Le Cercle a déjà oublié De Boeck. Merci l’échalas fou-fou.
Tuer les clowns ? Mon £il. Il y en a un qui fait du très bon boulot au Cercle : Bob Peeters, un grand squetté de seulement 36 ans. Cela faisait des années qu’en Flandre, surtout, on le prenait plus pour un petit comique que pour un grand joueur de foot (1m96). La faute à quelques bêtes programmes TV auxquels il a accepté de participer pendant près de dix ans. Entre ses commentaires très sérieux lors de grands tournois internationaux et de Ligue des Champions, il était l’amuseur de service, celui qui interprétait des sketches de série B, voire C. Il y avait de quoi craindre le pire dès qu’il empoignait un micro.
Tout ça, c’est fini. Le Cercle de Bruges joue aujourd’hui une place dans les play-offs 1 avec un coach qui peut faire dans l’autodérision : » Je suis aussi rapide comme entraîneur que j’étais lent comme joueur. » Un simple exemple de sa rapidité : en quatre mois comme T1, il a déjà battu Anderlecht et le Club Bruges… deux fois.
C’est quoi, la méthode Bob Peeters ? C’est qui, ce coach sans aucune expérience de la D1 qui a émergé des… 23 candidats ayant envoyé leur CV pour prendre la succession de Glen De Boeck, l’été passé ?
Un écolage chez des stars
Bob Peeters a travaillé avec des grands coaches. Il a été champion au Lierse avec Eric Gerets. Il a aussi eu Martin Jol, Sef Vergoossen, Ronald Koeman, Hugo Broos, Georges Leekens. En Angleterre, il a bossé avec Ray Wilkins, qui est l’ex T2 à Chelsea. Et la saison dernière, il a observé – comme coach des Espoirs puis assistant occasionnel dans le noyau pro – les méthodes de Michel Preud’homme à Gand. Pour lui, pas de doute : » Vergoossen a été le meilleur entraîneur de ma carrière. »
4-3-3
Pour Bob Peeters, le 4-3-3 est le système le plus abouti, point à la ligne. Et » le plus facile à comprendre pour les footballeurs. C’est aussi la disposition la plus offensive : si tu appliques bien le 4-3-3, tu as presque toujours six joueurs devant le ballon. Et en perte de balle, c’est le système qui offre le moins d’espaces à l’équipe d’en face. » Il s’inspire de ses expériences de joueur, veut que son équipe attaque comme on le fait aux Pays-Bas ( » Mettre l’accent sur la possession de balle, oser attaquer « ) et défende à la façon de ce qui se fait en Angleterre ( » Etre durs dans les duels, défendre en bloc « ).
Un joueur du Cercle explique que le coach exige que l’équipe couvre toute la largeur du terrain, et il veut que ses joueurs caressent à l’occasion les godasses des arbitres assistants. Peeters fait parfois des changements en cours de match mais sa disposition ne varie jamais car il estime qu’une modification du système est la meilleure recette pour faire perdre ses moyens à une équipe. Il se contente de faire reculer ou avancer ses joueurs de flanc de quelques mètres, ou il inverse le triangle dans l’entrejeu (sur sa pointe ou sur sa base). » Décider subitement de ne plus jouer qu’avec deux défenseurs et mettre huit attaquants, désolé, ce n’est pas pour moi. «
Et on ne discute pas ! » Mes joueurs ne sont pas obligés d’avoir les mêmes avis que moi. Après tout, je n’ai pas inventé le football. Mais sur la façon de jouer, aucune discussion n’est possible. «
Rigoler
» Tu es un clown parce que tu aimes rigoler ? Qu’on arrête ! » Peeters refuse l’étiquette du comique de la bande. » Moi, je veux profiter de l’existence, avoir de l’humour, rire. On n’a qu’une vie, autant en tirer le maximum. Vous croyez que José Mourinho et Louis van Gaal n’ont pas d’humour dans leur métier ? Et Eric Gerets est le gars le plus marrant avec lequel j’ai bossé. »
Place aux jeunes
Le Cercle a gagné la Coupe de Belgique cette année avec une équipe dont la moyenne d’âge tournait autour de 30 ans. Lors du premier derby de la saison face au Club, les Verts n’avouaient plus que 26 printemps. Entre-temps, on est plus proche de 24 ans. Après avoir révélé De Boeck, la direction voulait à nouveau lancer un jeune coach, et elle a directement demandé à Peeters de faire jouer un maximum de gamins. Il y a été forcé par les blessures d’anciens ( Denis Viane, Tony Sergeant, Oleg Iachtchouk), l’éclosion des trois jeunes joueurs prêtés par le Sporting Lisbonne ( Nuno Reis, Renato Neto et William Owusu) l’a aussi aidé, mais c’était clairement une volonté de sa part dès qu’il a signé son contrat.
