ATTENTION, GENOUX FRAGILES

L’arrivée d’Aleksandar Mitrovic relègue Gohi Bi Cyriac à l’arrière-plan tandis que Ronald Vargas est toujours aux oubliettes. Sans le vouloir, ce grand transfert remet en question des investissements audacieux réalisés par le passé. Et ces genoux, comment vont-ils ?

Il n’a pas fallu plus de quarante-cinq minutes de jeu en Jupiler Pro League à Aleksandar Mitrovic pour que les superlatifs à son sujet s’accumulent. Malgré la défaite à Zulte Waregem, Herman Van Holsbeeck semblait surtout soulagé de voir que le joueur pour lequel il avait dépensé cinq millions avait convaincu. Il s’agit tout de même d’un montant-record dans le football belge, ce qui « oblige » le Sporting à réussir son coup. D’autant que même José Mourinho semble convaincu. Vendredi, à l’occasion du match Serbie – Croatie (au cours duquel Mitrovic a égalisé pour la Serbie), l’entraîneur de Chelsea aurait dit qu’il avait été le meilleur homme sur le terrain et qu’il avait tout pour devenir un des meilleurs attaquants d’Europe. En Belgique, on se dit que quand on a coûté cinq millions, c’est une obligation. Au cours des matches européens d’Anderlecht, tous les regards seront donc braqués sur Aleksandar Mitrovic.

A condition que ses genoux tiennent le coup, toutefois. Car cinq millions, ce n’est guère plus que les montants consacrés par le Sporting aux acquisitions de Gohi Bi Cyriac et Ronald Vargas, deux joueurs dont le prix d’achat – respectivement 2 et 2,5 millions – impliquait que l’on en attendait beaucoup. D’autant que s’ils n’étaient pas arrivés blessés au genou, leur valeur marchande aurait encore été supérieure. On estimait même celle de Vargas à huit millions. Bref, Anderlecht aurait effectué de bonnes affaires. Mais deux ans plus tard, on ne voit pas très bien comment il effectuerait encore une plus-value sur ces deux hommes. Vargas semble à nouveau parti vers une saison problématique – sa troisième de rang à Bruxelles et Cyriac n’est désormais plus que le troisième choix du coach à la pointe de l’attaque.

Année perdue

Dans sa communication, Anderlecht joue toujours la carte de l’espoir, de l’optimisme. Et il fait pareil au moment de remettre à l’UEFA la liste de joueurs qui pourront disputer la Ligue des Champions. Parmi les 27 noms, on retrouve celui de Ronald Vargas, qui a pourtant dû subir une nouvelle opération au genou en juillet dernier, en pleine préparation. Une petite opération, assure-t-on, destinée à empêcher une calcification du ligament. Il n’empêche que, pour la troisième fois d’affilée, il a manqué le départ du championnat. Selon nos dernières informations, Vargas espère remonter sur le terrain dans un mois. Il a déjà été opéré du genou gauche en février 2011 (alors qu’il était toujours au Club Bruges) et en octobre 2011. Au cours de sa première saison au Parc Astrid, il n’a joué que 73 minutes, réparties sur quatre matches. La saison dernière, il a accumulé 491 minutes (5 titularisations et 6 montées au jeu). Sa dernière apparition remonte au 16 mars 2013.

Cyriac est arrivé au Sporting avec un bilan médical bien plus lourd encore. Alors qu’il était toujours au Standard, il avait déjà subi deux grosses opérations au genou en janvier 2011 et en avril 2012. Le chirurgien auprès duquel Anderlecht se renseigna donna toutefois son feu vert pour un transfert. Comme John van den Brom disposait de Dieumerci Mbokani et Tom De Sutter, le club ne précipita pas son retour mais même comme ça, il n’était pas encore prêt à temps pour les play-offs, plus d’un an après la dernière opération. Il monta juste au jeu à deux reprises, pour un total de vingt petites minutes.

