BELGIUM ROCKS

Plusieurs Diables Rouges ont changé de club ou d’entraîneur cet été. Cela a-t-il des conséquences pour eux et pour l’équipe nationale qui, vendredi, en Ecosse, disputera la huitième des dix  » finales  » devant la mener au Brésil ? Petit tour d’horizon de la course aux transferts de l’été.

Un pays qui grimpe au classement FIFA et qui jouera vendredi à Glasgow la huitième de ce que Marc Wilmots appelle dix  » finales  » doit s’attendre à faire aussi parler de lui sur le marché des transferts. Nos Diables Rouges intéressent un cercle de plus en plus intéressant de grands clubs. Si on regarde la sélection rendue publique jeudi dernier par le sélectionneur fédéral, on s’aperçoit que pratiquement tous les joueurs évoluent en Coupe d’Europe. Seuls absents de la scène européenne : Christian Benteke, Timmy Simons (déjà éliminé avec Bruges), Sébastien Pocognoli, Simon Mignolet et le ou les joueurs d’Everton, puisque MarouaneFellaini faisait toujours l’objet d’une cour assidue de la part de Manchester United à l’heure du bouclage de ce numéro. C’est beau mais, à l’occasion du stage réalisé aux Etats-Unis avant le match contre la Serbie, Marc Wilmots estimait qu’il s’agissait d’un gros souci. Et il conseilla d’ailleurs à ses joueurs d’effectuer le bon choix. L’ont-ils fait ?

Les gardiens

Simon Mignolet est le seul des trois gardiens à avoir changé de club. Son transfert est-il de nature à faire chanceler la position de Thibaut Courtois ? Pas dans un premier temps, en tout cas. Courtois (21) entame son troisième championnat à l’Atletico Madrid, où il a reçu la saison dernière le Trofeo Zamora, qui récompense le gardien ayant concédé le moins de buts en Liga (moins d’un par match). La semaine dernière encore, il a préservé ses filets intacts à l’occasion du match retour de Super Coupe face à Barcelone. Ses prestations avec l’équipe nationale sont remarquables également : 19 sélections, 11 matches joués dont 7 sans se retourner (cinq au cours de cette campagne qualificative pour la Coupe du monde).

En guise de comparaison : à l’âge de 21 ans, Petr Cech évoluait toujours au Sparta Prague (il allait être transféré un peu plus tard à Rennes pour cinq millions d’euros), Gianluigi Buffon éclatait seulement à Parme (il venait d’être élu pour la première fois meilleur gardien d’Italie), l’international français Hugo Lloris (Tottenham) évoluait toujours à Nice mais Iker Casillas avait déjà remporté deux fois la Ligue des Champions avec le Real. Courtois est donc dans la lignée des grands. Vu la présence de Cech, un retour à Chelsea aurait été prématuré et il a bien fait de rester à l’Atletico, avec qui il va disputer la Ligue des Champions.

Mignolet a très bien entamé la saison puisqu’il n’a pas encaissé le moindre but au cours des trois premiers matches de championnat. Il est titulaire indiscutable chez les Reds et personne n’y changera rien, pas même Shay Given, qui n’était que réserviste à Aston Villa. Mignolet est donc prêt pour le cas où il arriverait quelque chose à Courtois. Il compte plus de matches que lui (13) et a également préservé ses filets à quatre reprises mais Wilmots a fait son choix l’an dernier et, si Courtois ne se blesse pas, il s’y tiendra.

La défense

Dans ce secteur, un seul Diable Rouge a changé de club : Toby Alderweireld qui, au fil des matches de qualification pour la Coupe du monde, s’est imposé au poste d’arrière droit. Le capitaine de l’Ajax, à qui il ne restait qu’un an de contrat, a fait l’objet de nombreuses négociations et rumeurs cet été : Atletico Madrid, Liverpool, Arsenal, Leverkusen… Il a également refusé des offres du Spartak Moscou, du Zenit Saint-Pétersbourg et de Norwich City.

Finalement, ce n’est qu’en fin de semaine dernière qu’on y a vu plus clair. Alderweireld (24) savait qu’à l’Ajax, il pouvait compter sur le brassard de capitaine et sur une place indiscutable en défense centrale. Courtois lui a expliqué ce qui l’attendait en Espagne : un entraîneur, Diego Simeone, qui aime que son équipe se batte et se montre très exigeant, une participation à la Ligue des Champions, des ambitions et un grand club.

S’il s’y impose également dans l’axe de la défense (Martin Demichelis, âgé de 32 ans, avait repris le chemin de River mais il a fait escale à Madrid), il pourra également rêver d’occuper cette place en équipe nationale au Brésil ou après la Coupe du Monde. Wilmots l’y a déjà aligné à deux reprises, face au Montenegro et aux Pays-Bas. Il s’agissait de matches amicaux et Alderweireld n’a pas convaincu mais il évolue bien.

Plusieurs défenseurs ont un nouvel entraîneur. C’est le cas de Laurent Ciman et Jelle Van Damme au Standard. Ciman a connu un été agité mais maintenant qu’il est fixé sur son avenir, il revient dans le coup. Il est polyvalent et volontaire. L’été dernier, il a accepté de rejoindre les Etats-Unis pour quelques heures à peine et Wilmots a apprécié. Mais la grosse question en défense c’est : l’arrivée de Pep Guardiola au Bayern aura-t-elle des conséquences pour Daniel Van Buyten (35) ?

Depuis l’arrivée de Wilmots, Big Dan, à nouveau très bon face à la France, est le remplaçant officiel de ThomasVermaelen ou de VincentKompany en défense centrale. Dans ce cas-ci, ils sont out tous les deux. C’est la deuxième fois que cela arrive à Kompany dans un match de qualification pour la Coupe du monde. La première fois, c’était en Macédoine, où la Belgique s’était imposée 0-2.

Au Bayern, Van Buyten est dans la même situation qu’en équipe nationale : il est le troisième choix pour deux places. Là, c’est Dante et JeromeBoateng qui passent avant lui mais il joue lorsque Guardiola fait tourner son effectif (comme contre Fribourg, où il a évolué aux côtés de Dante) ou en coupe.

Mais qui jouera avec lui en Ecosse ? C’est la première fois dans cette campagne que Wilmots doit remplacer ses deux défenseurs centraux. Face au Montenegro, JanVertonghen avait joué dans l’axe. Avant de devoir déclarer forfait pour blessure contre la France, il était le seul à avoir joué tous les matches avec Wilmots. A l’arrière gauche. En match amical face à la Slovaquie, Kompany et Vermaelen n’étaient pas disponibles non plus et Van Buyten avait été associé à NicolasLombaerts (pendant une heure) puis à Van Damme (30 minutes). Lombaerts avait connu une soirée difficile mais il faut dire qu’à cause de la trêve hivernale, il ne s’était pratiquement pas entraîné. Comme Axel Witsel, il se débrouille actuellement très bien à Saint-Petersbourg. La preuve : il vient d’y rempiler pour 5 ans.

Vertonghen, qui dirige bien et sera capitaine, a l’avantage d’évoluer dans l’axe à Tottenham, à la satisfaction générale. Mais qui jouera à gauche, alors ? Pas Lombaerts, qui n’a évolué qu’une seule fois à cette place avec Wilmots, en mai 2012. Il faut voir comment Pocognoli va se débrouiller à Hanovre. A l’occasion de la première journée de la Bundesliga, il n’était guère rassurant de le voir sur le banc mais par la suite, Mirko Slomka s’est ravisé et l’a titularisé. Ses cotes dans la presse ne sont pas encore très élevées mais contre la France, il a gagné du crédit.

L’entrejeu

Les Diables Rouges ont-ils fait le bon choix dans ce secteur ? Il est trop tôt pour le dire. Vertonghen l’a encore répété au cours de la saga du transfert de Gareth Bale : il vaudrait mieux que la période des transferts se termine un peu plus tôt, au moment où les équipes entament le championnat.

Ce n’est pas MarouaneFellaini qui le contredira, lui qui a passé tout l’été à se demander s’il rejoindrait ou non Manchester United. Si c’est le cas, il aura du boulot aux côtés de Michael Carrick et en Ligue des Champions. S’il reste à Everton, il est assuré d’un rôle dans l’axe, un peu plus bas qu’il y a deux ans. Comme en équipe nationale, où il joue plutôt aux côtés d’Axel Witsel qu’en soutien de Benteke.

Nacer Chadli fait également désormais partie de la légion belge en Premier League. Il fait partie d’un club qui, grâce à l’argent rapporté par Bale, a déjà beaucoup investi. La saison dernière, des sites internet se demandaient même si André Villas Boas voulait battre le record du monde du nombre de médians. Chadli et MoussaDembélé ont-ils du souci à se faire ? Si on se base sur le mois d’août, non. Mais il faut voir ce que septembre leur réserve.

Au coup d’envoi du match entre Tottenham et Crystal Palace, trois Belges étaient alignés dans la même équipe : une première dans l’histoire de la Premier League ! De plus, il s’agissait d’une équipe de la dimension des Spurs et ils conservèrent leur place au match suivant parce qu’ils conviennent bien au jeu prôné par l’entraîneur portugais, qui veut que sa défense joue haut et que le reste de l’équipe exerce un pressing énergique.

Ce fast football entraîne cependant des pertes de balle et il est très exigeant, tant mentalement que physiquement. Il est donc nécessaire de disposer d’un grand noyau, d’autant que les Londoniens évoluent aussi en Europa League. Dès lors, tout le monde aura du temps de jeu.

Axel Witsel est notre numéro six attitré. Pour lui, il n’y a aucun problème car il a bien entamé la saison. Aux Etats-Unis, Steven Defour se montrait hésitant. Devait-il rester au FC Porto ? En tout cas, il voulait jouer davantage et c’est le cas sous la direction de Paulo Fonseca, qui a effectué du bon boulot l’an dernier avec Paços de Ferreira, renforçant ainsi encore l’hégémonie du nord du pays sur le football portugais.

Comme on s’y attendait, le départ de João Moutinho à Monaco a libéré une place pour Defour mais la saison vient à peine de débuter et ce dernier n’a pas encore pu imprimer sa griffe à l’équipe. Cette dernière est toujours dirigée par son capitaine argentin, le vétéran Lucho Gonzalez. Defour devra-t-il attendre que ce dernier s’essouffle pour prendre la relève ou doit-il craindre qu’en fin de période des transferts, Porto ne transfère encore un médian (il en a déjà acquis cinq) qui le renverrait sur le banc ?

L’attaque

Et devant ? ChristianBentekea entamé cette saison comme il avait terminé la dernière : par des buts. Deux à Arsenal, un à Chelsea, un en Coupe de la Ligue face à Rotherham. Après trois journées, il occupait la tête du classement des buteurs et, après qu’on eut à nouveau évoqué un départ pour Londres, le calme est revenu. Il a conservé le même entraîneur, un homme qui croit en ses possibilités.

Kevin Mirallas, lui, n’a pas changé de club mais il a un nouveau manager. Il entame tous les matches mais est, à chaque fois, remplacé par le coach, Roberto Martinez. Et il est en balance avec deux jeunes talentueux : le nouveau venu Gérard Deulofeu, formé à Barcelone et, surtout, Ross Barkley, un nom à retenir : vingt ans, originaire de Wavertree, dans la banlieue de Liverpool. Il n’a pas de complexe et tente sa chance dès qu’il le peut.

Même club mais entraîneur différent aussi pour Eden Hazard, dont José Mourinho veut qu’il améliore ses statistiques. L’an dernier, il avait inscrit neuf buts et le nouveau patron trouve que c’est trop peu pour une équipe évoluant avec un seul attaquant. Contre Manchester United, 90 % de ses 42 passes ont trouvé acquéreur mais 31 des 42 étaient latérales ou en retrait, pour neuf en profondeur (il faut dire qu’il y avait très peu d’espace). Hazard doit donc avoir plus d’impact sur le jeu. Défensivement, il est plus solide qu’un Kevin De Bruyne. Il a remporté 8 des ses 18 duels tandis que De Bruyne les a perdus tous les six.

