88 ans après

Cinquième participation olympique (seulement) de la Belgique footeuse à Pékin l’an prochain. Pour émuler sa glorieuse aînée qui se couvrit d’or en 1920 à Anvers ?

Grâce à sa bonne tenue d’ensemble à l’occasion du Championnat d’Europe des Espoirs, qui vient de se dérouler aux Pays-Bas, la Belgique déléguera donc une équipe de football aux Jeux Olympiques en 2008. C’est une performance d’autant plus enviable qu’il y aura 80 ans très exactement, à ce moment-là, que nous n’aurons plus été à pareille fête. Le dernier exploit olympique de nos représentants avait effectivement eu pour cadre ceux d’Amsterdam en 1928. Cette année-là, les Diables Rouges furent vaincus 6-3 par l’Argentine, futur finaliste de l’épreuve face à l’Uruguay. Deux nations qui, deux ans plus tard, allaient être opposées lors de l’apothéose de la 1re Coupe du Monde à Montevideo.

Pour les Belges, il s’agissait là de la fin d’une belle aventure entamée en tout début de siècle et qui avait vu nos représentants remporter tout d’abord le bronze à Paris en 1900, puis rafler l’or à Anvers, vingt ans plus tard. Un succès qui reste le seul remporté à ce jour, au plus haut niveau footballistique, par nos couleurs. Flashes-back.

1900 : le bronze à Paris grâce à un but hollandais… et au fait qu’il n’y avait que trois participants !

Quatre ans avant que notre pays ne joue son premier match de football officiel contre la France, au Vivier d’Oie, à Uccle (3-3), avec une formation composée à 100 % de joueurs belges, notre football représentatif avait été une toute première fois à l’honneur. C’était à l’occasion des deuxièmes Jeux Olympiques des temps modernes à Paris, où se tenait conjointement l’Exposition Universelle.

A l’époque, la discipline qui allait devenir le sport-roi dans le monde, n’en était qu’à ses premiers balbutiements. Chez nous, par exemple, l’Union Belge des Sociétés de Sports Athlétiques (UBSSA), ancêtre de l’URBSFA, n’avait vu le jour qu’en 1895, à l’instar de ce qui s’était produit dans pas mal d’autres nations du Vieux Continent. On comprend, dès lors, que le ballon rond ne figurait pas au programme des JO d’Athènes en 1896.

Dans la Ville Lumière, quatre années plus tard, le football n’avait d’ailleurs été inscrit au programme qu’en tant que sport de démonstration. A priori, un nombre très limité de pays était censé en vanter les mérites : la France en tant que pays organisateur, ainsi que ses voisins, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre, berceau du foot en Europe.

Mais en ces temps reculés, la mise sur pied d’une véritable sélection nationale tenait de la gageure et, devant la difficulté du projet, appel fut fait, en lieu et place, à des équipes de club. Outre Quiévrain, c’est la formation parisienne du Club Français qui fit l’affaire, tandis que les Insulaires déléguèrent les Londoniens d’Upton Park FC. L’Allemagne et la Suisse ne se révélèrent pas en mesure de convaincre l’une ou l’autre de leurs phalanges et déclinèrent dès lors l’invitation.

La Belgique fut en passe de les imiter. En effet, le Racing Club de Bruxelles, champion de Belgique en 1899-90 et qui devait d’ailleurs réussir la passe de quatre au cours des trois campagnes suivantes, avait été pressenti pour représenter nos couleurs au Vélodrome Municipal de Vincennes. Mais ses joueurs avaient déjà été sollicités pour effectuer une tournée au Royaume-Uni. Du coup, leur responsable, Frank König, fut chargé par les plus hautes instances de notre football de recruter des éléments dans d’autres formations de pointe. Ce qui ne s’apparentait nullement à une sinécure.

Dans l’organe officiel de la fédération, La Vie Sportive, on pouvait lire ainsi, en date du 15 septembre 1900 :  » Les joueurs suivants ont d’ores et déjà marqué leur accord : Londot, Moreau, Hickson, Menzies, Van Missiel, Kelecom, Pelgrims et Van Heuckelum. Nous attendons toujours d’autres inscriptions. Les joueurs intéressés sont priés de prendre contact le plus rapidement possible avec M. Pelgrims, rue de Saint-Pétersbourg 53 à Ostende. Les supporters et les joueurs qui souhaitent faire le déplacement bénéficieront d’une ristourne de 50 %, de la part de la Compagnie du Nord, sur le trajet compris entre la frontière belge et Paris. L’équipe quittera la Belgique le 24 septembre et reviendra le 28. Les matches sur place auront lieu les 26 et 27 « .