Après cette année perdue, on se disait que cette saison serait celle de Cyriac. D’autant que les départs de Mbokani et De Sutter avaient libéré de la place. Il fut titularisé pour la première fois en Super Coupe, face au RC Genk. A la satisfaction générale, d’ailleurs, y compris celle de Van den Brom. Mais lors du premier match de championnat, face à Lokeren, il fut remplacé au repos. Et la semaine suivante, il quitta le terrain après une bonne heure de jeu. Par la suite, il entra deux fois en fin de match : Matias Suarez et même Samuel Armenteros avaient pris sa place. A Waregem, il resta même sur le banc puisque c’est Mitrovic, qui venait de débarquer à Zaventem, qui fut chargé de supléer Suarez. Un remplacement qui voulait tout dire. A 23 ans, Cyriac semble devoir se contenter, au mieux, d’un rôle de réserviste.

Où est sa pointe de vitesse ?

Mitrovic fait figure de certitude à la pointe de l’attaque. Et pour le moment, Suarez semble le mieux placé pour évoluer en soutien. Or, c’est justement à ce poste que Cyriac s’était fait remarquer au Standard, derrière Mémé Tchité. C’est là aussi que Vargas devrait évoluer et que Dennis Praet voulait se faire une place. Praet s’est déjà fait tirer les oreilles par Van den Brom après le non-match collectif à Beveren et semble plafonner. Suarez pourrait déménager sur le flanc gauche mais il n’aime pas cela et, de plus, Frank Acheampong semble prendre ses marques à ce poste. Pour Praet, ce sera difficile.

Vargas aura vingt-sept ans en décembre et cela fait trois ans qu’il ne joue pratiquement plus. Lui aussi peut évoluer sur les deux flancs, même s’il manque de vitesse au démarrage (c’est encore pire depuis ses opérations). Deux ans et demi après sa première opération, il ne parvient toujours pas à étendre complètement son genou gauche. Pareil pour Cyriac, ce qui est encore plus grave car si Anderlecht l’avait transféré du Standard, c’était justement pour sa pointe de vitesse. Celle-ci peut toujours revenir mais il faudra du temps. Dans le cas de Vargas, cela fait trois ans et ce n’est toujours pas réglé. De plus, une moins grande flexibilité du genou engendre des tensions dans le bas du dos. Autrement dit : le danger de dommages à d’autres parties du corps est grand.

La problématique qui entoure Cyriac et Vargas s’inscrit dans celle de l’affaire Suarez, qui éclata l’hiver dernier. A Munich, l’Argentin a été déclaré médicalement inapte, Anderlecht passant ainsi à côté du pactole promis par le CSKA Moscou. Aujourd’hui, le club rejette la faute sur le joueur qui, dit-il, ne se serait pas bien soigné au cours des quatre mois de rééducation qu’il passa en Amérique du Sud (il serait revenu avec 3 kilos de trop et un taux de graisse de 20 %). Tout cela est destiné à détourner l’attention du traitement controversé appliqué à Suarez et à Vargas par les médecins du club bruxellois, qui validèrent également le transfert de Cyriac.

Un investissement audacieux

Anderlecht peut légitimement être fier d’avoir pu engager Mitrovic au nez et à la barbe des grands clubs. Mais les cinq millions dépensés l’obligent, au moins, à être champion pour la troisième fois d’affilée. Il y a deux ans, le club bruxellois avait pris le même genre de risque en rapatriant Mbokani et Milan Jovanovic. Cela avait payé. Par contre, avec Vargas et Cyriac, les Mauves se sont plantés. Après l’expérience Vargas -2,5 millions de perdus, on peut dire qu’il était pour le moins audacieux de miser deux millions sur Cyriac. A Bruxelles, personne n’aime évoquer le sujet mais cela relativise tout de même la plus-value effectuée sur Mbokani. Il faudra en tenir compte au moment de faire les comptes pour Mitrovic.

PAR JAN HAUSPIE – PHOTO: IMAGEGLOBE

Cyriac est arrivé au Sporting avec un bilan médical bien plus lourd encore que Vargas.

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