© GETTY

Carlo & fils

Le gros coup, sur le marché des transferts en Italie, avait été réalisé par Naples avec l’arrivée de l’entraîneur Carlo Ancelotti. Jusqu’à ce que la Juventus engage CR7. Mais Ancelotti n’est pas venu à Naples pour jouer les utilités.

Près de 4.000 Napolifains s’étaient donné rendez-vous, le samedi 28 juillet au soir, pour la fête des supporters du Napoli sur la piazza de Dimaro, le petit village des Dolomites, près de Trento, où le camp d’entraînement de leur équipe préférée devait commencer le lendemain.

Après les discours sur le podium, les joueurs ont pu s’adonner à une petite séance de karaoké. Lorenzo Insigne, Napolitain pure souche, flanqué de Marek Hamsik et du nouveau venu Simone Verdi, a entonné une version impressionnante d’une chanson d’amour en dialecte napolitain, O’Surdato Nnamurato.

Les applaudissernents ont encore été plus nourris lorsqu’est arrivé le tour du nouvel entraîneur. On ne sait pas encore si Carlo Ancelotti (59 ans) parviendra à atteindre ses objectifs sur le plan sportif, mais ce dont on est sûr, c’est qu’avec lui on mangera bien à Naples, et qu’il aime pousser la chansonnette avec un certain talent.

Sans hésiter, il sort un classique des années 90, chanté par Renato Zero, I miglori anni della nostra vita, ( Les meilleures années de notre vie) . Lorsqu’il tend le micro au public pour le refrain, celui-ci ne se fait pas prier. Ancelotti est déjà accepté à Naples, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.

Ancelotti plutôt que CR7

Francesco De Luca, le journaliste qui suit le Napoli pour le journal local Il Mattino, considère le choix d’Ancelotti comme un choix courageux qui mérite le respect. C’est la première fois, depuis ses débuts dans la profession, que Carletto n’opte pas pour un club qui fait partie du top absolu en Europe.

Lorsque le propriétaire/président Aurelio De Laurentiis a annoncé la venue d’Ancelotti, nombreux sont ceux qui sont restés incrédules. Ils n’en croyaient pas leurs oreilles. Quelques mois plus tôt, Carlo, qui s’était accordé une année sabbatique après son licenciement du Bayern en septembre, avait encore reçu une proposition de l’équipe nationale, qu’il avait refusée.

De Laurentiis a réalisé un véritable exploit en parvenant à le convaincre, à un moment où beaucoup pensaient que Maurizio Sarri resterait encore une quatrième saison. Un exploit qui lui a valu les gros titres de tous les journaux. Jusqu’à ce que la Juventus engage Cristiano Ronaldo, un mois plus tard, et ne rejette une nouvelle fois Naples dans les pages suivantes des quotidiens.

De Laurentiis a alors révélé qu’en mars, il avait eu un bref contact avec l’agent de Ronaldo, Jorge Mendes, qui lui avait demandé si Naples pouvait être intéressé par son poulain. Intéressé, le producteur de cinéma l’était certainement, mais celui qui est devenu l’un des rares propriétaires de club de Serie A qui soit parvenu à maintenir les finances en dehors de la zone rouge quasiment chaque année, s’est rapidement rendu compte que c’était irréalisable, budgétairement.

Non pas qu’Ancelotti soit un entraîneur bon marché : avec cinq millions par an (il a signé pour trois saisons), il est même le deuxième entraîneur le mieux payé de Serie A, derrière Massimiliano Allegri de la Juventus qui perçoit sept millions par an. Mais Ronaldo…

Refus sur refus

Pendant le camp d’entraînement dans les Dolomites, l’euphorie ambiante s’est rapidement transformée en pessimisme. À l’occasion de quelques matches amicaux prestigieux, le nouvel entraîneur a vu son équipe encaisser l’un ou l’autre solides uppercuts. Le 5-0, dans le premier grand match qui a opposé le Napoli au récent finaliste de la Ligue des Champions, Liverpool, a fait particulièrement mal.

Dans les premiers matches, la défense a pris l’eau, alors que le duo central Koulibaly-Albiol s’était révélé quasiment infranchissable l’an passé et avait offert des garanties de sécurité. L’expérimenté Ancelotti a réagi calmement.

 » Notre équipe possède beaucoup de qualités techniques, et s’il reste encore quelques problèmes tactiques à résoudre, je suis convaincu que nous allons y parvenir.  »

Mais les supporters veulent davantage que des paroles. Avec l’arrivée d’Ancelotti, ils s’attendaient à voir débarquer un certain nombre de joueurs de haut niveau, mais De Laurentiis n’a pas l’intention de trop délier les cordons de la bourse.

Ou plutôt : n’a plus l’intention. En juin, il avait encore proposé 50 millions pour l’attaquant de la Fiorentina, Federico Chiesa, l’une des étoiles montantes du football italien. Mais la Fiorentina n’a rien voulu entendre.

