BY EDDIE MURPHY

Dans cette série consacrée au premier terrain de nos Diables Rouges, place aux lieux où l’artiste Axel Witsel a cultivé son toucher de balle unique.

Eddie Murphy, Whitney Houston, Jeane Manson… vous allez demander quel est le rapport avec Axel Witsel et ses soeurs ! Si Axel se prénomme Axel, c’est une référence à AxelFoley, le personnage imaginaire campé par Eddie Murphy dans la série Le flic de Beverly Hills. Ses parents, Sylvie et Thierry, étaient fans. Le Diable a une soeur prénommée Whitney parce que le couple adorait la diva noire américaine de la chanson. Leur autre fille s’appelle Shirel comme la progéniture de Jeane Manson, elle aussi idole de la maison.

Axel grandit dans une maison modeste d’une cité proprette à Vottem. Un noeud autoroutier, avec connexions vers Verviers et Anvers notamment, est à quelques centaines de mètres. Mais surtout, il a tout sur place pour bien meubler son temps. Il se rend à pied à l’Ecole Fondamentale des Cascogniers, en classes maternelles et primaires. C’est juste de l’autre côté du pâté de maisons.

Et au bout de sa rue, il y a un petit espace goudronné et entouré de murets où il va passer des centaines d’heures à taper le ballon avec ses potes. Dont Nacer Chadli, qui déboule du Thier-à-Liège tout proche, et Mehdi Carcela, monté de Droixhe. Le petit espace en question est logé à la Rue des Arts, ça ne s’invente pas. Les dribbles fous du trio ont été travaillés ici.

Thierry Witsel, qui a longtemps joué en D1 de futsal, nous promène sur les lieux qui ont vu grandir son artiste de fils. On s’arrête à la Rue des Arts, il nous montre le centre fermé de Vottem qui est à deux pas et il nous fait découvrir l’Espace Axel Witsel. Un agora inauguré en 2012, parfaitement entretenu, bordé par une plaine de jeux et l’un ou l’autre appareil de musculation en plein air.

UN JOUEUR COMME UN AUTRE

 » Axel a sympathisé avec Nacer Chadli et Mehdi Carcela quand ils étaient ensemble au Standard. Avec la famille Chadli, c’est devenu une vraie amitié. On se dépannait mutuellement pour les conduire aux entraînements et aux matches. Axel filait parfois à Thier-à-Liège pour jouer sur une petite place là-bas. Il lui arrivait aussi de descendre à Droixhe pour y retrouver Mehdi Carcela et ses copains mais ça ne me plaisait qu’à moitié parce que c’était un peu moins calme, comme environnement…  »

Il poursuit sur le thème de l’amitié entre coéquipiers.  » C’est très difficile d’avoir des vrais amis dans une équipe de foot, et sans doute encore plus pour Axel que pour d’autres parce qu’il jouait à plusieurs places : dans l’axe de l’entrejeu, à gauche, à droite, devant, derrière. Donc, ça multipliait le nombre de concurrents potentiels et ça diminuait ses chances de construire des amitiés sans arrière-pensée !  »

Changement de décor et plongée dans la cuvette du RRC Vottem, le Stade Michel Ansenne. Le premier terrain en herbe d’Axel Witsel. Thierry y a joué avant son fils.  » J’y suis venu comme adversaire, en P4, quand je jouais à Europe Young Liège. Chaque fois, l’accueil était chaud. C’était toujours difficile de venir gagner ici.  »

En faisant le tour des installations, il remarque que  » rien n’a changé.  » C’est un stade typique de petit club qui fait avec les moyens du bord, où les abords des buts sont forcément inondés par mauvais temps, où le béton de la seule tribune résiste assez mal à l’usure des années. Il y a tout mais aucun luxe. Axel s’y est affilié à six ans.

 » C’était un joueur comme un autre « , se souvient son père.  » Il se débrouillait, sans sortir du lot. Quand je venais le voir, je me faisais le plus discret possible. Je ne m’installais jamais à côté des autres parents, je les trouvais beaucoup trop sanguins. Encore plus les mamans que les papas. Ce qui était frappant chez Axel, c’est qu’à chaque fois qu’il réussissait un beau geste, il cherchait mon regard et celui de sa mère, comme pour nous dire : -C’était pas mal, hein !  »

 » JE VEUX FINIR LÀ-BAS, EN BAS  »

Il ne reste que deux ans à Vottem. Il a été repéré par Visé qui a une chouette réputation en matière de formation.  » Visé a été sa vraie porte d’entrée vers le Standard « , explique Thierry.  » Après un an là-bas, des gens du Standard ont proposé de le prendre. On en a parlé tous ensemble, à la maison. Je n’étais pas trop chaud parce que je voyais qu’il y avait un nombre incroyable d’appelés mais tellement peu de gars qui finissaient par percer. Axel lui-même n’avait pas envie d’être transféré. Il préférait rester avec ses potes à Visé.  »

Un an plus tard, le clan a refait le point.  » Le Standard est revenu vers nous. Là, je me suis dit que le train ne passerait peut-être pas une troisième fois. Je pensais aussi que si j’incitais Axel à rester à Visé, il allait peut-être me le reprocher plus tard. Et donc, on est partis au Standard. Son test, c’était un match contre Anderlecht. Il a marqué et fait marquer. Ils l’ont pris directement.  »

Ce n’était pas encore la luxueuse Académie comme on la connaît aujourd’hui. Axel Witsel s’est encore entraîné sur des terrains en cendrée. Un jour, il a lâché à Thierry :  » Papa, je veux finir là-bas, en bas.  » En bas, c’est au pied de la route qui mène au Sart Tilman et au centre de formation. C’est Sclessin…