En dernière instance, Hickson, Menzies et Van Missiel déclinèrent l’invitation. Un groupe de dix joueurs prit, dès lors, le chemin de la capitale française. Il se composait d’ Alphonse Renier, du Racing Club de Bruxelles, des joueurs du FC Liégeois René Kelecom, Lucien Londot et Ernest Moreau de Melen, des éléments du Skill Club Hilaire Spanoghe et Albert Delbecque, des Léopoldmen Hendrik van Heuckelum, Gustave Pelgrims et Eric Thornton ainsi que du gardien de but spadois Marcel Leboutte. La chance sourit sur place à nos compatriotes sous la forme de la présence, parmi le public, de l’athlète Eugène Neefs, futur recordman de Belgique du 100 m sous les couleurs du Sporting Club de Louvain en 1901 et ’02. Comme il était doté d’une belle pointe de vitesse, il fut réquisitionné comme onzième homme…

La Belgique ne disputa finalement qu’une seule rencontre : contre le Club Français qui avait, auparavant, été atomisé 0-4 par les joueurs britanniques. A cette occasion, les locaux savourèrent une belle revanche, puisqu’ils triomphèrent par 6-2 de notre sélection. Celle-ci menait pourtant 1-2 à la mi-temps, grâce à des réalisations de Spanoghe et van Heuckelum. Rien d’extraordinaire à cela, observerez-vous, s’il n’y avait que ce dernier était, en réalité, un Néerlandais qui se partageait entre son pays natal, où il évoluait au Houdt Braef Stant de La Haye, et la Belgique, où il défendait les couleurs du Léopold.

Logiquement, nos footballeurs auraient dû disputer un deuxième match face à Upton Park FC. Mais on en resta là. Au classement final, les Anglais, victorieux de leur joute contre le Club Français, devancèrent donc ces derniers, eux-mêmes vainqueurs de nos compatriotes. Du coup, pour leur entrée en matière aux Jeux Olympiques, les Belges terminèrent donc troisièmes sur un total de… trois équipes engagées. Un fait d’armes qui, mine de rien, leur vaut toujours, aujourd’hui, de voir leurs 11 noms repris dans le hall d’entrée du COIB aux côtés de tous les autres médaillés olympiques.

1920 : l’or après une finale de 43 minutes et le forfait tchécoslovaque

Après le bronze à Paris, la Belgique fit mieux encore, 20 ans plus tard, en remportant le tournoi disputé dans le cadre de la VIIe Olympiade, à Anvers. La Métropole s’était vue confier l’organisation de cet événement en raison des affres subies deux ans plus tôt, lors de la Première Guerre mondiale. Le conflit armé eut d’ailleurs des répercussions sur l’épreuve proprement dite puisque bon nombre de nations, au rang desquelles on citera notamment l’Allemagne et ses alliés vaincus, brillèrent par leur absence au Kiel.

Au total, 15 pays participèrent à la compétition de football : Belgique, Danemark, l’Egypte, l’Angleterre, la France, la Grèce, l’Italie, la Yougoslavie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, l’Espagne, la Tchécoslovaquie, la Suède ainsi que la Suisse.

En tant que pays hôte, la Belgique fut déclarée bye en huitièmes de finale. Au stade suivant, sa première victime eut pour nom l’Espagne, victoire 3-1 en dépit de la présence dans ses buts du légendaire gardien de but Ricardo Zamora. Mais pour belle qu’elle fut, cette victoire n’avait nullement recueilli l’adhésion du public.

En cause, la titularisation, au sein du 11 de base, d’un seul Anversois : le Beerschotman André Fierens alors que la capitale était représentée par neuf joueurs : Jan De Bie (Racing CB), Armand Swartenbroeks (Daring), Fernand Nizot (Léopold), Oscar Verbeeck, JosephMusch, Emile Hanse, Louis Van Hege, GeorgesHebdin et Robert Coppée (Union). Le 11e, lui, n’était autre que le sociétaire du FC Brugeois, Felix Balyu.