Comme le gardien Pepe Reina était arrivé en fin de contrat et est parti à l’AC Milan, le propriétaire était prêt à offrir 60 millions pour le dernier rempart de l’AS Rome, l’international brésilien Alisson Becker. Mais la Roma voulait encore plus d’argent, et allait l’obtenir de la part de Liverpool.

Napoli-Bari : même combat

Des rumeurs ont circulé, selon lesquelles l’attaquant du PSG Edinson Cavani reviendrait dans le club qui l’a révélé, mais De Laurentiis a coupé court :  » Fake news ! Il gagne dix millions par an.  »

Les critiques d’une partie des supporters ne gènent pas le président :  » Ils me contestent, je les conteste. Ils voudraient que nous dépensions des milliards pour acheter des joueurs de haut niveau, mais eux-mêmes sont tellement avares qu’ils passent à quatre dans le tourniquet pour entrer dans le stade. Ils ont oublié d’où nous avons commencé, il y a 14 ans.  »

Le propriétaire fait référence au fait qu’il a repris le club en faillite en août 2004. À l’époque, le Napoli n’avait plus rien, même plus de ballons d’entraînement. Le club est encore parvenu in extremis à s’inscrire en Serie C, la troisième division. C’est en partant de cet échelon-là que De Laurentiis, en gérant parfaitement les finances, est parvenu à faire remonter le club parmi l’élite, jusqu’en Ligue des Champions.

La semaine dernière, on a appris qu’il avait repris un autre club tombé en faillite : Bari, l’ancien club de Jean-François Gillet, qui évoluait encore en Serie A il y a huit ans et qui attend maintenant une inscription en Serie C ou en Serie D. De Laurentiis, qui a placé son fils Luigi au poste de président, est décidé à réaliser avec Bari ce qu’il a réalisé avec Naples : faire remonter le club au sommet du football italien.

Ospina à la place d’Ochoa

De Laurentiis a convenu avec Ancelotti que le noyau qui a décroché le titre de vice-champion d’Italie avec 91 points et produisait le plus beau football de la Botte, resterait inchangé. Ancelotti a marqué son accord, et a demandé au président de rester ferme lorsqu’il étai contacté pour l’une ou l’autre des vedettes de l’équipe.

C’est ainsi que Dries Mertens est resté, malgré une clause libératoire qui ne dépassait pas les 28 millions d’euros. Autant dire des cacahuètes dans le football moderne.  » Mes joueurs ne sont plus à vendre « , a rétorqué De Laurentiis.  » J’aurais pu obtenir 90 millions pour Koulibaly ( ex-Genk, ndlr). Trois clubs étaient prêts à débourser cette somme.  »

La défense est au point, le milieu de terrain également, et en attaque, il y a abondance de biens. Naples doit uniquement engager un nouveau gardien. Il s’appellera Alex Meret, a 21 ans et défend les buts de l’équipe italienne Espoirs. Depuis un an et demi, il s’est illustré entre les perches du néo-promu, la SPAL Ferrera.

Pour un jeune talent comme Meret, De Laurentiis n’a pas hésité à débourser 25 millions d’euros. Mais le jeune portier s’est cassé l’avant-bras dès le premier jour de stage. Naples a donc dû se mettre à la recherche d’un nouveau gardien.

La semaine dernière, Naples a officialisé l’arrivée du Colombien David Ospina, qui avait quitté Nice pour Arsenal il y a quatre ans après une Coupe du monde réussie au Brésil, et qui avait livré une bonne première saison en Angleterre avant d’être rejeté dans l’ombre de Petr Cech. Ospina est loué pour une saison, avec option d’achat.

La même formule que Naples avait envisagée pour le gardien mexicain du Standard, Guillermo Ochoa. Les Rouches étaient seulement disposés à le vendre, mais cela ne faisait pas l’affaire de Naples, qui ne cherchait qu’un troisième gardien destiné à pallier l’indisponibilité de Meret.

En outre, Ochoa aurait été considéré comme un joueur extra-communautaire, alors qu’Ospina ne l’est plus après quatre ans en Angleterre. Un détail qui n’est pas sans importance, dans un championnat qui limite strictement le nombre de joueurs extra-communautaires autorisé.

Évolution, pas révolution

Finalement, Ancelotti utilise la méthode qui lui avait bien réussi dans ses clubs précédents : il crée une bonne relation avec ses joueurs en les gérant de manière souple, et apporte quelques retouches tactiques lorsqu’il l’estime nécessaire. Pas de révolution, mais une évolution. Il n’est pas rassasié. En tout cas, c’est ce qu’il a déclaré lorsqu’on lui a demandé s’il avait toujours aussi faim de victoires.  » Les victoires appellent les victoires.  »

L’objectif, cette saison, est de rester compétitif sur trois fronts.  » La plus grande satisfaction sera de retirer le maximum de ce groupe de joueurs « , dit Ancelotti. Un objectif qu’il veut atteindre en instaurant le même système de jeu que celui de la saison dernière, il insiste sur ce point. Le 4-3-3 de Sarri, donc, avec de légères modifications. La défense joue un peu plus bas, de sorte que l’entrejeu doit déployer une grosse activité physique.

