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On a cherché les petits secrets du meilleur gardien du championnat, on a voulu en savoir plus sur sa vie en dehors du terrain. Et on a découvert un vrai plan com.

« Il est cool, tranquille, à l’aise, il ne se prend jamais la tête.  » C’est Jean-François Gillet qui parle de Memo Ochoa. Un Mexicain à peine basané qui est le meilleur gardien de notre championnat et aussi sa seule vraie star internationale. On n’en voit pas beaucoup ici, des joueurs qui ont fait quatre Coupes du monde – dont deux de feu, Brésil et Russie. On n’en voit pas beaucoup ici, des footballeurs qui comptent la centaine de matches avec un vrai pays de foot. Le Memo a tout connu. Copa Libertadores ? Gold Cup ? Jeux Olympiques ? Claro que si.

Memo Ochoa a 2.850.000 followers sur Twitter et 1,9 million d’abonnés sur Instagram.

Une popularité mondiale à gérer. Surtout qu’il attire autant en dehors du terrain que quand il est dessus. Sur les hauteurs de Liège, dans le quartier de l’Académie, quand on voit débouler une Porsche rouge avec, au volant, un gars qui sourit pour un oui, pour un non, on sait que c’est lui. Un sourire vaut mieux qu’une insulte, c’est un proverbe très populaire au Mexique, ça vient peut-être de là. Memo Ochoa attire à Liège des médias du monde entier. Le dernier à avoir réussi ça, c’était VictorValdés. Sur la pelouse, aucun point commun entre les deux. Valdés était en fin de parcours et bien usé, un coup plutôt médiatique à la base, alors que Memo Ochoa est en pleine force de l’âge.

Ochoa, sombrero sur le crâne, avec ses coéquipiers.
Ochoa, sombrero sur le crâne, avec ses coéquipiers.  » C’est clairement un leader technique « , estime Benjamin Nicaise.© BELGAIMAGE

 » Ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit des demandes d’interviews de la part de médias étrangers « , explique Olivier Smeets, le responsable de la communication du Standard.  » Ça peut arriver, il y a par exemple les Français de So Foot qui sont venus faire un reportage sur MehdiCarcela. Avec Ochoa, c’est fréquent et ça peut venir de partout. Au printemps, à l’approche de la Coupe du monde, c’était chaud. Quand des journaux, des magazines ou des chaînes de télé me contactaient, je leur demandais pourquoi ils n’essayaient pas de le voir à des moments où il était avec son équipe nationale. Ils me répondaient que la fédération mexicaine bloquait toutes les demandes. Au Standard, on serait ridicule de ne pas profiter d’une visibilité pareille. Quand un média anglais, espagnol, mexicain ou américain vient chez nous, ça peut être bon pour nous aussi.  »

Il est cool, tranquille, à l’aise, il ne se prend jamais la tête.  » Jean-François Gillet

yosoy8a, je suis Ochoa

Depuis un an, avec l’équipe mexicaine, il a joué, pêle-mêle… accrochez-vous, c’est du très lourd : Eden Hazard, Romelu Lukaku, Ivan Rakitic, Thomas Müller, Mesut Özil, Marco Reus, Neymar, Philippe Coutinho, Luis Suárez, Paulo Dybala, … Mais il ne la ramène pas.  » Cool, tranquille, à l’aise « , comme dit son réserviste à Liège. Et Jean-François Gillet prolonge le débat.

 » Je ne vais pas te dire qu’il m’a parlé de ses exploits en rentrant de la Coupe du monde parce qu’on parle rarement de foot. Il fait son taf sur le terrain, c’est tout. Et ce n’est pas le joueur qu’on entend le plus dans le vestiaire. Ceux qui mettent parfois le bordel… c’est les autres… Memo, il est toujours de bonne humeur, il ne s’énerve jamais, il n’est pas vraiment introverti mais pas tout à fait extraverti non plus.  »

Par contre, il est très actif sur les réseaux sociaux.  » Regarde attentivement ses comptes « , dit Olivier Smeets.  » Tu verras que sa famille occupe une grande place. Il me l’a déjà dit, dans sa vie, c’est sa femme et ses enfants d’abord, puis le foot.  » yosoy8a, c’est son pseudo sur Twitter et Instagram, c’est bien lui. 8, ocho en espagnol. Et bêtement le suffixe de la première lettre de l’alphabet pour compléter son nom. 8a = Ochoa. Imparable. yosoy8a = je suis Ochoa. 2.850.000 followers sur Twitter, 1,9 million d’abonnés sur Instagram, pas mal.

