Brouilleur de pistes

Entre maintien et rumeur de départ à Anderlecht comme adjoint, l’entraîneur des Hurlus se penche froidement (comme toujours) sur son parcours.

Depuis quelques semaines, la rumeur ne fait qu’enfler. Le staff anderlechtois sera revu la saison prochaine et le nom d’ Ariel Jacobs circule avec insistance pour le poste d’adjoint de Frankie Vercauteren.  » Concrètement, je n’ai reçu aucune proposition. Quand un grand club parle de vous, cela vous flatte. Mais j’ai appris cette nouvelle dans la presse le jour de notre déplacement à Anderlecht. Ce n’est déjà pas un match facile et voilà qu’on rajoutait une pression. J’étais gêné et révolté car il ne s’agissait que de mon deuxième match avec Mouscron. Maintenant, le temps avance, on en reparle quotidiennement. Au départ, on parlait de T2. Désormais, on dit qu’on recherche un nouveau Jean Dockx, quelqu’un qui serait chargé de faire revenir du beau football à Anderlecht. Je crois que cela peut m’attirer car il s’agirait d’une expérience nouvelle. Le monde extérieur verrait cela comme une rétrogradation de T1 à T2 mais pas moi. Qu’on soit dans l’ombre ou sous la lumière, on vit son job avec passion. Je n’ai jamais été porté vers la publicité. J’ai toujours conçu le job comme un travail de groupe. Je me suis souvent dit – Pourquoi mériterais-je davantage la lumière ? Je suis, de nature, assez réservé et discret. Cela me convenait donc assez bien à Genk même si on trouvait là-bas que je devais me profiler davantage. Concernant Anderlecht, tant que je n’ai pas de nouvelles, je ne vais pas m’exprimer sur le sujet car je ne connais pas les tenants et aboutissants ainsi que les implications que cela représente « .

La décision n’est pas encore prise mais qu’est-ce qui pourrait encore retenir Jacobs dans le Hainaut occidental ?  » Certainement pas un intérêt personnel. Dès que Genk a appris que Lokeren et Mouscron s’intéressaient à moi, j’ai eu plusieurs entretiens avec le président Jos Vaessen, qui m’a dit qu’il était disposé à revoir mon contrat à la hausse. Mais je ne voulais pas profiter de la situation pour l’utiliser contre mon employeur. Ce serait trop facile de dire à Mouscron – On revoit tout car Anderlecht se manifeste. Si je dois faire un choix, je regarderai d’abord ce qu’on me présente comme job et ensuite, j’analyserai les possibilités qui me sont offertes à Mouscron. Par contre, j’essaierai de prendre une décision le plus vite possible car il ne faut pas qu’il y ait de perdant dans l’affaire. Plus on attend et plus cela risque de susciter de la frustration « .

 » On dit que je suis sérieux, froid et que je rigole peu. C’est vrai  »

A 53 ans, Jacobs a goûté à toutes les facettes du monde du football, passant du job de formateur à la Fédération, à celui de directeur technique ou d’entraîneur. Toujours avec la même envie.  » J’attache beaucoup d’importance au fait d’avoir touché à tout et vécu toutes de sortes de trucs. C’est une expérience de vie et cela dépasse beaucoup de valeurs, notamment celles d’argent, d’aura et de gloire. Cette polyvalence m’a aidé dans tout ce que j’ai entrepris. Il n’est pas facile de se maintenir dans le milieu du football dans lequel chacun veut son mot à dire « .

Prenant souvent tout le monde à contre-pied, Jacobs a réussi à éviter le confinement :  » On n’est pas vraiment responsable des étiquettes qu’on vous colle. On fait le parcours que l’on fait. On commet parfois certaines erreurs mais on ne le sait qu’après. Je crois que l’on me colle une étiquette de correction et je l’apprécie d’autant plus que l’on navigue dans un milieu très ténébreux et public. Je sais aussi que l’on dit de moi que je suis sérieux, froid et que je rigole très peu. C’est la réalité. C’est ma nature et je ne me vois pas adopter une autre attitude. Je ne me sentirais pas bien « .

Depuis 17 ans, Jacobs s’inscrit donc dans ce milieu :  » Mes choix ont toujours été réfléchis. Ils peuvent paraître assez illogiques mais ils sont basés sur des raisons bien concrètes. En 1989, lorsque je travaillais à la fois pour l’Union Belge et à la délégation belge à l’OTAN dans la traduction, je n’avais pas de jours de congé. Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus continuer de la sorte. Je suis allé trouver Alain Courtois en lui disant que je comptais arrêter. Il a alors émis l’idée que je puisse passer plein temps à la Fédération. En 1990, Walter Meeuws a été licencié et Guy Thys a demandé pour avoir un adjoint supplémentaire et comme j’étais disponible, j’ai rejoint le staff. Lorsque j’ai quitté l’U.B. pour devenir entraîneur principal au RWDM, tout le monde me disait que j’avais effectué le bon choix. Ce sont les mêmes personnes qui, trois ans plus tard, lorsque le RWDM m’a limogé, m’ont déclaré que j’aurais mieux fait de rester à la fédération. Quand je suis parti à La Louvière, on m’a dit – Où est ce que tu te lances et finalement, j’estime qu’en trois ans de temps, on ne s’est pas trop mal tiré d’affaire « .