Finalement, Ancelotti disposera d’un effectif quasiment inchangé. Pourtant, si l’on a l’impression que Naples n’a quasiment rien investi pendant le dernier mercato, il faut quand même relativiser. Le club a dépensé 81 millions d’euros pour ses récentes acquisitions, ce n’est pas rien.

Mais, dans l’équipe qui figurait au coup d’envoi de la journée ouverture, sur le terrain de l’ambitieuse Lazio, on ne retrouvait qu’un seul nouveau joueur. Et encore est-ce dû au fait que Naples a laissé partir tous ses gardiens de l’an passé. Le but était défendu par l’international grec Orestis Karnezis, qui n’avait pas laissé forte impression pendant la préparation, lorsqu’il avait dû remplacer le titulaire Meret au pied levé.

Les nouveaux venus n’ont pas quitté le banc pendant les 90 minutes. Que ce soit Fabian Ruiz, acheté pour 30 millions au Real Betis, le Français Kevin Malcuit acquis pour 12 millions à Lille, ou l’attaquant Simone Verdi, qui avait encore refusé un transfert à Naples en janvier, mais qui après quelques matches en équipe nationale, a tout de même quitté Bologne pour 25 millions.

Milik, la botte secrète

Les dix joueurs de champ qui figuraient au coup d’envoi étaient donc les titulaires habituels. À une exception près : on trouvait en pointe l’international polonais Arkadiusz Milik, et pas Dries Mertens. Naples a acheté Milik il y a deux ans, pour 35 millions, afin de remplacer Gonzalo Higuain, vendu à la Juventus. Ses débuts avaient été phénoménaux, avec sept buts en neuf matches, mais il a été victime de deux graves blessures au genou et s’est retrouvé longtemps sur la touche.

C’est suite à la blessure du Polonais que Sarri avait aligné Mertens en pointe, un peu contraint et forcé. Et comme il a brillé à ce poste, il l’a laissé. À la grande colère de De Laurentiis, qui a parlé de gaspillage de capitaux lorsque Milik était rétabli : comment peut-on laisser un jeune prometteur de 21 ans, qui a coûté 35 millions, sur le banc ?

Mais aujourd’hui, le Polonais ne se ressent plus du tout de ses blessures et est en grande forme. Son but inscrit lors du premier match de championnat porte son total à 15 pour le compte du Napoli en un peu plus de deux ans. En tenant compte du temps qu’il a passé sur le terrain (1.505 minutes), cela revient à un but toutes les 100 minutes.

Lorsqu’on lui demande quel est le point fort de ce Napoli, le journaliste De Luca répond : Milik. Et ajoute :  » Verdi est aussi une bonne acquisition, on peut l’utiliser partout en zone offensive et il est très fort physiquement.  » Conséquence : le joueur le plus important de ces deux dernières saisons, Mertens, ne sera probablement pas titulaire. Si Milik maintient la forme qui est la sienne actuellement, et en sachant qu’Insigne reste une certitude à gauche, Dries devra probablement se contenter d’un rôle de remplaçant.

À moins qu’Ancelotti n’opte pour un 4-4-2 avec Milik et Mertens comme duo complémentaire en pointe, ou pour un 4-2-3-1 avec Mertens en soutien du Polonais. C’est une option, mais pas dans l’immédiat.

Carlo Ancelotti
Carlo Ancelotti© BELGAIMAGE

Un génie du foot

L’arrivée de Carlo Ancelotti à la tête d’un effectif inchangé suffira-t-elle à offrir le titre au Napoli ? Rien n’est moins sûr, affirme Francesco De Luca.  » La Juventus et l’Inter sont très forts, mais une place parmi les quatre premiers, synonyme de qualification devrait être dans ses cordes. C’est un minimum et absolument réaliste.  »

Juste avant le début du championnat, Aurelio De Laurentiis s’est efforcé d’ôter la pression des épaules de son entraîneur.  » Nous progressons pas à pas. Notre problème, c’est que nous avons changé d’entraîneur et qu’Ancelotti doit enseigner un nouveau style de jeu à l’effectif existant. Mais engager un nouvel entraîneur et le laisser composer un nouveau noyau à sa guise, aurait pris encore plus de temps.

Soyons patients. Il recevra au moins deux mois pour faire entrer ses principes dans la tête des joueurs. Mettre les qualités d’Ancelotti en doute, reviendrait à dire que l’on n’y connaît rien en football. C’est un génie du football qui a rencontré le succès partout où il est passé. Pourquoi n’y parviendrait-il pas à Naples ? « 

Dries Mertens est resté à Naples. Une bonne idée ?
Dries Mertens est resté à Naples. Une bonne idée ?© BELGAIMAGE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire