2016 EN RÂLANT ?

Courage. Plus que dix jours avant la clôture de cet immonde mercato d’hiver, horreur antisportive, faussaire de compétition, et pourtant entré dans nos moeurs médiocres : jusqu’à nous exciter, au lieu que nous hurlions à la mort d’un foot encore digne ! Dès la moindre insatisfaction, en pleine compète, on achète, on vend, on se vend : terminée la solidarité dans l’infortune, fini de mordre sur sa chique si l’on manque de temps de jeu, bye bye le groupe uni jusqu’au bout, ciao les bons perdants !

Footeux que nous sommes, nous sommes de vrais fous pour prendre encore au sérieux un classement final, au lieu de nous demander qui honnir en priorité : les joueurs, gamins pourris gâtés, versatiles et pleurnicheurs, podium 2016 pour Anthony Knockaert, Yassine El Ghanassy et Adnan Januzaj ? Les dirigeants, nantis dégainant leur chéquier dès la moindre trouille de louper l’objectif de départ ? Ou les décideurs des fédés, législateurs de mes deux, pas foutus d’élaborer une loi saine et juste pour endiguer cette merde ?

J’arrête, mieux vaut cancaner de l’actuel chapelet des distinctions individuelles… décernées elles aussi en beau milieu de saison ! Lionel Messi est un number one consensuel puisque régulièrement élu et, en 2015, par deux instances électrices : l’historique Ballon d’Or, et un concurrent né à Dubaï en 2010, les Golden Soccer Awards ! Curieuse concurrence : l’année même où le Ballon d’Or de France Football fusionnait enfin avec le Joueur FIFA de l’année qui doublonnait depuis 1991, voilà qu’un friqué du Golfe s’amenait sur le marché… pour que perdurent les polémiques ?

Polémiques qui surgissent bien sans ce nouveau venu : le sélectionneur italien Antonio Conte et son capitaine Gianluigi Buffon ont boycotté le vote au Ballon d’Or, protestant contre l’absence dudit Buffon dans la liste des 23 éligibles. Et le duel Messi/Cristiano Ronaldo, qui se dispute la victoire depuis 2008, commence à lasser : moins un palmarès comporte de noms, plus il s’appauvrit ! Les deux multirécidivistes n’ont pas besoin de cet excès d’honneur, pas besoin de paradis au paradis, mettons ces deux caïds entre parenthèses, fourguons le trophée à Andrès Iniesta tant qu’il est encore temps, et pleurons qu’il ne le soit plus pour un Xavi, un Ryan Giggs… Je pourrais remplir la fin de cette chronique rien qu’avec des noms de magiciens délaissés depuis des lustres par ce palmarès…

Polémique aussi pour le Meilleur joueur africain 2015, décerné par la CAF depuis 1992. Yaya Touré et Asamoah Gyan ne supportent pas que Pierre Aubameyang l’ait emporté. Motif exprimé : il n’a pas brillé avec le Gabon durant la Coupe d’Afrique. Motif sous-jacent : tu es moins Africain qu’un autre quand tu es né en France de mère française, et que tu es passé par les Espoirs français avant d’opter par sécurité pour le pays de papa. Ouf, ce n’est pas le genre de débat qui perturberait le jury de notre Soulier d’Ebène, lequel fait flèche de tout bois : de Daniel Amokachi/1992 parfait Nigérian, à Neeskens Kebano/2015 né en France, et en passant par tous nos vrais belges depuis Emile Mpenza/1997 !

Restons chez nous, Marc Wilmots est désigné meilleur entraîneur du monde ! D’accord, ce n’est que selon la coterie de Dubaï, et ce serait mieux encore de l’être selon les gars du Ballon d’Or qui ont préféré Luis Enrique : mais c’est tout aussi fortiche de hisser Eden Hazard et Kevin De Bruyne au top du ranking FIFA, que décrocher la Ligue des Champions en disposant de Messi, Iniesta, Neymar et Luis Suarez !

Last et plutôt least, hélas, notre Soulier d’Or 2015. Grâce au parcours européen gantois, Sven Kums devient atypique, comme le Lierrois Lucien Olieslagers en 1959 : être belge et rafler le trophée sans compter la moindre minute sous le maillot des Diables ! Perf à l’envers qu’avaient frôlée juste avant lui Thorgan Hazard en 2013, puis Dennis Praet en 2014 (8′ et 14′ en match amical)… D’accord, c’est définitivement foutu pour Olieslagers, tandis que les trois autres peuvent encore rêver de caps à gogo. Mais ce Soulier devient bizarre quand on voit que, de nos Diables habituels, seuls Vincent Kompany, Steven Defour et Axel Witsel ont jadis chaussé la godasse dorée.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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