Cela nous amène à parler des deux nouveaux joueurs belges de Chelsea : De Bruyne et Romelu Lukaku. De Bruyne semble bien s’intégrer à Chelsea, qui dispute une septantaine de matches par saison. Il a beau être nouveau, comme André Schürrle, Willian ou Van Ginkel, il a tout de même entamé les trois premiers matches de la saison, reléguant notamment Juan Mata sur le banc. C’est encourageant et cela veut dire qu’il aura du temps de jeu. C’est aussi très bon pour l’équipe nationale car Kevin est un des meilleurs Diables de cette campagne.

Pour Romelu Lukaku, c’est autre chose. Titularisé avec la Belgique face à la France, il a souffert, pris en étau dans un bloc défensif très solide. Il a aussi été victime du manque de soutien de Nacer Chadli. Face à Manchester United, il était dans le noyau mais il est resté sur le banc. Il est entré face à Aston Villa et à Hull City mais l’arrivée de Samuel Eto’o le fait encore reculer d’un rang dans la hiérarchie.

Après avoir marqué 17 buts en 35 matches pour West Bromwich, ce n’est pas facile à digérer. A la fin de la semaine dernière, il était donc confronté à un dilemme : devait-il se battre pour jouer quelques minutes avec les Blues ou poursuivre sa carrière ailleurs ? Reste à voir aussi comment il va se remettre de son tir au but raté face au Bayern Munich en finale de la Supercoupe d’Europe. Un envoi paré synonyme d’ailleurs de défaite de son équipe. A son âge, ce n’est jamais facile à digérer.

Dries Mertens aussi devra se battre pour avoir du temps de jeu. Naples joue en 4-2-3-1. En pointe, il y a l’Argentin Gonzalo Higuain, qui débarque du Real. Le Colombien Duvan Zapata est son remplaçant éventuel. Mertens n’est bien entendu pas un attaquant de pointe mais c’est un passeur. Et, dans l’entrejeu, la concurrence est très forte : le vice-capitaine Marek Hamsik, au club depuis 2007 déjà, évolue en soutien de l’attaquant et claque facilement des buts.

A droite, on retrouve le Macédonien Goran Pandev, ex-Inter et Lazio, titulaire depuis deux ans. Lorenzo Insigne, un néo-international âgé de 22 ans, qui vient de resigner jusqu’en 2018 et a très bien joué en préparation, est également candidat à une place dans le trident offensif. A gauche, la concurrence n’est pas moindre avec l’arrivée de José Maria Callejon, que Rafa Benitez est allé chercher au Real Madrid.

Bref : Mertens a opté pour un club qui a de l’ambition (Benitez veut faire mieux que la deuxième place de la saison dernière et aller loin en Ligue des Champions) et un noyau très riche. Il aura sans doute du temps de jeu car c’est aussi l’entraîneur espagnol qui le voulait et il a coûté 12 millions. Mais c’est sans doute à coup d’entrées au jeu qu’il devra gagner sa place pour la Coupe du Monde.

Le duo Jelle Vossen-Pelé Mboyo qui, comme contre la France, n’a pas été repris, suivra sans doute tout cela de près, ainsi que le choix qu’effectuera Zakaria Bakkali (17) qui n’a pris place pour la première fois sur le banc du PSV que le 2 mars 2013 mais qui a déjà entamé deux matches de championnat cette saison. Trois buts et une grande prestation face à Zulte Waregem lui ont valu une place en équipe nationale.

Bien qu’il souffre encore des séquelles d’une déchirure embêtante à l’aine, encourue lors de la préparation au match amical face à la France, il a été sélectionné par Wilmots et le joueur, mis sous pression par une partie de sa famille, risque de se retrouver au beau milieu d’un combat entre le Maroc et la Belgique. Choisira-t-il les Lions de l’Atlas, à l’instar de MehdiCarcela qui, comme lui, a grandi à Droixhe ? Ou optera-t-il tout de même pour la Belgique, comme l’a fait un autre international d’origine marocaine ayant grandi dans la Cité Ardente, Nacer Chadli ? Wait and see.

PAR PETER T’KINT

Au Bayern Munich, Daniel Van Buyten est logé à la même enseigne que chez les Diables : il est le 3e choix dans l’axe de la défense.

Au coup d’envoi de Tottenham-Crystal Palace, 3 Belges étaient alignés de concert chez les Spurs : du jamais vu dans l’histoire de la Premier League.

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