Arsenal et Man City : ambition et avidité

Depuis Noël et notre hibernation, la Premier League a joué cinq fois : à croire que là-bas la neige est chaude, ou qu’on m’a caché à l’école que l’Angleterre créchait dans l’hémisphère sud ! Ainsi, mercredi dernier, BeTv a diffusé le nul blanc sur terrain vert entre Arsenal (archi-dominateur sans que ça passe) et Manchester City (archi-dominé sans laisser passer). J’ai regardé, étant resté BeTviste sans devenir Belgacom-onzien : cathodiquement parlant, je croise donc plus souvent Dortmund que le Lierse, moins souvent Westerlo que la Roma. C’est au moins aussi bien. Of course, je cumulerais si j’avais plein de thunes, mais serais-je plus heureux ? Ce qui est certain, c’est qu’à l’inverse, si j’étais plus raide (financièrement), je me passerais de l’un et l’autre : et il resterait bien assez de foot pour que je ne me sente pas télédistribué basique et effondré.

Venons-en au fait. Dès le coup d’envoi à l’ Emirates, sensation rare en mon sein souvent neutre : je désirais ardemment la victoire d’Arsenal ! Les deux clubs se bousculent dans le sillage de Manchester United mais, si l’on cause éthique, vient à l’esprit une opposition entre extrêmes. Depuis l’arrivée en 2008 de son Cheikh bourré de provisions, Man. City claque du pognon à tort et à travers. A l’aube de la saison, six nouvelles stars en ont chassé d’autres, ce fut carrément indécent. Et voilà que maintenant, on envoie paître Emmanuel Adebayor parce qu’il est dans le creux, et Edin Dzeko débarque pour 35 millions d’euros ! Quoi ? Vous pensiez que le Cheikh allait se satisfaire de notre Romelu Lukaku, annoncé un moment là-bas pour 21 millions de misère ? Ne me dites pas que vous avez gobé la rumeur ! City est le prototype du club où les mecs du terrain sont moins importants que le mec du tiroir-caisse. City est le symbole en vogue de ce que le foot doit cesser d’être.

Arsenal est friqué aussi. Mais tout à l’opposé – et Arsène Wenger y est pour quelque chose – le club dégage une impression de travail à long terme, en même temps que de saine réticence à lâcher du blé pour acquérir des stars. La plupart des joueurs s’amenant à City sont déjà des caïds. A Arsenal, les trois quarts des gars du noyau n’ont accédé à la notoriété qu’en accédant au onze de base. Et ceux du quart restant (les transférés, déjà catalogués top niveau au préalable) n’en sont pas les stars pour autant : Andreï Arshavin, et plus encore Tomas Rosicky, transitent par le banc comme les autres ! Arsenal, c’est le club où le footeux se plaît à faire des découvertes : hier des Cesc Fabregas, aujourd’hui un Alex Song (j’allais dire monstrueux, celui-là ! mais je me retiens, l’adjectif est surexploité) ou un Jack Wilshere. Ce petit, 19 ans depuis le 1er janvier, me semble parti pour être sous peu le pied gauche de Sa Majesté (ouais, davantage que Gareth Bale, ce vieux de 23 ans qui est d’ailleurs Gallois). C’est bien simple : quand je vois Wilshere tripoter avec Fabregas ou Samir Nasri à l’orée du rectangle adverse surpeuplé, pour tenter de perforer par petites passes redoublées, je me demande s’il existe trio plus entreprenant dans un mouchoir… à part un trio barcelonais qu’il ne faut même pas nommer !

A ce propos, Arsenal- Barça vaudra le coup en huitièmes de CL. Avantage Barça pour sa supériorité intrinsèque, sans forcément penser d’abord au trio magique. Aussi parce qu’Arsenal n’a jamais remplacé Ashley Cole, Gaël Clichy m’ayant toujours fait l’effet d’un back gauche comme tant d’autres. Et surtout, Wenger a beau être un grand formateur, y a un truc qu’il n’arrive pas à former, ce sont des gardiens de but : de David Seaman à Lukasz Fabianski en passant par Jens Lehmann et Manuel Almunia, ça fait des années que le Gunner le moins fortiche est le dernier rempart. Mais je peux me gourer : Wenger sait, même quand ses voies sont impénétrables. Autre exemple de choix difficile à pénétrer : ça fait plus d’un an qu’au back droit, l’Arsène opte systématiquement pour Bakary Sagna plutôt qu’ Emmanuel Eboué. Why ? Cela me tenaille comme le mystère de l’Incarnation.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

La plupart des joueurs s’amenant à City sont déjà des caïds. Pas à Arsenal.

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