Et effectivement, la familia est très présente sur ses comptes. Memo, sa jolie femme et ses deux enfants au fan-day du Standard, avec Saint-Nicolas et dans d’autres décors. Avec sa chérie dans le paddock du Grand Prix de Formule 1 à Francorchamps. Il lâche un stock impressionnant de photos, prises chez nous et dans le monde entier. Des arrêts spectaculaires. Des conférences de presse. Des instantanés dans le vestiaire. Des manifestations de joie sur le terrain. Une photo prise à l’occasion de son centième match avec le Mexique.

Des captures d’écran mentionnant qu’il a été élu joueur du match ou joueur du mois. Montrant aussi qu’il est nominé pour le titre de meilleur gardien de l’année en zone Concacaf. Memo avec un chapeau bien de chez lui. Memo avec un look businessman. Memo enlacé par Leo Beenhakker, l’entraîneur qui l’a lancé en équipe Première de l’América Mexico, ça remonte à 15 ans – c’est carrément sa photo de couverture sur Twitter. Et ses enfants, encore et encore.

Un plan com soigneusement pensé

Dans sa fonction de team manager du Standard, Benjamin Nicaise côtoie Memo Ochoa au quotidien.  » Il n’a rien d’une diva alors qu’il pourrait l’être « , lance-t-il.  » C’est quand même lui, la plus grande star du championnat de Belgique. Et c’est le joueur qui a la plus grande expérience dans le noyau. Il fait parfois des remarques, il a parfois des exigences, c’est toujours justifié, c’est pour faire avancer les choses. Et c’est exprimé avec respect. Il y a des leaders naturels, des leaders imposés et des leaders techniques. Lui, c’est clairement un leader technique. Il ne s’impose pas par son caractère ou une envie de forcer les choses. Il est un des leaders du groupe simplement parce qu’il a un gros vécu et parce qu’il preste sur le terrain.  »

Le portier mexicain avec une supportrice.
Le portier mexicain avec une supportrice.  » Récemment, au marché de Noël, on a vu un Ochoa différent qui allait spontanément à la rencontre des gens « , raconte Olivier Smeets, le responsable communication du Standard.© BELGAIMAGE

Sobrement. Le Mexicain nous explique. C’est quoi le style Memo Ochoa ?  » Je n’essaie pas d’être spectaculaire, dans ma tête c’est la sécurité d’abord. Si je dois plonger, je plonge. Si je ne dois pas le faire, je ne le fais pas. On me dit parfois que j’ai une réputation de gardien spectaculaire, qui aime bien faire le show, mais je pense que c’est surtout mon look qui fait ça. Dans mes mouvements, je suis sobre. Mais dans mes tenues, dans ma façon de me présenter, j’aime bien sortir de la norme, c’est vrai. J’aime le flashy, j’aime le fluo, et puis il y a mes boucles qui font partie de mon image. Je les ai coupées cet été, comme ça, subitement, mais je pense que je vais les laisser repousser. Parce que c’est aussi ça, ma griffe.  »

On reçoit des demandes d’interviews du monde entier pour Memo Ochoa, on serait ridicule de ne pas profiter d’une visibilité pareille.  » Olivier Smeets, responsable communication

Sa griffe passe aussi par un plan com soigneusement pensé.  » Il ne veut pas être partout, tout le temps « , explique Olivier Smeets.  » Quand je lui relaie une demande d’interview, il me demande des infos sur le média concerné, il veut aussi savoir ce que j’en pense. Il trie, il ne veut pas se disperser. Et puis, une fois qu’il a accepté, il fait les choses dans les règles. Il y a les joueurs qui se présentent en training et en claquettes. Il y a les extravagants qui affichent des couleurs, des froufrous, des dragons, … Un Mehdi Carcela peut avoir un look improbable quand il donne une interview et fait des photos. Christian Luyindama, c’est pareil.  »

Boudin, vin chaud et barbe à papa

 » Memo Ochoa, je le mettrais dans la catégorie des classieux, comme Sébastien Pocognoli ou Jean-François Gillet. Il se pointe avec une chemise bien mise, il est coiffé. Il entretient une image de sportif sain et bien éduqué. Il est toujours ponctuel, il ne s’est jamais fait attendre depuis qu’il est au Standard. Il vient, il donne une poignée de main qui dégage de l’authenticité, le contact est vite établi. Et puis, très souvent, il déborde sur le planning.

