20 ans déjà…

Pilote le plus titré de l’histoire de la F1, Michael Schumacher revient ce week-end à Spa-Francorchamps où il a remporté sa première victoire. C’était il y a vingt ans, déjà.

Spa-Francorchamps occupe une place à part dans le c£ur de Michael Schumacher. C’est là que le pilote le plus titré de la Formule 1 a fait ses débuts. C’est là aussi qu’il a conquis la première de ses 91 victoires ! Pour être complet, on ajoutera que le champion allemand s’est imposé à six reprises sur le toboggan ardennais. On comprend donc que l’étape belge du championnat revêt une importance particulière à ses yeux.

Décoder la météo belge

Travelling arrière. Le 23 août 1991, un jeune Allemand protégé par l’usine Mercedes qui l’utilise dans les courses de prototypes, débute en Formule 1 grâce à un étonnant concours de circonstances. Le pilote franco-belge Bertrand Gachot, sociétaire à part entière du team Jordan, est retenu dans… une prison londonienne pour avoir utilisé un spray aveuglant lors d’une altercation avec un taximan. Le volant de sa monoplace est libre et fait l’objet de multiples convoitises. C’est finalement Michael Schumacher qui en hérite. D’entrée de jeu, ce jeune loup montre les crocs : il se qualifie en 7e position avec une demi-seconde d’avance sur son équipier Andrea De Cesaris qui dispute pourtant son… 160e Grand Prix. Même si la course se passe nettement moins bien, puisqu’un embrayage défaillant le force immédiatement à l’abandon, le futur héros de tout un peuple réussit le banco durant ce week-end belge : il est engagé sur-le- champ par Flavio Briatore, le patron du team Benetton, qui brûle la politesse à Eddie Jordan en faisant signer un contrat en béton au jeune prodige.

Douze mois plus tard, même endroit, le 30 août : notre homme est devenu un trouble-fête patenté au sein du peloton mais n’a pas encore gagné et n’a pu dès lors empêcher Nigel Mansell de coiffer déjà la couronne individuelle. Troisième sur la grille de départ, il tente comme ses principaux adversaires Nigel Mansell, Ayrton Senna, Riccardo Patrese et Mika Häkkinen de  » décoder  » la météo typiquement belge faite d’une désolante alternance d’averses et d’éclaircies. Il s’en sort le mieux et à dix tours de la fin, découvre la sensation à nulle autre pareille de mener un Grand Prix. Bien aidé par des soucis d’échappement qui frappent Nigel Mansell, il décroche le premier succès d’une très longue série.

Le quatuor infernal

C’était il y a vingt ans. Vingt saisons que  » Schumi  » a indiscutablement marquées de son empreinte, même quand il se contentait d’un rôle en coulisse durant sa première retraite. Les chiffres d’abord : 91 victoires, on l’a dit, 155 podiums, 68 pole-positions, 77 meilleurs tours, plus de 5100 tours en tête et bien entendu sept titres mondiaux (1994, 1995 puis de 2000 à 2004). Au-delà de ces statistiques, on retient également sa fidélité à ses employeurs. Lorsqu’il se retire… provisoirement fin 2006, il n’a défendu les couleurs que de trois écuries différentes : Jordan (durant le seul Grand Prix de Belgique 1991), Benetton et surtout Ferrari. Même si son parcours aux côtés de Flavio Briatore lui permet de gagner du galon, c’est sous les couleurs de la prestigieuse Scuderia que le natif de Kerpen – à une vingtaine de kilomètres de la frontière belge – éclate vraiment. Formant avec Jean Todt le patron, Ross Brawn le stratège et Rory Byrne le technicien un véritable  » quatuor infernal « , il domine la discipline avec une arrogance qui lui vaut de nombreuses inimitiés et provoque chez les passionnés de F1 des discussions sans fin. Quelques épisodes peu glorieux marquent cette période ; on se souvient notamment de l’accrochage sciemment provoqué avec Jacques Villeneuve au Grand Prix d’Europe 1997 à Jerez, ou encore de la  » pseudo-victoire  » décrochée lors de la manche autrichienne en 2002 quand Rubens Barrichello reçoit l’ordre de laisser passer son leader en vue de la ligne. Puis vient l’heure de la retraite, fin 2006. Michael Schumacher demeure dans l’organigramme Ferrari mais son rôle – assistant à la direction de la gestion sportive – ne le satisfait guère. Il évacue la pression en disputant des courses de moto où il fait preuve d’un certain brio mais aussi d’une belle dose d’inconscience qui lui vaut plusieurs chutes mémorables. Il en mesure pleinement les conséquences au mois d’août 2009 quand Ferrari lui propose de reprendre du service pour remplacer Felipe Massa, victime d’un grave accident en Hongrie. Remonté comme un coucou, le septuple n°1 mondial renonce pourtant deux semaines avant le Grand Prix d’Europe à Valence : malgré une préparation intensive, il ressent toujours de violentes douleurs dans le cou et refuse de s’aligner sans être en pleine possession de ses moyens.

