Bélier souriant

Un portrait très direct du défenseur fonceur.

Oscar, un paysan qui travaillait dans une plantation de café à Garça, avait toujours eu la même échelle des valeurs: dieu, la famille, le travail et le football. Un jour, Roberto, 12 ans, son seul fils, employé dans la ferme Torsao Cardeiro, lui sortit qu’il avait envie de devenir footballeur mais que son travail ne lui laissait pas suffisamment de temps pour tenter l’aventure. Papa Oscar, qui avait été lui aussi footballeur dans des divisions inférieures, décida de laisser son gamin suivre son chemin et lui permit d’arrêter ses autres occupations.

C’est ainsi que Roberto s’affilia à l’Atletico Juventus, le premier club de son existence.

« Au Brésil, on dit que tous les enfants veulent devenir footballeur. Moi aussi je l’ai toujours ardemment désiré mais cela n’a pas été facile d’arriver jusqu’ici: j’ai beaucoup souffert. Il m’a fallu pas mal de temps et j’ai consenti d’énormes sacrifices », raconte aujourd’hui Roberto Carlos da Silva, 17 ans plus tard. Il débuta comme ailier gauche mais, en 86 alors qu’il défendait les couleurs de Flamenguinho, Joao Carlos Campos dit Pacheco estima que sa place de prédilection était à l’arrière gauche.

Même si les prix du Joueur FIFA (décerné par les entraîneurs nationaux) et le Ballon d’Or (décerné par des journalistes du monde entier) sont allés à son ami et équipier du Real Madrid Ronaldo, Roberto Carlos sait dans son for intérieur qu’il aurait mérité d’être reconnu comme le meilleur joueur de l’année écoulée: « J’ai toujours entendu dire autour de moi que, comme j’avais été le seul joueur qui, en 2002, avait remporté la Coupe du Monde, la Ligue des Champions, la Supercoupe d’Europe et la Coupe Intercontinentale, j’aurais mérité une reconnaissance individuelle. Il n’est pas aisé de distribuer ce type de prix dans un sport collectif mais mon problème est que je suis un défenseur: journalistes et sélectionneurs nationaux ne tiennent compte que des goals, et les défenseurs n’en marquent pas tant. Dans le passé, si l’on excepte Beckenbauer qui, tout compte fait, était un ex-médian, on ne dénombre que Sammer et, parmi les gardiens, le Russe Yashinecomme lauréats du Ballon d’Or : il me semble que c’est vraiment peu ».

Bref, cela a constitué pour vous une grande désillusion.

Roberto Carlos: Il y a tant de footballeurs d’un haut niveau. Seulement, j’ai été le seul à avoir conquis les titres les plus importants tant en équipes nationales qu’en club…

De nombreuses personnes à l’avis autorisé l’ont également répété comme Thierry Henri, Sven Goran Eriksson, Giovanni Trapattoni ou Zico. Mais comment un joueur dont le palmarès est rempli de Ligues des Champions, Coupes Intercontinentales, titres et championnats divers et Coupes du Monde et America parvient-il à rester motivé?

Grâce à la normale soif de succès d’un footballeur, qui ne s’estompe jamais. C’est pour cela que j’ai opté pour le Real Madrid: plus tu gagnes et plus tu as envie de gagner. Celui qui croit avoir tout obtenu et qui n’a plus envie de gagner est un looser.

En avril, vous fêterez votre trentième anniversaire. Il est tout doucement temps de penser à mettre un terme à sa carrière. Combien de temps pensez-vous encore pouvoir jouer à ce niveau?

Je crois que j’en ai encore pour cinq ans. J’espère toujours au Real… même si je ne ferme pas la porte à d’autres grandes équipes.

Son idole? Maradona!

Revenons à vos débuts. Quand vous étiez gamin, quels étaient vos rêves et quelles étaient vos idoles?

Quand j’étais gamin, comme tous les gosses de Sao Paulo, je rêvais de jouer dans les meilleurs clubs du monde. J’espérais tout particulièrement venir en Europe et au Real parce que j’avais toujours entendu parler du Madrid de Di Stefano et de Gento. Le fait d’y être parvenu me donne fierté et joie. Seulement, cela peut sembler bizarre pour moi qui suis Brésilien, mon idole a toujours été Maradona, C’est le plus grand. Evidemment pour nous, le mythe c’est Pelé, O’Rey mais Diego je l’ai vu jouer et il m’a toujours impressionné. C’est un véritable phénomène.

Que retenez-vous de votre première expérience en Europe, en 1995 à l’Inter?

Même si je n’y suis resté qu’un an, j’y ai beaucoup appris quant au comportement que je devais adopter tant sur qu’en dehors du terrain en tant qu’homme et que footballeur. L’Inter et le championnat d’Italie m’ont beaucoup apporté. C’est peut-être pour cela que je regarde avec sympathie les résultats du club milanais.

Est-il vrai que la principale différence entre le football italien et l’espagnol est que dans la Liga, on joue pour attaquer?

Le concept est simple: si tu ne marques pas, tu ne gagnes pas. S’il y a bien entendu quatre joueurs derrière le ballon, les autres doivent être devant le ballon, avec comme seule objectif d’attaquer. Aujourd’hui le football se joue énormément sur les flancs comme le démontrent le Brésil, le Real ou l’AS Roma, qui nous a surpris chez nous en Ligue des Champions. C’est clair que je me trouve bien dans cette situation.

En tant que défenseur, vous ne vous sentez pas obligé de couvrir?

Si, puisque moi aussi je prends la place laissée libre par mes équipiers formant la défense centrale ou des médians. Il est donc logique qu’eux aussi me couvrent occupent mon espace, quand je me porte vers l’avant. Ce sont des mécanismes bien huilés qui permettent d’effectuer un tel jeu.

Vous avez été battus par l’AC Milan. Ce club donne l’impression de pratiquer un football assez semblable au vôtre.

Nous avons rencontré l’AC Milan à San Siro en novembre dans le cadre de la Ligue des Champions. J’ai l’impression que c’est le club qui peut nous causer le plus de soucis: il a du talent et de l’organisation. Dans le football actuel, on parle toujours de dispositif tactique mais, à la fin, c’est le talent qui prévaut. Et les étrangers du Milan effectuent un excellent mélange entre la classe des autres écoles, principalement la brésilienne, et l’organisation du jeu typiquement italienne.

Mais comment un joueur de classe comme vous définit-il le talent? Pour votre directeur sportif, Jorge Valdano, le talent reste une prédisposition naturelle à une discipline.

Ah, le talent! Ils sont peu nombreux les joueurs qui le possèdent. L’ai-je ou ne l’ai-je pas? Disons que je m’amuse en jouant au football et que pour arriver à t’amuser à ce niveau tu dois en avoir beaucoup. C’est un don divin, mais il faut aussi travailler pour atteindre certains objectifs.

Bonifie-t-on avec les années?

Oui, si l’on s’entraîne tous les jours ballon au pied. Pour moi, c’est une joie: quand je vois un ballon, je ne demande rien d’autre que de jouer. Le football, je le définirais comme un divertissement avec beaucoup de responsabilités. Parce qu’il faut amuser les gens qui viennent au stade, mais qu’on a de grandes responsabilités vis-à-vis du club. Moi, j’en suis d’autant plus conscient qu’au Brésil on reproche souvent aux joueurs d’être irresponsables.

Voilà sept ans que vous êtes au Real. Vous êtes le plus ancien des étrangers. Qu’avez-vous appris pendant tout ce temps?

Que le Real est un club différent de tous les autres, même des autres grands, parce qu’il est toujours obligé de gagner. Il a derrière lui une grande histoire que nous sommes obligés de continuer à écrire. On s’en rend compte chaque jour: après un match, ici on ne parle que du Real et les médias ne nous laissent pas en paix. Cela te permet de te rendre compte de l’importance de ce maillot blanc.Un fan des jeux vidéos

Pourtant, en championnat, du moins pendant la première partie, vous avez souffert.

Le Real n’a pas toujours été brillant jusqu’ici parce que nos rivaux sont plus frais physiquement et qu’ils masquent ainsi les différences techniques. Nous verrons au printemps qui émergera du lot et qui a vraiment de la classe.

Pourquoi éprouvez-vous tant de problèmes en déplacement alors que Vicente Del Bosque prétend que les tactiques sont les mêmes que celles employées au stade Bernabeu?

Nous avons souffert de la même façon la saison dernière. En déplacement, nous cravachons parce que nos adversaires jouent le match de l’année et donnent le maximum. Et puis, pourquoi pas, ils perdent le match suivant pourtant nettement plus facile. Un bel exemple: Santander, il nous bat et la semaine suivante il s’incline face au Recreativo Huelva, le dernier du classement.

Passons à votre vie privée: comment vous sentez-vous à Madrid?

Le temps passe trop vite à mon goût. Comme on joue un match tous les trois jours, je ne me rends pas compte que je vis ici depuis sept ans. Ma famille et moi-même, nous nous sentons bien à Madrid. Mes enfants vont à l’école, ils ont leurs amis et les gens sont toujours très gentils et affectueux avec nous.

Souhaitez-vous à vos enfants une carrière footballeur?

Ma fille Roberta, neuf ans, est en train de jouer à Madrid dans une équipe de jeunes et j’espère que, quand elle sera grande, le football féminin aura accru son niveau. Quant à Robertinho, trois ans, nous jouons à la maison. Je lui apprends les rudiments et nous nous amusons beaucoup.

Qu’aimez-vous faire d’autre pendant vos temps libres?

Les jeux vidéos. Je les aime tant. J’adore vivre en famille, aller au restaurant ou au cinéma tous ensemble. Parfois, je vais en discothèque. Je ne danse pas que la samba mais également les rythmes nouveaux. En été, j’aime le beach soccer ou le foot volley.

Avez-vous déjà pensé à votre reconversion?

J’aimerais devenir entraîneur de préférence chez moi, à Sao Paulo.

Jacopo Iandiorio (ESM, Gazzetta dello Sport)

« Plus tu gagnes et plus tu as envie de gagner »

« Mais s’il y a Pelé, Maradona est le plus grand »

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