La bronca des Sinjoren eut indéniablement son effet puisque, dans le dernier carré, pour les besoins du sommet contre les Pays-Bas, l’attaquant local Rik Larnoe fit son entrée dans l’équipe à la place de Fernand Nizot, tandis que son compère de l’Antwerp, Désiré Bastin, doublait Georges Hebdin. Quant au Verviétois Mathieu Bragard, il obtint lui aussi les faveurs au détriment de Felix Balyu.

Ces changements ne furent pas sans conséquence puisque les nouveaux venus, Larnoe et Bragard, aidés par l’ancien, Van Hege, fixèrent les chiffres définitifs à 3-0 face aux Oranje. De quoi faire oublier le 2-4 qui, six ans plus tôt dans le même stade, avait scellé la dernière confrontation entre les deux phalanges avant les tragiques événements de 1914-18.

Le 2 septembre, date de l’apothéose de l’épreuve footballistique, les Diables Rouges durent affronter les Tchécoslovaques, qui s’étaient qualifiés en prenant successivement la mesure de la Yougoslavie (7-0), de la Norvège (4-0) ainsi que de la France (4-1). Mais dès avant la finale, les Tchécoslovaques crurent bon devoir jeter de l’huile sur le feu.

Premier motif de leur courroux : la désignation du referee anglais John Lewis qui, quelques mois plus tôt, à la suite d’un arbitrage très discutable, avait été molesté par des supporters, à Prague. Corollairement, alors que chaque rencontre avait été dirigée, jusqu’alors, par un trio comprenant un directeur de jeu étranger et deux juges de ligne de même nationalité que chacun des protagonistes, le match de clôture avait été confié à un triumvirat anglais.

Les deux buts inscrits par nos joueurs, à l’occasion de cette joute, ne firent qu’accroître ce climat de suspicion. Le premier, paraphé après une dizaine de minutes de jeu à peine, résulta effectivement d’un penalty accordé pour une faute de main de l’arrière Antonin Hojer sur un tir de Mathieu Bragard. Les Tchécoslovaques s’estimaient toutefois lésés, vu que leur gardien, Rudolf Klapka avait lâché le cuir suite à une charge fautive de l’avant verviétois.

A la demi-heure de jeu, les protestations fusèrent de plus belle encore après que Rik Larnoe eut doublé la marque suite à une phase entachée ou non d’un hors-jeu. Dès cet instant, les esprits s’échauffèrent. Peu avant la pause, Robert Coppée s’écroula, victime d’une faute intentionnelle de Karl Steiner alors que le ballon n’était pas dans les parages.

Outrés par le renvoi au vestiaire de leur coéquipier, les Tchécoslovaques lui emboîtèrent le pas et ne revinrent plus sur le terrain. Après 43 minutes de jeu effectives, l’arbitre siffla la fin de la rencontre et la pelouse du Kiel fut aussitôt envahie par des milliers de fans belges en liesse.

Le soir même, une plainte fut introduite auprès du jury d’appel de la compétition par la fédération tchécoslovaque, tant au sujet des doléances exprimées avant la finale que des incidents qui avaient ensuite émaillé la partie. Dans la foulée, toute la délégation reprit d’ailleurs le chemin de la Tchécoslovaquie alors qu’elle était attendue le 12 du même mois, au Daring, pour inaugurer les nouvelles installations du club, rue De Coninck.

Le 19 novembre, soit deux mois et demi après les faits, les quatre représentants dudit comité rejetèrent la réclamation. Du coup, la Belgique fut déclarée victorieuse de l’épreuve et, le 5 décembre, tous ses joueurs se virent enfin offrir la médaille d’or. La Tchécoslovaquie fut ni plus ni moins disqualifiée.

1924 : les Diables Rouges étrillés 8-1 par la Suède à Paris

De 15 en 1920, les nations participantes étaient passées à 22. Pour arriver à un total de 16 équipes aux fins des huitièmes de finale, douze pays furent appelés à livrer un tour préliminaire : la Suisse, la Lituanie, la Turquie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne, l’Espagne, l’Italie, les Etats-Unis, l’Estonie, la Yougoslavie et l’Uruguay. Dix autres étaient qualifiés d’office : la Belgique, les Pays-Bas, la France, la Roumanie, la Bulgarie, le Luxembourg, la Lettonie, la Suède, l’Irlande et l’Egypte.