En général, les joueurs me demandent combien de temps l’interview va durer. Si je leur réponds que trois quarts d’heure sont prévus, c’est trois quarts d’heure, point à la ligne. Avec Memo Ochoa, ça peut facilement durer plus longtemps. Il ne donne jamais l’impression de s’impatienter, d’avoir envie que ça se finisse. Il a un côté vieille école, il ne tombe pas dans les travers de la jeune génération. Et dans ses discours, il positivise, il relativise, il contextualise. Il a un côté positive attitude à l’américaine.  »

Dernier débordement d’horaire en date : le marché de Noël à Liège. Des joueurs du Standard étaient censés y passer, il s’y est incrusté. Pendant plus de deux heures, il a discuté avec des supporters dans une ambiance festive de barbe à papa, de boudins et de vin chauds.  » On a vu un Ochoa différent qui allait spontanément à la rencontre des gens « , raconte le responsable presse.

Depuis son arrivée chez nous durant l’été 2017, le Mexicain a traversé deux périodes plus compliquées. D’abord quand il a vu ses coéquipiers gagner la Coupe de Belgique, sans jouer une seule minute de la campagne. Puis au début de cette saison, quand la direction a refusé de le laisser filer à Naples. Sur le parcours en Coupe, il nous dit ne ressentir aucune amertume :  » Ce trophée est aussi le mien, je faisais partie du groupe.  »

Des questions sur Naples

 » Il était toujours derrière moi, il n’y avait aucune arrière-pensée « , se souvient Jean-François Gillet, titulaire lors de ces matches.  » J’étais correct avec lui en championnat, il a été correct avec moi en Coupe. Notre relation a toujours été bonne, malgré la concurrence. À mon âge, je ne vais plus me prendre la tête. Quand déjà, tu ne joues pas le week-end, tu n’as pas envie de te taper en plus un quotidien de merde…  »

Finalement, ça semble avoir été plus délicat pour Ochoa dans l’affaire napolitaine, il nous l’a d’ailleurs avoué récemment dans une longue interview, sachant que c’était peut-être sa dernière chance de jouer pour un très grand club européen.

Jean-François Gillet poursuit :  » Il essayait de cacher qu’il avait du mal à vivre cette situation, mais je le sentais bien. Au moment où il espérait toujours être transféré là-bas, il m’a posé des questions sur le championnat d’Italie, sur la ville. Il savait que s’il allait à Naples, il n’allait plus avoir une vie tranquille comme à Liège. Je sentais bien que c’était un paramètre qui l’interpellait. Il suffit de regarder un vieux reportage sur l’époque de Diego Maradona à Naples pour comprendre que c’est de la folie.

Mais je peux comprendre qu’il avait envie d’y aller quand même. Quand tu sors d’une grosse Coupe du Monde et que tu as l’occasion de signer à 33 ans dans un club habitué à la Ligue des Champions, c’est super tentant.  »

Olivier Smeets ajoute :  » Il y a eu un passage de quelques jours où on avait l’impression qu’il était plus pensif, mais il a vite retrouvé son côté chaleureux.  »

Retapé comme Mathew Ryan

Le gars sortant d’un gros tournoi russe et déçu de ne pas pouvoir aller dans le Calcio, Jan Van Steenberghe en a hérité en juillet. Il était préparateur des gardiens pour Michel Preud’homme à Gand puis à Bruges, il l’est au Standard depuis cet été.

 » J’avais remarqué la saison passée qu’il avait bien progressé au fil des mois, pour arriver à son top niveau pour les play-offs et la Coupe du monde. J’ai visionné des images de matches qu’il avait joués dans ses clubs précédents, pour observer sa progression là-bas aussi. On a parlé après la Coupe du monde et il m’a dit qu’il était fatigué mentalement. C’est un phénomène que j’avais connu à Bruges avec Mathew Ryan. Quand il reprenait au retour d’une Coupe d’Asie ou d’une Coupe du Monde, il n’était pas à 100 % dans la tête. C’est normal.

Alors, en concertation avec lui, je lui ai proposé de faire la même chose que ce que j’avais fait avec Ryan. On a commencé par des séances pendant lesquelles il ne fallait pas trop réfléchir : le placement dans le but, la prise de balle. J’ai évité les exercices qui demandaient beaucoup de concentration, comme les déplacements, les interceptions, la lecture du jeu, des exercices avec un gros ballon ou des balles de tennis. Je savais qu’il était en contact avec Naples et qu’il avait vraiment envie d’y aller. Je lui ai simplement dit qu’il devait de toute façon faire une bonne préparation, que ce soit pour jouer au Standard ou ailleurs. Je ne lui demandais pas tous les jours des nouvelles de son transfert, je me contentais de lui dire qu’on était ici pour bosser, que le reste ne m’intéressait pas.  »

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