 » Améliorer le groupe et les joueurs m’a toujours fasciné  »

Jacobs a toujours brouillé les pistes. On le croyait lancé et taillé pour la corporation des entraîneurs qu’il prenait la tangente, enfilant le costume de directeur technique à Genk.  » Quand j’ai commencé au Racing, j’avais quand même un handicap supplémentaire. Un peu comme Gil Vandenbrouck ici à Mouscron. On me voyait encore comme un entraîneur et comme la belle-mère de René Vandereycken et de Hugo Broos. Pourtant, avec les deux, je n’ai eu aucun conflit même s’il arrivait que je ne sois pas d’accord avec ce que j’avais vu le week-end ou avec leur façon de travailler « .

Aujourd’hui, Genk joue le titre avec une équipe en partie façonnée par Jacobs.  » Difficile de savoir où commence le travail de l’un et où il finit. Par contre, je me souviens que la saison dernière, les arrivées de Tom Soetaers et de Hans Cornelis étaient taxées de mauvais transferts. Or, maintenant, on les veut en équipe nationale « .

En début de championnat, Jacobs décidait de quitter le Limbourg :  » Il s’agissait d’un travail taillé pour moi, vu que le terrain ne m’a jamais quitté mentalement. Au bout de deux saisons, même si je me plaisais à Genk, lorsqu’il y a eu les appels de Mouscron et de Lokeren, je me suis dit que l’année prochaine, on ne penserait plus à moi. J’aurais été absent de la pratique réelle d’entraîneur durant trois saisons et je me doutais que cela aurait constitué un obstacle. La raison et le c£ur ont parlé. Je voulais redevenir entraîneur. Avec le recul, j’aurais fait les mêmes choix car je peux toujours comprendre mes décisions et le raisonnement qui m’a poussé vers telle ou telle option. Certes, certaines expériences m’ont déçu comme celle de Lokeren mais je ne regrette pas d’y avoir été. Je reste persuadé qu’il y avait moyen d’y réaliser quelque chose à terme « .

Une autre motivation a poussé Jacobs à enfiler de nouveau le training d’entraîneur.  » Que l’on entraîne les Diablotins de Peruwelz ou le Real Madrid, l’objectif est certes de réaliser des résultats mais surtout d’améliorer le groupe et les joueurs et je ne vous cache pas que cela m’a toujours fasciné. Le meilleur entraîneur au monde ne peut pas apporter grand-chose aux plus grands talents. Par contre, il y a toute une série de joueurs, ce que j’appelle la masse grise, qui, sur base d’un accompagnement de plusieurs entraîneurs, peuvent s’améliorer. Cela a toujours été une de mes obsessions et je me suis rendu compte qu’en tant que directeur technique mon emprise sur l’individu est beaucoup moins importante que quand je suis sur le terrain « .

 » Plus on avance dans le football, plus on s’isole  »

Au final, Jacobs aura travaillé dans plusieurs clubs différents et se sera imposé tant à Bruxelles, qu’en Flandre et en Wallonie.  » On dit que les voyages forment la jeunesse ( il sourit). L’aspect linguistique ne me dérange absolument pas. Cela a pu jouer. Je suppose que certaines portes se sont fermées devant des entraîneurs qui ne maîtrisaient pas la langue. Pour moi, cela n’a jamais constitué une barrière « .

Comme ancien traducteur, Jacobs jongle avec quatre langues (et une cinquième qu’il a perdue). Pourtant, il ne s’est jamais lancé dans l’aventure étrangère.  » Beaucoup de joueurs et d’entraîneurs parlent de l’étranger. Il faut d’abord qu’il y ait une offre concrète avant de l’envisager. Moi, j’ai reçu deux propositions. L’une d’un club turc qui venait de rejoindre la D1 mais je devais prendre une décision dans les trois jours. L’autre d’un club des Emirats Arabes le lendemain de la victoire avec La Louvière en Coupe de Belgique mais ce n’était pas vraiment concret. Un départ à l’étranger est quelque chose qui ne retient pas vraiment mon attention « .

Aujourd’hui, Jacobs a fait le tour du monde du football. Ce n’est pourtant pas une raison pour qu’il envisage de le quitter.  » Plus on s’avance dans le milieu du football, plus on s’isole. Quand on est entraîneur, on travaille sept jours sur sept, cela vous hante continuellement. A certains moments, on sent que l’on perd le contact avec la réalité de la vie quotidienne. Le milieu du football est un milieu opaque, restreint. Une sorte d’entonnoir. Lorsque j’ai été licencié de Lokeren, cela m’a permis de reprendre pour la première fois depuis sept ou dix ans, un peu de recul. Je me suis octroyé le temps pour finaliser deux affaires immobilières, pour me déplacer l’esprit. J’étais à un point où sans être dégoûté du football, je ne ressentais pas l’envie de retourner au stade. Je voulais éviter les commérages « .

par stéphane vande velde

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