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Roland-Garros opère enfin sa mue sans gigantisme

Seize ans que l’on parle de l’extension de Roland-Garros! Après une longue attente et de nombreux obstacles écartés, le stade opère enfin sa mue avec le pari osé de rester attractif tout en demeurant le plus petit des tournois du Grand Chelem.

Le chantier ne sera terminé qu’en 2021 mais les spectateurs peuvent déjà voir les contours de son nouveau visage. « Il était temps qu’ils donnent un coup de frais. Cela commençait à devenir un peu vétuste », estime Jordan Sacksick, 24 ans, un passionné de tennis croisé lundi lors des qualifications, qui juge le site « plus aéré ».

Le manque d’espace est depuis longtemps le point noir de Roland-Garros et le « danger d’asphyxie » avait été pointé dès 2007 par Christian Bîmes, alors président de la Fédération française de tennis (FFT). C’est sous son impulsion, cinq ans plus tôt, qu’un premier projet, abandonné, avait été initié en lien avec la candidature parisienne pour l’organisation des JO-2012.

Seize ans et deux présidents plus tard, l’agrandissement est en ordre de marche avec d’un côté, le réaménagement du secteur du « Fonds des princes » et de l’autre, l’annexion d’une partie des Serres d’Auteuil. A l’ouest donc, du nouveau avec le court N.18 – renommé à terme N.14 – équipé de 2.200 places et construit à l’emplacement d’un ancien gymnase de la ville de Paris.

Près du court central Philippe-Chatrier (15.000 pl.), deux autres terrains, le N.7 (1.500 places) et le N.9 (550 pl.) jouxtent le nouveau bâtiment de l’organisation, ses façades gris platine, ses jardins suspendus et son « Village », espace dédié au business.

A l’est, dans le secteur des Serres, deux bâtiments en meulière, édifiés à la fin du 19e siècle, ont été récupérés et rénovés. C’est dans l’un d’eux, l’Orangerie, que se tiendra le tirage au sort jeudi soir.

Non loin, le chantier du court semi-enterré Simonne-Mathieu (5.000 pl.), du nom d’une ancienne championne, résistante durant la Seconde Guerre mondiale, touche presque à sa fin et sera opérationnel en 2019.

« C’est l’un des symboles du nouveau Roland-Garros. Il va permettre au tournoi de respirer et d’y faire rentrer la nature et le jardin », affirme Gilles Jourdan, responsable des travaux.

– Un toit sur le « Central » en 2020 –

Ce court avait cristallisé l’hostilité des défenseurs du patrimoine qui ont ferraillé pendant six ans avec la FFT pour faire annuler le projet d’utilisation des serres.

L’an passé, le dernier recours a été écarté. Les travaux, d’un montant estimé à 358 millions d’euros, ont pu se poursuivre. Ils ne s’achèveront pas avant 2021, un an après la pose du fameux toit rétractable sur le « Central », autre symbole de la modernisation.

C’est grâce à lui que les organisateurs pourront instaurer des sessions de soirée (« night session »). Celles-ci devraient permettre de générer de 100.000 à 150.000 billets supplémentaires.

En passant d’une superficie de 8,5 à 12,5 hectares, le site de Roland-Garros, qui fête ses 90 ans, restera néanmoins derrière ses rivaux de Wimbledon (17,7 hectares), de l’US Open (18,8 ha) et de l’Open d’Australie (20 ha), qui auront tous bientôt au moins deux courts équipés d’un toit (déjà trois à Melbourne).

« On ne cherche pas à se bagarrer pour être le plus grand ou à faire dans la quantité mais plutôt dans la qualité », souligne Christophe Fagniez, directeur général délégué à la FFT, qui veut miser sur la « French touch ».

– Le refus d’une délocalisation –

Une délocalisation en banlieue aurait cependant permis à Roland-Garros de devenir un géant et comptait quelques partisans, notamment l’ancienne N.1 mondiale Amélie Mauresmo.

Mais cette solution, envisagée un temps, avait été abandonnée en 2011. Et ce, alors que le rapport Douillet soulignait en 2010 le « risque d’être insuffisamment ambitieux pour assurer le développement à long terme du tournoi », en restant à Paris.

Le sociologue Bertrand Pulman, auteur d’un ouvrage sur Roland-Garros, « Rouge est la terre » (Calmann-Lévy, 2013), fait part de son scepticisme. « Je comprends leur choix. Roland-Garros, c’est une espèce de cathédrale ultime de la terre battue. Ils n’ont pas eu envie de se déplacer. Mais j’ai peur qu’à terme, ils butent de nouveau sur des problèmes de surface. »

Selon lui, la question pourrait se reposer dans « dix ou quinze ans ».

Le feuilleton de l’extension de Roland-Garros

Espérée dès 2002, l’extension de Roland-Garros ne sera terminée qu’en 2021 après, notamment, la pose d’un toit sur le court central Philippe-Chatrier. Projets tombés à l’eau, tentation d’une délocalisation, intense bataille juridique… Rappel des épisodes d’un véritable feuilleton.