 » De l’année 1989, trois joueurs ont percé à un très haut niveau : Nacer Chadli, Mehdi Carcela et Axel. C’est exceptionnel. Mais honnêtement, juste avant leur passage chez les pros, on ne pouvait pas encore dire qu’ils étaient au-dessus de tous les autres. Il y avait des joueurs qui couraient plus vite, d’autres qui étaient plus intéressants sur le plan technique. Mais tous ceux-là ont un peu stagné alors que Nacer, Mehdi et Axel ont continué leur progression. Axel a démarré sa formation piano piano pour la finir en boulet de canon.  »

ROLLE TOUSSAINT, DUPONT, WITSEL…

Thierry Witsel travaille dans la construction. Il a commencé comme manoeuvre puis a grimpé jusqu’à un poste de chef d’équipe.  » A 35 ans, j’ai complètement changé de cap. Parce que je me voyais mal bosser sur des chantiers jusqu’à 60 piges mais aussi parce que je voulais être plus disponible pour conduire mon fils au foot. J’ai alors fait une formation de deux ans pour devenir enseignant.  »

Aujourd’hui encore, il est prof de dessin, deux jours par semaine. Il combine avec une activité de patron d’une entreprise qu’il a créée récemment. Il commercialise des produits écologiques pour l’aménagement de bâtiments et emploie trois personnes. Nom de la société : ECOTAWSS. Ne cherchez pas… Thierry – Axel – Whitney – Shirel – Sylvie. La famille au complet.

La discussion déborde sur le passé familial compliqué de Thierry, né en Martinique.  » Mon père nous a abandonnés, ma mère et moi. Je ne l’ai jamais vu. Elle a alors commencé à correspondre avec un Belge et nous sommes venus ici. J’avais huit ans. Witsel, c’est le nom de famille de mon père adoptif. Avant ça, je portais le nom de ma mère : Rolle Toussaint. Je ne sais même pas si mon père biologique est toujours en vie. Si je retourne un jour en Martinique, je ferai peut-être des recherches. Ou peut-être pas. C’est le passé, c’est la vie.

J’ai trop de bonheur avec mes enfants pour me préoccuper de quelqu’un qui ne m’a ni reconnu, ni assumé. Ma fille aînée est déjà allée en Martinique et elle a passé un peu de temps à essayer d’en savoir plus, mais elle est revenue bredouille. Il faut dire que les Rolle Toussaint sont aussi nombreux là-bas que les Dupont ici. Donc, comme base de travail, c’est difficile…  » Axel, lui, n’y pense pas.  » Il est toujours en voyage, alors, partir en Martinique pour y retrouver une trace de son grand-père, ce n’est pas vraiment sa priorité !  »

 » TRAQUÉ COMME UNE STAR AMÉRICAINE  »

Thierry Witsel a aussi entraîné des jeunes du Standard pendant une dizaine d’années, des U8 aux U17. Il a eu notamment Junior Edmilson et Julien de Sart dans ses équipes. Et là encore, il a revu ses priorités en fonction de son fils.  » J’ai quitté l’Académie quand Axel est parti à Benfica. Il s’en allait seul au Portugal, il avait donc besoin que j’aille régulièrement le voir.  »

Après Vottem, la famille s’est installée à Rocourt. Dans une maison dont des photos ont été publiées lors de la période la plus sombre de la carrière d’Axel. Des sauvages s’en étaient pris à la façade au moment de l’affaire Marcin Wasilewski.  » Avec le recul, on peut dire que cette affaire a fait grandir mon fils « , dit Thierry.

 » Guy Namurois l’a fait progresser physiquement pendant sa suspension, il en a profité pour prendre des cours de communication, il a appris à mieux s’exprimer. Il a beaucoup bossé, il a mûri, il a fait le tri entre ses vrais copains et les autres.  »

Il a donc appris, aussi, à gérer l’hypermédiatisation.  » Aux Etats-Unis, les grandes stars du spectacle ont des photographes sur le dos presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il y a une demande du public, les gens veulent savoir ce que ces personnages-là font, du matin au soir et du soir au matin. Je compare un peu cette situation à celle que vit Axel. La presse aime bien épiloguer. Par exemple, on répète à chaque période de transferts qu’il va sûrement quitter la Russie. C’est clair qu’il vise un championnat plus connu, mais pour le moment par exemple, il n’est pas question qu’il abandonne le Zenit.

L’équipe vient de faire un stage au Qatar, elle est maintenant au Portugal, Axel va revenir deux jours dans la famille puis il enchaînera avec un autre stage en Espagne. La prochaine grande échéance, c’est le rendez-vous avec Benfica. Deux matches très spéciaux pour lui, évidemment. Il est content de retourner à Lisbonne, une ville qu’il adore. Il a laissé une trace là-bas. C’est normal, ce n’est pas tous les jours qu’un club bonifie ses finances en vendant un joueur pour 40 millions. Après cela, il y aura la dernière ligne droite du championnat. L’EURO, il n’en parle pas du tout pour le moment. Dans sa tête, c’est encore loin.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE – ERIC LALMAND

 » Vu qu’il pouvait jouer à plein de postes, il augmentait le nombre de concurrents et diminuait forcément le nombre d’amis potentiels.  » THIERRY WITSEL

 » Axel a démarré sa formation piano piano pour la finir en boulet de canon.  » THIERRY WITSEL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire