Avec 4 Mousquetaires belges

Seuls quatre Belges sont repris dans le tableau principal de Roland Garros, l’ancien terrain de chasse de Kim Clijsters et de Justin Henin. A l’occasion du tournoi, Maxime Braeckman, coach de Kirsten Flipkens, analyse les forces belges en présence.

Justine Henin a enlevé sept grands chelems et a emmené le classement mondial pendant 117 semaines. Kim Clijsters, leader pendant vingt semaines, a gagné quatre grands chelems. Mais le règne des deux Belges est révolu : il s’est étendu de 2001 à 2010.

 » Nous ne revivrons sans doute plus jamais pareille abondance. Ce que Kim et Justine ont atteint est exceptionnel et ne doit pas constituer la norme ni l’objectif à atteindre pour la levée actuelle « , précise Maxime Braeckman (28 ans), qui entraîne le Kim Clijsters Sports & Health Club à Bree depuis le 1er octobre dernier, tout en assurant le suivi de Kirsten Flipkens depuis décembre.

Braeckman n’avait que 19 ans quand, empli d’espoir, il a tenté sa chance au niveau international.  » Je n’ai pas tenu une année. Il n’est pas évident de disputer des tournois en Roumanie, au Portugal ou en Croatie sans coach ni accompagnateur. Parfois, je me sentais tellement mal que je restais claquemuré dans ma chambre d’hôtel. J’ai craqué mentalement « , raconte le Flandrien, qui s’est occupé de Xavier Malisse de 2009 à 2012.

 » Je n’avais que 25 ans et je voulais surtout découvrir comment les grands joueurs travaillaient et vivaient « , résume-t-il modestement. Trop modestement, sans doute : durant ces trois années, Malisse a retrouvé son meilleur tennis et est passé du rang 270 au 41.  » J’arrangeais les entraînements, je réservais les hôtels et je tentais de le placer dans une bonne ambiance. J’y suis arrivé, comme maintenant avec Kirsten, du moins je le crois.  »

Braeckman :  » Le jugement que portent les gens sur Xavier est complètement faux. On le prétend peu sérieux, on affirme qu’il ne vit pas professionnellement alors qu’il surveille son alimentation et vit vraiment pour son sport. Si nous allons au restaurant trois fois par an, en dehors des tournois, c’est beaucoup. Le tennis est devenu tellement exigeant sur le plan physique qu’il est impossible d’être numéro 50 en s’appuyant sur son seul talent, surtout à 32 ans. Il aime les belles bagnoles et le golf, certes, mais Rafael Nadal s’adonne aussi au golf. Et Roger Federer n’a quasiment disputé aucun tournoi depuis deux mois. Il voulait consacrer du temps à sa famille, assister à un match de football du FC Bâle… Les joueurs ont besoin de distraction, sous peine de devenir fous.

Il n’est pas nécessaire de lui expliquer comment frapper un revers ou un coup droit, combien d’heures il doit s’entraîner ni comment travailler sa condition, pas plus que de l’envoyer au lit à une heure précise. Il a l’air de ne pas s’intéresser au tennis mais ce n’est qu’une apparence. Il est empreint de rage de vaincre et parfois, il pète les plombs sur le court. Ses réactions sont mal jugées alors qu’elles sont l’expression de sa volonté. Ses blessures l’ont fait chuter quelques fois au classement mondial (jusqu’au rang 942 fin 2009, ndlr) mais il s’est toujours battu pour revenir, ce qui prouve qu’il a du caractère.

Sur le plan technique, deux joueurs émergent du lot : Federer et Xavier. J’ai assisté à des entraînements durant lesquels Xavier a quasiment ridiculisé Novak Djokovic. Il faisait ce qu’il voulait alors que Djokovic est quand même le numéro un mondial. Pouvait-il briguer davantage qu’une 19e place en août 2002 ? C’est difficile à dire. Peut-être en s’entraînant encore plus mais Xavier connaît son corps et les limites à ne pas franchir. Si vous effectuez deux heures de préparation physique par jour et que vous vous sentez bien… Non, Xavier sait qu’il ne doit pas trop s’entraîner sous peine de se reblesser et de chuter au classement. En Floride, sous 40 degrés, j’ai vu Xavier frapper mille balles et en redemander.  »

 » Il est passé du rang 174 au 42 l’année dernière. C’est un pas énorme. En outre, alors qu’il avait disputé les qualifications, il a atteint le quatrième tour à Roland Garros. Incroyable… Mais après une telle saison, il a évidemment beaucoup de points à défendre et ça doit certainement le travailler. Il doit tenter de chasser ça de sa tête et de s’amuser en jouant. Il faut qu’il se concentre sur la semaine qui arrive, sans penser qu’il doit défendre 200 points à Paris et 100 à Wimbledon.

Il est encore très jeune. Au début de cette année, il n’y avait aucun teenager parmi le top 100. Il est noueux mais il ne peut modifier sa stature, tout au plus procéder par petites touches. Si David s’entraînait trop en force pure, il perdrait en souplesse et en explosivité. Ses coups seraient forcés et moins purs. Il possède une bonne accélération car son timing est excellent.

