Athlétisme

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Le monde de l’athlétisme attendait les championnats du monde de Pékin, du 22 au 30 août. Il a découvert, avec effroi, les coulisses du dopage d’Etat en Russie. L’histoire d’une guerre d’un autre âge.

 » Comment pourrait-il en être autrement ? Notre système est comme ça en Russie, ça fonctionne uniquement avec les médicaments.  » Sans le savoir, l’athlète russe Mariya Savinova, médaillée d’or sur 800 mètres aux Jeux olympiques de Londres de 2012, vient de révéler l’écrasante culture du dopage de son pays. Ses propos, enregistrés à son insu dans le cadre d’un documentaire de la chaîne allemande ARD, figurent aussi dans un rapport de 335 pages, publié le 9 novembre par l’Agence mondiale antidopage (AMA). Tricherie organisée, corruption, intimidation, tests falsifiés… Jusqu’aux plus hautes instances de contrôle, l’enquête pointe les innombrables acteurs d’un  » dopage d’Etat systématisé « , comme le qualifie Dick Pound, le président de la commission indépendante de l’AMA.  » Tout ça n’a pas pu se passer sans que les autorités soient au courant « , assène le Canadien.

Dans cette Russie opaque, les entraîneurs menacent les athlètes qui refusent de s’aligner sur la  » norme  » du dopage. Pour se couvrir, les sportifs aussitôt complices doivent verser un pourcentage de leurs gains annuels aux représentants de l’association russe d’athlétisme (Araf). L’agence russe antidopage (Rusada), de son côté, annonce les dates des contrôles  » inopinés « . Pendant ce temps, à Moscou, le directeur du seul laboratoire russe accrédité par l’AMA fausse les innombrables tests positifs, en échange de pots-de-vin. Et va jusqu’à détruire 1 417 échantillons que l’AMA sollicitait pour son enquête. Improbable prétexte invoqué par le directeur Grigory Rodchenkov : il avait demandé de  » faire un peu de nettoyage  » en vue de la visite de l’AMA.

La Russie de Vladimir Poutine serait-elle à ce point embourbée dans une guerre d’un autre âge, où la realpolitik se gagne aussi, et par tous les moyens, sur les pistes d’athlétisme ? Le  » système  » russe renvoie, en tout point, au dopage organisé de l’Allemagne de l’Est dans les années 1980. Mais depuis la suspension provisoire de la fédération russe d’athlétisme, qui lui interdit l’accès à toute compétition internationale et compromet sa participation aux Jeux olympiques de Rio en 2016, d’autres pays sont dans le collimateur. C’est notamment le cas du Kenya, d’Israël, de l’Argentine et de l’Ukraine.

La Belgique, elle, tarde à mettre en oeuvre les dernières dispositions antidopage. Elle figure parmi les six pays placés  » sous surveillance  » par l’AMA en novembre dernier.  » L’Agence mondiale antidopage a toujours eu un problème avec la Belgique, nuance l’avocat Johan Vanden Eynde, spécialisé en droit du sport. Depuis le Canada, elle ne comprend pas la structure complexe de notre pays. Ni, dès lors, la lenteur de notre appareil législatif.  » La lacune belge serait donc purement technique. Et presque anecdotique, au regard de cette nouvelle traque mondiale dont 2015 constitue l’année pivot.

Christophe Leroy

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