La troisième saison des Dragons en D1 leur a de nouveau été fatale.
Le verdict pressenti depuis des mois est finalement tombé le week-end dernier : lanterne rouge depuis le début de la saison, Mons bascule en deuxième division pour la troisième fois en moins de dix ans. Face à Louvain, samedi passé, les Montois n’ont jamais semblé en mesure de mettre en difficulté leurs adversaires. Sans envie ni sentiment de révolte, ils se sont présentés à Den Dreef en victimes consentantes et l’exclusion stupide de leur capitaine, Flavien Le Postollec, dès la première mi-temps, n’a évidemment pas arrangé les choses. Un match à l’image de l’ensemble de la saison : pourri du début à la fin. L’avenir s’annonce sombre pour des Dragons qui ne crachent plus le feu depuis bien longtemps. La relégation va avoir un impact important sur le volet financier et le président Domenico Leone, que l’on annonce sur le départ, en a marre de mettre la main à la poche. Seul point positif : l’histoire récente du club plaide en sa faveur. Les deux précédents séjours montois en D2 n’ont été que de courte durée. Parviendront-ils à nouveau à s’extirper rapidement de ce mouroir qu’est l’antichambre de l’élite ? Retour sur les expériences du passé.
Acte 1 : la continuité
Promu pour la première fois de son histoire en D1 en 2002-2003, Mons connaît des débuts de rêve. Les Hennuyers se maintiennent facilement et Cédric Roussel est même sacré meilleur buteur de la compétition. La suite s’avère plus compliquée. La saison suivante est marquée par l’arrivée de l’entraîneur italien Sergio Brio : le club ne se sauve que lors de l’avant-dernière journée malgré une défaite mémorable sur son terrain face au Club Bruges (0-9). Le technicien transalpin est décrié et limogé dès octobre suivant. Jos Daerden reprend le flambeau et le mercato est agité avec pas moins de huit arrivées. Malgré un sursaut fin janvier, les six maigres points pris au premier tour lui rendent la tâche impossible et une dispute avec le président lui coûte sa tête à quatre rencontres de la fin de saison. Michel Wintacq et Olivier Suray sont appelés à la rescousse mais le duo ne parvient pas à sauver les meubles. » Brio a trucidé, laminé le club « , estimait à l’époque Suray. » Dans ce groupe, il y avait au total plus de saules pleureurs que de guerriers. »
La déception est amère mais le club est bien décidé à prendre le taureau par les cornes et à limiter au strict minimum son séjour en D2. Jean-Paul Colonval est nommé directeur technique et affiche clairement ses ambitions : » On va construire une équipe de battants, de guerriers, capables de faire face à la pression que l’on devra supporter en D2. » Le club conserve sa structure professionnelle et vit au rythme de deux entraînements quotidiens. La reprise est même fixée fin juin alors que la compétition ne débute que deux mois plus tard. Adjoint au Standard, José Riga quitte Sclessin pour mener le navire montois : » Ma première mission a été de rendre de la vie à ce groupe. C’était urgent, d’autant que tout le monde nous attendait au tournant. Avant même le premier match de la saison, Mons était déjà déclaré champion ! »
Courtisé suite à ses belles performances la saison précédente, le Français Cédric Berthelin est prolongé et Mons conserve une bonne partie de l’effectif de D1 (Eric Rabesandratana, Roberto Mirri, Ivan Milas, Daré Nibombé, Alessandro Cordaro, Jérémie Njock,…) auquel il adjoint quelques jeunes francophones comme Laurent Gomez, Bastien Chantry ou Lorenzo Laï, histoire de redonner une identité wallonne à l’équipe après l’épisode italien. » La période de préparation m’a donné certains apaisements « , déclarait à l’époque l’actuel manager de Charlton. » Nous n’avons pas perdu un seul match amical. J’avais chassé le goût de la défaite, c’était une… première victoire ! Parallèlement, c’est tout le club qui a montré des signes de redressement. Toutes les cellules se sont mises à revivre, le sang coulait à nouveau dans les veines de l’Albert. Les nouvelles infrastructures d’entraînement ont été terminées en septembre, c’était une étape importante dans la progression de ce club. »
Les affaires reprennent également en championnat et l’Albert s’installe rapidement dans le haut du classement où il entame un mano a mano avec les Limbourgeois d’Overpelt-Lommel. Deuxièmes au mercato d’hiver, les Hennuyers délient les cordons de la bourse pour s’attacher les services de trois nouveaux joueurs qui seront autant de coups dans le mille : Alberto Malusci, Emmanuel Coquelet et un certain Mohamed Dahmane. Ces arrivées conjuguées à la forme retrouvée de Rabesandratana et au sens du but de Njock leur permettent même de basculer en tête suite à une plantureuse victoire (0-4) sur le terrain de leur rival direct. Plus rien ne semble pouvoir arriver aux Dragons mais le sort va s’acharner : de nombreuses blessures minent le noyau et surtout la faillite de Beringen-Heusden-Zolder coûte cher aux Montois. Alors que dans un premier temps, la Fédération décide de maintenir les points acquis contre cette équipe, plusieurs clubs dont Overpelt-Lommel font appel et sont entendus. Les hautes instances dirigeantes appliquent donc le règlement qui prévoit l’annulation de tous les points pris contre les Limbourgeois.
