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AU NOM DE TOUS LES MIENS

Sa carrière de footballeur a commencé trop tard, sa carrière d’entraîneur commence trop tôt.  » Nous n’étions pas riches et nous n’avions que l’essentiel, ça m’a rendu plus fort « , dit le Franco-Algérien Karim Belhocine, directeur technique de Courtrai.

« Je suis né à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon. J’ai grandi dans le quartier Mermoz d’où sont également issus Alexandre Lacazette, l’attaquant international de l’OL ainsi que le néo-Standardman Farès Bahlouli. Mes parents y étaient arrivés après la guerre d’Algérie, en 1962. J’ai huit frères et soeurs. Nous n’étions pas riches et nous n’avions que l’essentiel, ça m’a rendu plus fort mentalement. Je l’ai encore dit la semaine dernière à mes enfants : nous n’avions qu’une paire de chaussures et nous les portions jusqu’à ce qu’elles soient usées. Eux, ils ont ce qu’ils veulent et c’est tant mieux mais j’essaye de leur faire comprendre qu’il ne faut pas aller à l’autre bout de la planète pour trouver des gens qui ont des difficultés.

Dans le quartier où j’ai grandi, j’ai vu des choses qu’un enfant ne devrait pas voir mais je ne m’en plains pas. J’ai rapidement décidé que je ne ferais jamais de conneries. Je ne voulais pas que ma famille ait des ennuis. J’aurais eu honte. J’essayais d’expliquer à mes copains qu’un ami n’est pas celui qui fait des bêtises avec eux mais celui qui les empêche d’en faire. Je travaillais bien à l’école aussi. En primaire, j’étais toujours parmi les premiers. J’apprenais vite.

Je n’ai pas à me plaindre de ma jeunesse. Peut-être aurais-je pu être mieux encadré à l’adolescence. Mon père était malade et ne pouvait plus trop s’occuper de nous. Mais finalement, c’est la vie qui vous ouvre des portes. Un de mes frères a été international algérien en rugby et quand mon père parle de nous, il dit que c’est le sport qui a fait de nous ce que nous sommes.  »

À LA CHAÎNE

 » A l’âge de onze, douze ans, je me suis affilié à l’Etoile Sportive de la Trinité, le club de mon quartier. Un an plus tard, je suis passé à Saint-Priest, le deuxième club de Lyon. J’ai débuté en seniors à Vaulx-en-Velin, en CFA, la D4 française. A l’époque, je travaillais déjà. J’ai été manoeuvre, démolisseur et j’ai travaillé à la chaîne dans une usine de machines à lessiver où je répétais 770 fois par jour le même geste. Cela m’a aidé à tout faire pour réussir au foot.

A l’époque, je m’occupais d’une association qui s’appelait le But en Or. Tous les samedis et les mercredis, nous donnions des entraînements gratuits à des jeunes du quartier. J’entraînais aussi les U13 de La Trinité, qui payait ma formation d’entraîneur. Plus jeune, j’avais été animateur social dans le quartier. J’avais ça dans le sang.

Un ami du responsable du But en Or avait des contacts au Portugal et m’a permis d’effectuer un test en défense centrale à Espinho, en D2, où j’ai signé un contrat d’un an avec option. Malheureusement, j’ai vite souffert de pubalgie puis le club a eu des problèmes financiers. On a même coupé l’eau et l’électricité dans mon appartement. On n’était qu’en septembre mais je suis resté jusqu’au dernier jour. Mon père n’a jamais rien su. Tout ça m’a permis de comprendre qu’en football, on ne peut compter que sur soi-même.

Je suis revenu en France (un an à Forbach et deux à Trélissac, en CFA) puis je suis parti à Virton (D2) où Sébastien Grosjean a fait de moi son capitaine. Par la suite, j’ai aussi porté le brassard à Courtrai et à Waasland-Beveren.

Je donnais beaucoup de conseils aux jeunes, comme Christian Benteke ou PeléMboyo. Parfois, j’étais dur, comme au Standard, où il y avait beaucoup de bons jeunes comme Michy Batshuayi ou Paul-José Mpoku. Je pense qu’ils m’en sont encore reconnaissants. On dit souvent que l’amitié n’existe pas en football mais ce n’est pas vrai.  »

PAS DE CADEAU

 » Par contre, je n’ai fait de cadeau à personne. Au Standard, tout était clair. C’est pour ça que j’ai beaucoup de respect pour Roland Duchâtelet et José Riga. On m’avait fait venir pour aider mais j’ai quand même joué trois matches d’Europa League, dont le match aller des huitièmes de finale contre Cracovie. Un des plus beaux moments de ma carrière, comme le sauvetage avec Courtrai lors du dernier match de ma première saison et le titre avec Gand, même si j’avais déjà 36 ans et que je ne jouais pratiquement plus.

Le vestiaire de Gand était composé de gars bien, qui voulaient réussir et se battaient les uns pour les autres, avec un entraîneur fédérateur. En septembre, quand j’ai dit que nous serions champions, ThomasFoket et LaurentDepoitre se sont moqués de moi. En décembre, ils rigolaient déjà moins et en avril, ils m’ont dit : Putain, tu l’avais dit !

Tous mes entraîneurs m’ont appris quelque chose mais il est clair que HeinVanhaezebrouck a joué un rôle très important, tant sur le plan sportif que sur le plan humain. L’an dernier, quand Patrick Turcq m’a demandé de devenir adjoint à Courtrai, j’avais encore envie de jouer mais quand on y pense bien, il n’y a pas mieux que Courtrai pour entamer sa carrière.

Les circonstances ont fait qu’en février, j’en suis devenu l’entraîneur principal. Je ne m’y attendais pas mais j’ai pris les choses comme elles venaient. Je vais travailler dur et prendre de l’expérience comme je l’ai toujours fait. Je suis les cours d’entraîneur depuis que j’ai 18 ans et je suis impatient d’entamer ceux de la Pro Licence.  »

OUVERT À TOUT

 » J’ai toujours considéré qu’il était important d’être ouvert à tout, d’écouter ses amis comme ses rivaux, de réfléchir et de ne pas s’en tenir à une vision. J’ai toujours gardé le contact avec ma famille et les gens de mon quartier. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour eux et avec eux. Nous avons des vies très différentes mais nous nous sommes jurés de rester proches. Dès que je le peux, je retourne me ressourcer dans mon quartier. C’est là et pas à la plage que j’ai passé mes meilleures vacances, parmi ceux qui m’ont donné la force de me battre pour être l’homme que je suis aujourd’hui.  »

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTO BELGAIMAGE

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