Ce n’est que partie remise. Il  » replonge  » mais chez les  » Gris  » de Mercedes, et non au sein de la formation transalpine qui lui a tant apporté. En 2010, il redevient pilote à part entière chez Mercedes aux côtés du jeune Nico Rosberg. La suite, c’est de l’histoire presque récente. 9e pour son come-back puis 8e l’an dernier, il occupe actuellement la 12e place du championnat avec pour principaux faits d’armes un podium à Valencia et une pole-position – hélas zappée à cause d’une pénalité – sur le tourniquet monégasque. Le bilan strictement mathématique du septuple n°1 mondial est trompeur. Certes, il n’a engrangé que 29 points contre 77 à son équipier (qui peut se targuer en plus d’une victoire en Chine) mais la guigne semble coller aux roues de sa monoplace ; en clair, dès qu’une Mercedes connaît un souci, c’est quasi toujours la n°7 ! Ces ennuis à répétition n’altèrent pas l’enthousiasme dont il fait preuve en piste, plusieurs adversaires pouvant témoigner de la hargne qu’il met toujours à défendre sa position.

Patron d’écurie ?

Michael Schumacher peut-il gagner une septième fois ce dimanche dans son  » jardin ardennais  » ? En théorie oui ; mais ses chances apparaissent minces. En effet, la Mercedes n’affiche plus la santé qui, à la fin du printemps, lui a permis de se hisser dans le sillage des favorites. Les stats de la formation allemande pour les derniers rendez-vous ne sont guère emballantes (2 points en trois Grands Prix pour Nico Rosberg, 12 pour son équipier) et à moins d’un traitement de choc durant le break estival, on voit mal ses pilotes revenir d’un coup aux avant-postes, même s’ils trouveront chez nous un terrain favorable à l’exploitation de leur double DRS, un ingénieux système aérodynamique leur offrant un gain de 7-8 km/h en pointe.

Par ailleurs, le team va se retrouver en point de mire de tous les médias à Spa après les révélations du magazine spécialisé Autohebdo selon lesquelles Mercedes envisage de se concentrer sur son rôle de motoriste, passant le relais à une écurie AMG (le département sportif de la marque) placée sous la direction de… Michael Schumacher, lequel raccrocherait donc définitivement le casque. Pour l’heure, le conditionnel reste de mise mais cette histoire risque de déstabiliser une structure qui a besoin de toutes ses plumes pour voler. D’autre part, on peut s’interroger sur les compétences réelles de  » Schumi  » dans la gestion d’une écurie de Formule 1. Il demeure évidemment un ambassadeur hors-pair mais de là à diriger plusieurs centaines d’hommes au caractère souvent bien trempé, il y a une grosse marge. Force est d’admettre que peu d’anciens pilotes de haut niveau ont réussi une reconversion dans ce sens, Alain Prost ne dira pas le contraire.

Alors, stop ou encore ? La réponse viendra plus tard. En attendant, qu’on aime le champion allemand – nettement le plus âgé du peloton avec ses 43 balais – ou qu’on ne l’apprécie guère, il est difficile de ne pas admirer la hargne et la volonté dont il fait preuve alors que son come-back ne produit pas les résultats escomptés.

PAR ÉRIC FAURE – PHOTOs : IMAGEGLOBE

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