A 60 % de ses possibilités

Le Brésilien de 22 ans est une attraction des PO2. Hommage a l’un des principaux animateurs de la compétition qu’il faut vite admirer avant qu’il parte…

Paulo Henrique Carneiro Filho n’appartient pas à Westerlo mais à Traffic Sports, un fonds d’investissement de joueurs brésiliens représenté en Belgique par João Aragão :  » Notre société a acheté les droits économiques de Paulo lorsqu’il a quitté Heerenveen. Le joueur a alors signé un contrat avec Desportivo Brasil, un club brésilien qui nous appartient et l’a prêté à Palmeiras. Comme il n’y jouait pas suffisamment, nous avons estimé qu’il serait préférable qu’il retourne en Europe. Le jour où il quittera Westerlo, nous le céderons sans doute à titre définitif, comme nous l’avons fait avec Vitor Ramos au Standard. Ou alors, nous conserverons une partie de ses droits économiques car Jan Ceulemans estime qu’il n’est encore qu’à 60 % de ses possibilités et je suis d’accord avec lui. Quant à son prix, ce sont les six dernières semaines de la saison qui le détermineront. S’il marque beaucoup dans les play-offs ou en finale de la Coupe, il vaudra encore davantage. « 

Si cette méthode a souvent cours avec des joueurs sud-américains, elle est encore très rarement appliquée en Europe.  » Pourtant, cela reste un moyen pour les clubs d’obtenir de bons joueurs pour pas trop cher et sans s’engager à trop long terme « , dit João Aragão.  » Traffic va de plus en plus acquérir les droits de joueurs européens car ceux-ci ont une meilleure valeur marchande. Mbark Boussoufa, par exemple, est parti au Daguestan pour huit millions d’euros alors que nous ne parvenons pas à obtenir plus de cinq millions pour un Argentin qui est actuellement le meilleur joueur du championnat du Brésil ! « 

Quel est votre bilan actuel en Belgique ?

Paulo Henrique : Le championnat se termine un peu tôt pour nous… J’ai la nette impression que nous aurions pu nous classer parmi les six premiers mais l’équipe a pris pas mal de temps à trouver des automatismes et les points perdus en début de championnat ont fini par nous coûter cher. Il nous reste la Coupe et là, absolument rien n’est joué malgré le 0-0 à domicile face au Cercle. Je suis convaincu que nous pouvons aller marquer un but là-bas, ce qui nous placerait en bonne position pour la finale. En espérant tomber sur le Standard car je rêve de jouer devant un stade plein. Trois mille personnes pour une demi-finale aller, c’est vraiment trop peu. Nous avons eu suffisamment d’occasions de marquer chez nous mais le ballon ne voulait pas rentrer. Moi-même, j’ai manqué une belle occasion : le terrain était un peu sec et je n’ai pas pu emmener le ballon comme je le souhaitais. J’avais pourtant demandé qu’on l’arrose avant la partie.

 » Je suis arrivé avec l’idée de marquer quinze ou seize buts « 

Vous cherchez des excuses ?

( Rires) Non, non. J’aurais pu inscrire davantage qu’onze buts (neuf en championnat, deux en Coupe) pour ma première saison. C’est l’un des points que je dois améliorer : je dois être plus concentré en phase de finition. Je suis arrivé avec l’idée de marquer quinze ou seize buts parce que je n’avais pas vraiment besoin de temps d’adaptation : j’avais déjà joué aux Pays-Bas. Je dois cependant remarquer que le jeu est assez différent : le championnat hollandais est non seulement mieux organisé mais le jeu y est aussi plus structuré, un joueur a plus de temps pour contrôler le ballon. Il me reste encore les play-offs pour atteindre mon objectif. Mais les buts les plus importants furent les deux premiers : ils m’ont permis de me retrouver après un an de doute.

Et puis, il y a vos cinq assists. Car contrairement à la plupart des attaquants étrangers qui débarquent chez nous, vous êtes très collectif, non ?

J’ai toujours été comme cela et je pense que c’est ce qu’un entraîneur souhaite. Je ne veux pas qu’on dise que l’équipe est dépendante de moi car ce n’est pas le cas : j’étais absent contre Anderlecht et nous avons arraché une de nos plus belles victoires de la saison. Dans un groupe comme celui de Westerlo, il n’y a pas de secret : tout le monde doit se battre pour tout le monde.

Votre mentalité explique que, contrairement à Jaja Coelho par le passé, vous vous soyez si bien fondu dans le collectif campinois. Pourquoi avoir aimé d’entrée ce coin reculé de notre pays ? A Heerenveen, on disait que vous aimiez un peu trop la fête…

Westerlo est arrivé au moment idéal dans ma carrière. J’avais besoin de remettre certaines choses en place dans ma tête et le calme qui règne ici m’y a aidé. A 17 heures, on ne voit plus personne dans les rues. Cela me permet de me concentrer davantage sur le football. Je ne suis plus du tout le même que le gamin qui a débarqué à Heerenveen à 18 ans, j’ai compris que si je poursuivais dans cette voie, j’allais passer à côté de quelque chose.

C’est vrai qu’après des débuts prometteurs à Herenveen (13 buts en 39 matches et une victoire en Coupe pour vos deux premières saisons), tout s’est terminé en queue de poisson. On y attendait trop de vous ?

Non, cet échec, je ne le dois qu’à moi-même. Au début, tout allait bien, je marquais même du mollet. Puis je me suis laissé vivre. Les tensions avec Trond Sollied étaient de plus en plus nombreuses. Il ne supportait plus mes retards à l’entraînement et m’obligeait à faire des tours de terrain pendant toute la séance. Je n’en pouvais plus, ma famille me manquait. J’ai eu une offre de Twente mais j’ai préféré rentrer au Brésil. C’est vrai que, quand je vois le parcours européen du club hollandais aujourd’hui, je me dis que je suis peut-être passé à côté d’une belle opportunité.

 » Je joue mieux au foot qu’au poker… « 

On a dit que vous fréquentiez un peu trop les casinos. Et que vous étiez si mauvais au poker qu’on se battait pour s’asseoir à votre table !

C’est vrai que je me débrouille mieux au foot qu’aux cartes ( il rit). Mais je joue nettement moins. A l’époque, les possibilités de distraction étaient peu nombreuses. J’avais quelques amis qui aimaient aller au casino et je les accompagnais. Aujourd’hui, j’y vais encore mais peu. Parce que mes amis actuels n’y vont pas non plus.

On a également parlé d’une bagarre à l’entraînement avec Bonaventure Kalou.

On a commencé par se chamailler pour jouer puis on s’est vraiment tapé dessus ( ilsourit). Mais Kalou reste un de mes meilleurs amis, nous parlons encore souvent sur Facebook, même si je ne suis pas trop fan d’internet. Il y a deux ans, j’ai eu un problème au dos et le médecin m’a conseillé de ne pas trop rester assis dans la même position.

Récemment, vous avez éliminé Sollied et le Lierse à l’occasion des quarts de la Coupe grâce à votre but décisif !

Avant le match aller, Sollied était venu me serrer la main et m’avait souhaité bonne chance en ajoutant : – J’espère que tu ne marqueras pas. Je n’avais pas apprécié. On ne dit pas bonne chance à quelqu’un en lui souhaitant de ne pas faire ce qu’il aime le mieux. Alors, au retour, quand il est revenu me serrer la main, c’est moi qui ai pris les devants et qui ai dit : – Et cette fois, je vais marquer !

Le contact avec Ceulemans semble nettement meilleur alors ?

Oui, mais c’est surtout moi qui ai changé, je suis devenu adulte. Notre entraîneur nous parle énormément, il ne cesse de nous montrer qu’il a confiance en nous, même lorsque nous perdons trois fois d’affilée. Je sais qu’il a été un grand attaquant et j’écoute attentivement ses conseils. Westerlo est un petit club mais un bon club. J’y ai été très bien accepté et je me lève chaque matin avec plaisir en sachant que je vais retrouver mes équipiers. Le jour où je vais partir, j’aurai certainement beaucoup de regrets car j’ai aussi connu Palmeiras, un des plus grands clubs du Brésil : le noyau y était tellement grand que j’avais l’impression de n’être qu’un numéro. J’ai disputé six petites parties de match. Le plus que j’ai joué, c’est un quart d’heure. En quarts de finale de la Coupe, nous nous sommes qualifiés grâce à un penalty commis sur moi mais cela n’a pas vraiment compté.

Vous auriez déjà pu partir à la trêve hivernale au Standard mais pourquoi avoir refusé son offre ?

A partir du moment où elle n’était intéressante ni pour moi, ni pour mes agents, ni pour Westerlo, ce n’était pas très difficile de dire non. De toute façon, j’étais venu avec l’idée de me refaire une santé pendant un an en Belgique et ce n’était pas pour changer d’avis après cinq mois. Maintenant, je sens bien qu’à un moment ou l’autre, pour progresser, je devrai essayer de m’affirmer dans un plus grand club.

Des clubs russes et allemands se sont manifestés, Genk est également intéressé mais votre agent pense que l’idéal serait peut-être de poursuivre une progression linéaire, c’est juste ?

On me parle souvent de Jaja Coelho. Il a parcouru pas mal de chemin depuis Westerlo : il joue aujourd’hui en Turquie après être passé par l’Ukraine. Mais je préférerais tout de même y aller pas à pas avant de me retrouver dans un tout grand club. Au moment du choix, j’essayerai de prendre un maximum de renseignements sur le groupe mais je sais déjà que je ne serai accueilli nulle part comme à Westerlo.

PAR PATRICE SINTZEN – PHOTO: REPORTERS/ GYS

 » J’étais venu pour me refaire une santé pendant un an et je n’allais donc pas partir au Standard en hiver… « 

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