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Pourquoi les joueuses de tennis se blessent-elles tant ?

La saison de tennis n’a recommencé que depuis six semaines, mais de nombreuses joueuses du top sont déjà blessées, sont en difficulté ou ne jouent pas. À quoi est-ce dû ? C’est la question que se sont posé des journalistes du Guardian.

Alors que la saison 2016 de tennis a recommencé en début d’année, Serena Williams a dû quitter le tournoi d’exhibition australien, le « Hopman Cup », avec une blessure au genou. Simona Halep est touchée à la cheville. Garbiñe Muguruza est victime d’une fasciite plantaire (rupture d’une membrane fibreuse qui va de l’os du talon à la base des orteils) au pied gauche. Maria Sharapova est, quant à elle, soumise à des problèmes à son avant-bras gauche, et Petra Kvitova, atteinte d’un virus à l’estomac, a été forcée de renoncer aux deux derniers tournois.

Agnieszka Radwanska est la joueuse en forme du moment après avoir gagné les Masters du tennis féminin à la fin de la saison 2015. Néanmoins, elle vient de se blesser à la jambe, suite à une victoire dans un petit tournoi. Lucie Safarova, la finaliste de Roland Garros 2015, se remet encore d’une infection bactérienne qui l’a frappé en automne.

En conséquence, c’est quasiment tout le gratin du tennis féminin planétaire qui semble être blessé, en difficulté ou qui ne joue pas.

Et pourtant, à l’Open d’Australie fin janvier, Serena Williams semblait être en forme, même si une crise de nerfs et une adversaire indomptable, en la personne d’Angélique Kerber, lui ont coûté le sacre. Mais depuis… elle n’a plus joué. D’autres ont fléchi plus tôt : Halep (n°2 mondiale) au premier tour, Kvitova au deuxième et Muguruza au troisième. Les blessures qui touchent aujourd’hui les joueuses semblent être bien plus nombreuses que d’accoutumée. Celles-ci, qui les éloignent des terrains, sont souvent les mêmes qui leur posaient déjà problème fin 2015.

« Je ne suis pas prête à concourir « , a lancé Muguruza à des journalistes à Dubaï, jeudi soir, après une douloureuse défaite 7-6, 6-3 face à Elina Svitolina. « Je dois tout recommencer de zéro » avait-elle ajouté. La Vénézuélienne essayant, tant bien que mal, de retenir ses larmes durant les changements d’extrémités. Elle a effectué 40 fautes directes dans le premier set. La joueuse de 22 ans en a certainement assez de jouer avec la pression de devoir répondre aux attentes de tous à la voir gagner chaque match. Peut-être doit-elle se reposer, faire le pas sur quelques tournois et reprendre une fois à 100% ? Avec Dubaï, Muguruza a joué exactement deux tournois (pour un total de quatre matchs) et un week-end de Fed Cup en 2016.

Kvitova, elle, a remporté 6-0 le premier set face à l’Américaine Madison Brengle avant de succomber mercredi soir.

La précédente tenante du titre, Halep, a logiquement décidé de faire l’impasse sur le tournoi. Celle-ci a prévu un arrêt de deux mois pour se faire opérer d’une déviation du septum.

Les raisons sont diverses

Il existe autant de raisons d’arrêt qu’il existe de joueuses au sommet du tennis féminin. La pression du classement WTA, de l’obtention de prix et de l’argent, est considérable. Les projecteurs sont véritablement fixés sur des joueuses comme Halep ou Muguruza, qui sont passées de l’ombre à la lumière en un clin d’oeil. Kvitova, 26 ans, semble assez « âgée » que pour avoir dépassé ces différents problèmes. Néanmoins, elle a subi des problèmes de santé majeurs et un changement de coaching.

Mais qu’en est-il des joueuses qui s’absentent un petit moment pour revenir dans le circuit plus tard, fatiguées, voire carbonisées ?

« Nous ne voulons pas rater trop de matchs. Nous ne voulons pas perdre de place au classement WTA. Nous voulons participer aux tournois que nous préférons. Nous voulons juste revenir le plus vite possible, et parfois, c’est vraiment trop tôt », a déclaré Jankovic pour The Guardian, elle qui avait été blessée l’année passée.

Parfois, c’est le « hors saison » qui est le coupable, selon différents entraîneurs : « Même lorsque l’on fait une pause, des blessures peuvent arriver. Le corps passe dans une période de repos et dès que l’on reprend la compétition, l’intensité peut provoquer des blessures. C’est pour cela que beaucoup se blessent au cours de la présaison ou juste après », a déclaré Yves Boulais, entraîneur de l’Américaine Alison Riske.

« C’est dû à la surcharge. En décembre, les joueuses n’ont pas encore récupéré de l’année écoulée qu’elles doivent déjà se donner plus qu’à la normale », a expliqué l’entraîneur de fitness, Allistair McCaw, avant d’ajouter : « Le hors saison est le seul moment où le coach peut se permettre de demander plus d’intensité à l’entraînement à sa joueuse. En saison, cela n’est pas possible. Mais cela peut provoquer des ruptures du tissu musculaire car le corps n’a pas encore récupéré qu’il est déjà soumis à de gros efforts ».

« Les hommes sont plus conscients de leurs limites, et quand ils les atteignent, ils le font savoir. Chez les femmes, le processus mental est plus complexe car elles essaient de gagner tous les points et si elles n’y arrivent pas, alors tout le monde se pose des questions », informe Yves Boulais. « C’est plus difficile de jouer sous la pression. On craque très vite. Une grande partie des entraînements est consacrée à observer les limites des joueuses, mais il est très facile de blesser des joueurs. Or, la concurrence est énorme et donc chacun donne le maximum » a-t-il ajouté.

McCaw approuve : « Physiquement, les femmes sont moins résistantes que les hommes. C’est normal. Mais elles font probablement plus. Chez les hommes, c’est une heure rythmée alors que chez les femmes, c’est non-stop. (…) Elles sont dures avec elles-mêmes. » « Parfois, les joueurs misent tout leur budget sur un bon entraîneur mais n’investissent pas sur un coach de fitness. Or on n’a rien sans rien. Cela fait partie du problème. Parfois, lorsque je vois des entraînements, je me demande ce qu’ils font et pourquoi. »

Jankovic a été victime d’un entourage peu compétent et s’est blessée à de nombreuses reprises. « Parfois, une blessure peut être due à un mauvais entraînement, parfois à une surcharge de travail ou de compétitions, sans savoir quand s’arrêter. La chose la plus importante que j’ai apprise, c’est qu’il faut apprendre à connaître son corps », explique-t-elle.

C’est plus facile à dire qu’à faire. Il y a tant de tentations (gagner plus d’argent, obtenir de meilleurs résultats, gagner plus de titres, monter au classement WTA) que le problème n’est certainement pas prêt d’être réglé.

Quentin Droussin

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