David est vif, il a un bon service, sans pour autant obtenir deux aces par match, et un excellent revers près de la ligne. Je vois peu d’aspects à améliorer, si ce n’est qu’il pourrait tenter de reprendre plus vite la balle au rebond mais Reginald Willems travaille cet aspect. En tout cas, il ne doit pas reculer de deux ou trois mètres derrière la ligne de fond car il n’a pas la constitution requise.  »

 » Kirsten, championne du monde juniore en 2003, a été victime de nombreuses blessures. Il ne faut pas en sous-estimer l’impact. Un footballeur blessé continue à toucher son salaire alors qu’un joueur de tennis ne gagne pas un sou. Le fait que l’aile flamande de tennis ait retiré son soutien à Kirsten l’année dernière lui a fait l’effet d’une claque, surtout après ses problèmes de santé. (En avril 2012, on a relevé la présence de caillots dans ses mollets, ce qui l’a contrainte à observer un repos de plusieurs mois, ndlr. ) Je ne pense pas qu’une petite nation puisse se permettre le luxe de ne plus soutenir une joueuse qui figure dans le top 200.

Kirsten n’est pas animée par le moindre sentiment de revanche. Je pense qu’elle préfère une approche personnalisée. Elle a son propre kinésithérapeute, David Bombeke, qui établit son programme d’entraînement, son sponsor, Jean-Pierre Heynderick, qui n’a jamais cessé de la soutenir et Kim, bien sûr, qui est une amie de longue date, toujours disponible. Récemment, Kim est venue au tournoi de Rome et à partir de Paris, je vais accompagner Kirsten quelques semaines. Elle éprouve le sentiment d’être bien entourée et soutenue, ce qui se remarque sur le court.

Elle a effectué des progrès considérables. En juillet dernier, elle a enlevé le tournoi de Rebecq, doté de 25.000 dollars, et elle est tête de série à Paris comme à Wimbledon. Comme quoi tout peut aller très vite ! Je la crois capable d’émarger au top 20 car elle possède vraiment beaucoup de talent. Elle est habile, capable de compenser son manque de puissance par son intelligence tactique, apte à s’adapter au jeu de l’adversaire. Grâce à son slice, une arme à laquelle les frappeuses ne trouvent pas de parade, elle parvient à jouer bas. Elle peut compliquer la vie de n’importe quelle joueuse, sur toutes les surfaces, sauf peut-être celle de Maria Sharapova sur le dur, car la Russe frappe trop fort et trop précisément.

Je l’encourage à conserver son style de jeu, car sa constitution ne lui permet pas de frapper fort, contrairement à Kim. Son bras n’est pas encore tout à fait rétabli – elle souffre d’une inflammation du coude et ce sera toujours son point faible – mais Kirsten parvient à contrôler la douleur grâce à des exercices spécifiques. Elle est très professionnelle : elle soigne son échauffement et à l’entraînement, elle se livre à fond. Elle vit pour son sport, qui l’occupe quand même six à huit heures par jour.  »

 » Yanina a peut-être un peu moins de talent mais elle le compense par son travail. Elle s’entraîne d’arrache-pied chaque jour pour retirer le maximum de ses capacités. Fin 2011, une blessure au dos lui a valu cinq mois de pause mais elle revient progressivement. Elle est très costaude, surtout pour une fille de son âge. Yanina a disputé la demi-finale de l’US Open en 2009 et à 21 ans, elle a été numéro douze mondial, ce qui est phénoménal.

Des joueuses comme Maria Sharapova, victorieuse à Wimbledon à 17 ans, ou Monica Seles, qui a triomphé à Roland-Garros au même âge, constituent désormais l’exception car le tennis a beaucoup changé. Il est nettement plus complet. Je pense au physique mais aussi à la tactique : il faut vraiment effectuer les bons choix au bon moment. Il y a quinze ou vingt ans, il suffisait de jouer au tennis une heure par jour et de courir une demi-heure, voire d’effectuer un peu de stretching. Maintenant, les joueuses sont de plus en plus souvent accompagnées par des préparateurs physiques.

Yanina se réentraîne avec Vladimir Platenik, un Slovaque qui l’a coachée trois mois début 2011. Une telle relation doit grandir. Il faut quelques années pour se connaître. Quand j’ai commencé à travailler avec Xavier, j’ai tâtonné. Comment voulait-il s’entraîner ? De quoi devais-je parler ? Préférait-il que je le laisse tranquille ? Travailler longtemps avec le même entraîneur offre un soutien, des repères. Il ne faut pas non plus pointer l’entraîneur du doigt dès que ça va moins bien. « ?

PAR CHRIS TETAERT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Lors de certains entraînements, Xavier Malisse a ridiculisé Novak Djokovic, le numéro un mondial.  »

 » Kirsten Flipkens peut rendre la vie dure à tout le monde.  »

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