Roland-Garros opère enfin sa mue sans gigantisme
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– 2002-2005: un premier projet abandonné –

Christian Bîmes, alors président de la Fédération française de tennis (FFT), envisage en 2002 d’étendre le site dans une parcelle du bois de Boulogne adjacente, située de l’autre côté de la bretelle de l’autoroute de Normandie et de construire un dôme à toit rétractable d’environ 15.000 places. Le coût total de l’opération, censée voir le jour à horizon 2006-2008, est alors évalué à environ 76 millions d’euros. Après l’échec de la candidature de Paris pour accueillir les jeux Olympiques 2012, la FFT renonce au projet. « Je crois qu’il faut être clair, nous nous remettons au travail dans les prochaines semaines », déclare alors Bîmes, reconnaissant que l’échec du dossier parisien conduisait à « l’abandon du projet sous sa forme actuelle ».

– 2006-2009: l’alternative compliquée du stade Georges-Hébert –

Une alternative est suggérée, celle d’étendre Roland-Garros à environ 500 m à l’est sur le site du stade Georges-Hébert (XVIe), où seraient aménagés le nouveau stade à toit rétractable – qui pourrait à terme accueillir aussi le tournoi de Bercy – et deux autres courts de 1.500 et 1.000 places. Pour Bîmes, l’agrandissement est indispensable afin que Roland-Garros garde son statut de tournoi du Grand Chelem. « Le tournoi est en danger d’asphyxie », estime-t-il, soulignant que les autres épreuves du Grand Chelem disposaient de surfaces au moins deux fois supérieures. Mais le projet, soumis à l’approbation du conseil de Paris rencontre l’hostilité, notamment, des élus Verts et UMP, ainsi que des riverains qui déplorent la perte d’un équipement sportif pour plusieurs milliers d’écoliers. La FFT obtiendra bien la démolition du stade Hébert mais pour y aménager à la place son nouveau Centre national d’entraînement (CNE), ouvert depuis octobre 2015.

– 2009-2011: la piste de la délocalisation –

Face aux difficultés, Jean Gachassin, le nouveau président de la FFT, évoque la piste d’une délocalisation en banlieue, qui lui ferait toutefois « mal au coeur ». Trois villes présenteront un dossier jusqu’au bout: Gonesse (Val-d’Oise), Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) et Versailles (Yvelines), qui semble la mieux placée. Mais Paris veut à tout prix garder le tournoi et propose de passer le site de 8,5 jusqu’à 13,5 hectares en utilisant une partie des serres d’Auteuil. Le 13 février 2011, la FFT vote pour le maintien du tournoi à Paris. « Il y a quinze jours j’ai été attiré par Versailles, je me disais qu’on allait y faire quelque chose de merveilleux. Mais Paris, avec ses dernières propositions, est devenu un excellent dossier », reconnaît alors Gachassin, « refroidi » par le « risque juridique » présenté par le projet versaillais. La Fédération ne sera donc toujours pas propriétaire du site mais profitera d’un bail étendu à 99 ans, pour une redevance relativement modeste, chiffrée à terme entre 5 et 7 millions d’euros par an.

– 2011-2017: une bataille juridique –

La FFT mettra six ans pour franchir les différentes étapes (modification du plan local d’urbanisme, obtention du permis de construire…) et écarter tous les recours des associations du patrimoine opposées à l’annexion du jardin des serres d’Auteuil, où doit se construire le nouveau court Simonne-Mathieu (5.000 places), opérationnel en 2019. Ces dernières présenteront un contre-projet, en insistant sur la couverture de l’autoroute A13, jugée inadéquate et trop coûteuse par la FFT. Le long feuilleton juridique touche à sa fin en février 2017 lorsque le tribunal administratif reconnaît la légalité des permis de construire, donnant son feu vert pour les travaux – entre-temps entamés, suspendus puis repris – et une livraison des nouvelles installations échelonnée entre 2018 et 2021. Coût de l’opération: 358 millions d’euros.

Les étapes du chantier

Les différentes étapes du chantier de Roland-Garros et ses principales installations nouvelles:

La construction du futur court des Serres
La construction du futur court des Serres © ISOPIX

2018: trois nouveaux courts opérationnels, avec côté est le N.18 (2.200 places) – qui deviendra N.14 – dans le secteur du Fonds des princes, les N.7 (1.500 pl.) et N.9 (550 pl.) situés non loin du court central, à côté du nouveau bâtiment de l’organisation et du « Village », espace dédié à la clientèle d’affaires. A l’ouest, dans le secteur des Serres d’Auteuil, fin de la rénovation de deux bâtiments en meulière, « l’Orangerie » et le « Fleuriste », qui serviront pour des opérations d’hospitalité.

2019: le court Simonne-Mathieu (5.000 places), situé dans le jardin des Serres d’Auteuil sera opérationnel. S’y ajoutera l’agrandissement du court central (8 m de chaque côté) et l’aménagement de ses nouvelles tribunes. Le « Fonds des princes » comptera quatre nouveaux courts et deux courts d’entraînement.

2020: le toit rétractable sur le Central sera mis en service, démolition du court N.1 pour permettre à terme le nouvel aménagement de la place des Mousquetaires.

2021: fin de l’aménagement de la place des Mousquetaires, le réaménagement des courts N.2 et N.3 sera terminé. Mise en place des « night sessions ».

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