L’entrée en lice des Belges, le 29 mai, à Colombes, tourna cependant à la déconfiture puisque ceux-ci, contre toute attente, furent battus 8-1 par la Suède. Pourtant, l’équipe ne manquait pas d’allure, car elle était toujours articulée autour des mêmes footballeurs qui avaient remporté l’or quatre ans plus tôt : Jan De Bie, Armand Swartenbroeks, Oscar Verbeeck, André Fierens, Louis Van Hege, Robert Coppée, Rik Larnoe et Dis Bastin. Seuls Auguste Pelsmaeker (Beerschot), Achille Schelstraete (CS Brugeois) et le Standardman Maurice Gillis faisaient figure de nouveaux.

Le match avait débuté on ne peut plus mal pour nos représentants, sous la forme d’un own-goal de Verbeeck. Et comme le dernier rempart du Racing était dans un jour sans, c’était déjà 4-0 au repos. De Bie avait néanmoins des circonstances atténuantes à faire valoir : avant le départ pour Paris, son fils était tombé d’une fenêtre du premier étage en disant au revoir à son papa ! Plus de peur que de mal, en définitive, mais il faut croire que cet épisode avait quand même marqué notre homme, qui encaissa encore quatre buts après la pause.

Preuve que la critique n’est pas une invention des temps modernes, la presse sportive de l’époque n’épargna nullement nos représentants. Morceaux choisis :

 » Notre défense s’est révélée en dessous de tout tandis que nos autres lignes étaient absolument quelconques « . ( L’Etoile Belge)

 » La cuisante défaite de Colombes comporte des leçons : 1. Il faut modifier d’urgence la formule du championnat, l’actuelle réglementation empêchant tout effort pratique en faveur du team national. 2. Il faut aussi songer à rajeunir progressivement les cadres « . ( Le Soir).

 » Quand on s’appelle la Belgique, que l’on est tenant olympique, on ne doit pas être battu 8-1, si excellent que soit l’adversaire. Les dirigeants belges sont responsables. Responsables d’avoir conduit notre sport le plus populaire à une défaite ignominieuse à la face du monde sportif. Responsables d’avoir jeté la désolation et la honte dans le c£ur de tous les sportsmen belges « . ( Les Sports)

1928 : l’Argentine se dresse déjà sur la route des Diables

Par rapport aux deux rendez-vous précédents, la Belgique avait rajeuni singulièrement ses cadres. Elle était formée de l’Anderlechtois Jean Caudron au goal, Jules Lavigne (Racing Club de Bruxelles) et Nicolaas Hoydonckx (Berchem Sport) aux backs, Pierre Braine (Beerschot), Florimond Vanhalme (CS Brugeois) et Gustave Boesman (La Gantoise) aux half-backs ; Louis Versyp (FC Brugeois), Gérard Devos (CS Brugeois), Raymond Braine (Beerschot), Jacques Moeschal (Racing Club de Bruxelles) et Jan Diddens (RC Malines) à l’attaque.

Le match d’entrée avait déjà donné lieu à des frissons face au modeste Luxembourg, battu finalement par 5 à 3, alors que les Diables Rouges avaient mené 3-0 à un moment donné, avant de se faire rejoindre à la marque juste avant la mi-temps. La deuxième période s’était toutefois déroulée à sens unique et sans le keeping éblouissant du portier visiteur Henri Scharry, le score aurait pris des proportions plus importantes. En quarts de finale, la Belgique dut en découdre pour la première fois de son histoire avec l’Argentine. Et ce match fut quasiment un remake du précédent, mais avec nos compatriotes dans la peau des Luxembourgeois, cette fois. Les Sud-Américains, avec le génial Raimundo Orsi, eurent tôt fait de mener 3 à 0 avant que les Belges remettent les pendules à l’heure grâce à des réalisations de Raymond Braine, Florimond Vanhalme et Jacques Moeschal. Ici aussi, la dernière demi-heure de jeu avait été à sens unique avec trois nouveaux goals argentins.

Ce coup-ci, les commentaires furent nettement plus modérés qu’après la débâcle à Paris. Le journal Les Sports fit ainsi état d’une  » défaite très honorable après une remonte très spectaculaire de nos joueurs « . Il est vrai que les Argentins n’allaient s’incliner qu’au stade ultime de l’épreuve, face à leurs voisins uruguayens. Une finale qui préluda en quelque sorte celle qui deux ans plus tard, en 1930, opposa ces deux mêmes nations en finale de la toute première Coupe du Monde à Montevideo. Mais ça, c’est une autre histoire…

par bruno govers

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