Peeters sait s’y prendre avec les jeunots. Il a conduit les Espoirs de Gand à la troisième place finale de leur championnat, à deux points seulement du champion, Anderlecht. Et en fin de saison, quatre Espoirs ont pu signer un contrat professionnel au club : une première dans l’histoire de La Gantoise.
A Anderlecht, on a flairé la bonne affaire et proposé à Lange Bob de remplacer Johan Walem à la tête des Espoirs mauves. Il a refusé. Puis, il a décliné une autre proposition intéressante : Preud’homme lui a demandé de l’accompagner comme adjoint à Twente. Il visait plus haut et il a eu mieux : son contrat au Cercle. Alors qu’il n’a toujours pas la Pro License. Mais comme il s’est entre-temps inscrit aux cours de l’Union Belge, il peut quand même coacher en D1.
Une gestion particulière des réservistes
Durant les matches du Cercle, l’échauffement des réservistes est particulier. Ils travaillent (par séquences de dix minutes) le plus souvent par groupes de deux, ou idéalement trois : un de chaque secteur de jeu, histoire d’avoir toujours un substitut prêt et chaud pour monter en cas de pépin. Cela, c’est pour la première mi-temps. En deuxième, Bob Peeters n’envoie à l’échauffement que les joueurs qui ont une bonne chance de rentrer.
Il communique son équipe aux joueurs dès la veille de la rencontre. » Comme ça, mes réservistes ont une nuit complète pour dormir sur leur frustration « , dit-il. » Celui qui n’apprend que deux heures avant le coup d’envoi qu’il ne va pas jouer est frustré sur le banc… Il est toujours frustré quand il monte éventuellement au jeu et il y a alors le risque qu’il descende un adversaire. En plus, l’incertitude peut perturber le sommeil, et si je ne donne pas mon équipe, il y a des titulaires du lendemain qui pourraient mal dormir. Je parle beaucoup avec mes réservistes. Je leur explique toujours le pourquoi du comment, je leur motive mes décisions. J’ai tiré une grande leçon de mon expérience à Millwall, où Dennis Wise était coach. Wise avait toujours été un gangster sur les terrains, et du jour au lendemain, il s’est retrouvé entraîneur. Il n’était pas du tout fait pour ce métier. Après avoir été agressif pendant toute sa carrière de joueur, il a continué comme coach. Et pour lui, les réservistes ne représentaient rien du tout. Il les traitait comme de la merde. Aucun respect. Dès ce moment-là, je me suis dit que si je devenais un jour entraîneur, je ne travaillerais sûrement pas comme lui. »
Pas de quartiers
Bob Peeters est pour un » coaching actif « . Il passe peu de temps assis sur son banc, il dirige, fait des gestes, crie, engueule. » S’il a une remarque à te faire, il va droit au but « , dit Frederik Boi. » Patate, en pleine gueule. C’est beaucoup plus direct qu’avec Glen De Boeck. Bob est dur comme la majorité des coaches aux Pays-Bas et en Angleterre. » Le coach reconnaît qu’il peut déborder : » Je perds mes moyens quand un de mes joueurs n’accepte pas une remarque que je lui fais. Là, je peux devenir carrément agressif, oui. »
Repos !
Dès qu’il est arrivé au Cercle, Peeters a exigé qu’on achète des lits. Il a vu que les joueurs étaient dans l’impossibilité de se reposer convenablement entre deux entraînements. Il y avait simplement deux fauteuils et quelques chaises. Un jour, un Boi claqué s’était carrément endormi sur le billard ! Et pour le stage d’avant-saison à Lisbonne, le coach a tenu à ce que la direction réserve une chambre par joueur.
Mangez bien, mangez bien…
De Boeck avait instauré le petit-déjeuner obligatoire au Cercle : pistolets et tartines généreusement recouvertes de beurre. Peeters a dit stop à cette graisse. Il a composé les nouveaux menus : pain gris, muesli, légumes. Et il veut qu’il y ait toujours une corbeille remplie de fruits dans la salle des joueurs.
Encore des (petites) erreurs de débutant
Parmi les victoires du Cercle au premier tour, il y en a eu une contre Courtrai. Après ce match, Bob Peeters a refusé de serrer la main du coach adverse, Hein Vanhaezebrouck, sous prétexte qu’il avait minimisé les mérites brugeois. » Là, j’ai fait une erreur « , reconnaît Peeters. » Mais j’étais en plein dans l’émotion du moment. Je trouvais Vanhaezebrouck un peu narcissique. Je ne tomberai plus dans le piège. »
PAR PIERRE DANVOYE
» Je suis aussi rapide comme entraîneur que j’étais lent comme joueur. «
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