Le coup est dur pour l’Albert qui se voit ainsi privé de six unités tandis qu’Overpelt-Lommel n’en perd que deux. » Le groupe a accueilli la volte-face de la Fédération comme une injustice profonde « , explique Riga. » J’ai cherché à transformer ce sentiment en envie de révolte : -On nous met des bâtons dans les roues, on ne veut pas que Mons y arrive mais nous allons montrer sur le terrain ce que nous avons dans le ventre. Tout le monde a adhéré. Moi, en tout cas, j’étais persuadé que la justice sportive finirait par triompher. » De fait, malgré cette pénalité peu éthique, la défaite d’Overpelt-Lommel sur le terrain de Louvain lors de la dernière journée, conjuguée à la victoire de l’Albert à Dessel Sport, permet aux Hennuyers de dépasser sur le fil les Limbourgeois. » Un titre est encore plus valorisant quand il est programmé car ça veut dire qu’on a su gérer des attentes très élevées « , analyse Riga. » Entre dire qu’on veut être champion et arracher le titre, il y a souvent un fossé énorme. Il a fallu être à la hauteur tout au long de la saison. C’était un travail gratifiant mais terriblement usant. »
Acte 2 : l’arrivée des Flamands
Après une première saison en D1 couronnée de succès avec une neuvième place finale, Riga connaît la tourmente au Tondreau : un vestiaire difficile et une série de douze matches sans victoire lui coûtent sa place. Arrivé en sauveur, Albert Cartier redresse la barre avec ses méthodes militaires mais le Vosgien ne s’attarde pas dans le Hainaut et rejoint Tubize la saison suivante. Pour le remplacer, Mons fait appel à Philippe Saint-Jean qui débarque de… Tubize. Mais le Brabançon ne fait pas de vieux os : après le premier duel de championnat et une cinglante défaite (5-0) sur le terrain de Gand, il remet sa démission pour raisons médicales. Appelé à prendre sa succession, Thierry Pister tiendra à peine plus longtemps : fin novembre, il est remercié faute de résultats et cède le relais à Christophe Dessy. L’équipe souffre des départs de joueurs-clés comme Benjamin Nicaise, Wilfried Dalmat ou Adriano Duarte. Le mercato hivernal n’arrange rien puisque Dahmane, auteur de sept buts, file à Bruges. L’ambiance est délétère dans le vestiaire et les cadres de l’équipe ne s’entendent pas avec Dessy qui ne gagnera qu’une seule rencontre sur l’ensemble d’une saison catastrophique qui verra les Montois finir bons derniers.
De retour en D2, on change de formule : l’effectif est entièrement chamboulé et seuls quelques joueurs de la saison précédente (Frédéric Jay, Mounir Diane, Mustapha Jarju, Cédric Rousselet Moussa Gueye) sont conservés. Dans le staff aussi, ça bouge puisque Rudi Cossey est nommé T1 tandis que Dimitri Mbuyu est le nouveau directeur technique. Les deux néerlandophones ne tardent pas à poser leur griffe sur le vestiaire de l’Albert. Si comme à son habitude, Mons mise sur des joueurs venus des divisions inférieures françaises, le flamand s’invite désormais également dans les travées du Tondreau avec les venues de Tristan Peersman, Tom Van Imschoot et Janis Coppin. Pareil pour le staff où Geert Broeckaert et Francky Vandendriessche viennent épauler Cossey.
Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances hennuyères. Classé seulement sixième fin novembre, Mons s’incline à domicile face au voisin de Boussu-Dour et Cossey passe à la trappe. Broeckaert prend sa succession et relance la machine. L’arrivée de l’attaquant burkinabé Hervé Oussalé fait du bien au secteur offensif et l’Albert occupe même brièvement la tête mi-mars avant qu’une série de trois matches nuls fasse s’envoler ses rêves de titre. Qualifiés pour le tour final, les Dragons entament bien cette mini-compétition en battant Eupen mais ils flanchent par la suite à Lommel et contre Roulers et ce sont finalement les Eupenois qui gagnent leur ticket pour l’élite.
Pointé grand favori la saison suivante, Mons continue à miser sur le marché flamand en attirant Tim Matthys, Brecht Verbrugghe et Siebe Blondelle en plus du retour dans les cages du vétéran Berthelin. La saison démarre bien avec Broeckaert mais le club connaît un coup de mou en cours de saison et la direction parie sur un spécialiste de la montée pour diriger ses troupes en la personne de Dennis Van Wijk. » Quand les joueurs s’habituent trop à un entraîneur, il faut les secouer « , expliquait Alain Lommers. Malgré les buts empilés par Jérémy Perbet arrivé au mercato d’hiver, Mons ne parvient pas à concurrencer Louvain et doit une fois encore se farcir le tour final.
Préparés à cette éventualité depuis un moment, les Dragons sont au top au moment d’aborder le sprint final et lors de la cinquième rencontre, une victoire face à Waasland-Beveren les enverrait en D1. Mais il est écrit que les Montois souffriront pour y accéder. Alors qu’ils mènent 1-2 à l’entame des arrêts de jeu, Beveren recolle au score puis prend l’avantage en l’espace de deux minutes. La déception est énorme et la dernière journée ne changera rien : Mons et Waasland-Beveren sont à égalité parfaite et doivent se départager lors d’un test-match à Tubize. A nouveau, le suspense durera jusqu’au bout puisqu’il faudra attendre la 86e minute pour que Nicolas Timmermans donne l’avantage final aux Dragons d’une tête rageuse.
Acte 3 : l’interrogation
Aujourd’hui, Mons est bien loin de la liesse populaire qui avait envahi la ville le soir de la montée. Dimanche matin, les Montois se sont réveillés avec la gueule de bois et la situation du club est plus qu’incertaine. On peut s’attendre à un exode massif. Certains, comme Matthys, ont d’ailleurs déjà annoncé que la D2, ce serait sans eux, alors que d’autres peuvent d’ores et déjà se chercher un nouvel employeur tant ils ont été décevants. Rayon extra-sportif, c’est également l’interrogation. Pierre François a été mandaté par le club pour effectuer un audit et cela a donné lieu à bon nombre de rumeurs. Domenico Leone ne l’a pas caché, il est fatigué de voir son équipe évoluer dans un demi-stade et il a évoqué à plusieurs reprises la possibilité de quitter le club en cas de descente ou si le dossier du stade n’est pas finalisé au plus vite. Reste à voir si le président montois, que l’on sait très attaché à son club, mettra ses menaces à exécution. Un coup d’oeil dans nos archives laisse penser le contraire : » Ceux qui me connaissent savent que je ne pars jamais sur un échec « , déclarait-il en 2011. » Je suis un amoureux de ma région, j’y occupe 600 personnes et j’ai envie de l’extraire du marasme économique qui y touche les entreprises mais aussi le football. Lorsque je m’engage dans un projet, je m’investis à fond. Le jour où je partirai, cela signifiera que le club sera viable en D1. »
PAR JULES MONNIER
Qui, après José Riga et Dennis Van Wijk, pour faire remonter les Dragons ?
» Je ne pars jamais sur un échec. » Domenico Leone en 2011
Chez les joueurs, on s’attend à un exode.
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