalisme est très largement reconnu au palais de justice de Bruxelles, a tranché. Net. Il pointe les  » graves déloyautés  » dans l’enquête. Son arrêt est cinglant pour les enquêteurs et même pour le parquet. Un arrêt sans appel, serions-nous tentés de dire. Et pourtant.

Les suites judiciaires

A l’heure où nous bouclons cette édition, impossible de savoir si le parquet fera appel de la décision du président Hendrickx. Il paraît cependant inconcevable que le ministère public, qui a défendu la recevabilité des poursuites, s’arrête à ce stade de la procédure. Au parquet général de Bruxelles, on semble d’ailleurs ne pas vouloir entendre parler de cette éventualité. Ce serait s’infliger un second camouflet.

D’autant que, si la fameuse jurisprudence dite  » Antigone  » de la Cour de cassation n’a pas été suivie en première instance, il peut en être autrement au niveau de la cour d’appel. Explication : en principe, des documents volés, comme c’est le cas dans le dossier KB Lux, ne peuvent être pris en compte par la justice, car il s’agit d’une pratique déloyale. Mais la récente jurisprudence Antigone (10 mars 2008), davantage appliquée pour l’instant par les juridictions néerlandophones, nuance les choses : le juge ne doit pas nécessairement écarter une preuve recueillie de manière irrégulière si la gravité des infractions à sanctionner est bien plus importante. Dans le dossier KB Lux, on parle d’une fraude de 400 millions d’euros.

Une décision en appel peut s’avérer très différente de celle rendue en première instance. C’est le principe même du double degré de juridiction.  » Souvenez-vous du procès Kirschen, au milieu des années 1990 !  » prévient un magistrat de la cour d’appel de Bruxelles. Deux agents de change anversois étaient accusés d’une fraude fiscale de 5 milliards de francs. En première instance, le tribunal avait déclaré les poursuites irrecevables : selon lui, le juge d’instruction avait ordonné une perquisition en dehors de sa saisine. Ce premier jugement avait fait grand bruit. Mais le ministre de la Justice de l’époque, Melchior Wathelet (ex-PSC), avait fait pression sur le parquet pour qu’il interjette appel. In fine, la cour d’appel a condamné les deux prévenus à de lourdes peines de prison.

Les suites politiques

Hasard du calendrier judiciaire ? L’arrêt KB Lux est tombé le même jour que la décision du tribunal de commerce de Bruxelles qui a débouté les petits actionnaires de Fortis, défendus par Me Modrikamen, face à la grande banque. Même si l’on ne peut que s’incliner devant ces décisions de justice, la pilule est difficile à faire avaler par l’opinion publique, surtout en ces temps de récession. D’autant qu’on ne peut que constater le  » systématisme  » avec lequel les grands dossiers de fraude fiscale de ces deux dernières décennies (KB Lux, Beaulieu, QFIE, Cash-companies) ont échappé, jusqu’ici, à toute sanction. Pour la plupart, il n’y a même pas eu procès. Or des centaines de millions d’euros sont en jeu.

Le monde politique devra forcément en tirer, un jour, les conclusions. Dans ce contexte, les recommandations de la commission d’enquête parlementaire sur la grande fraude fiscale constituent une opportunité exceptionnelle. Lesquelles se concrétiseront en textes de loi ? Dans quels délais ?  » L’égalité face à l’impôt est un défi démocratique aussi important que celui du procès équitable « , souligne un juriste de l’administration fiscale.

Thierry Denoël

les avocats des banquiers savourent leur victoire. Il y a de quoi. Mais…

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