© AFP

« J’ai persévéré. C’est l’histoire de ma carrière »

L’Ecossais Andy Murray est sans doute l’une des personnes les plus suivies du Royaume-Uni durant Wimbledon, mais il s’accomode plutôt bien de l’énorme pression qui repose sur ses épaules.

Le tapis vert a été déroulé, les fraises ont été cueillies et les tenues blanches repassées… Wimbledon, la plus prestigieuse des quatre levées du Grand Chelem, commence ce lundi à Londres. Andy Murray (ATP 1), le tenant du titre, qui souffre depuis plusieurs jours d’une gêne à la hanche, y sera une nouvelle fois le centre de toutes les attentions. Il est amusant de constater que c’est dans les coups de raquette d’un Ecossais que les Anglais ont dû reporter leurs espoirs d’avoir un jour à Wimbledon un successeur au légendaire Fred Perry, vainqueur pour la dernière fois en… 1936. Mais l’enfant rebelle de Dunblane, 30 ans, s’est plutôt bien accomodé de l’énorme pression des attentes qui repose sur ses épaules. Entretien.

Andy Murray, pouvez-vous expliquer ce que remporter Wimbledon représente pour un tennisman britannique ?

« Gagner Wimbledon, c’est le pinnacle de notre sport. C’est un tournoi qui me tient particulièrement à coeur. Pour les Britanniques, c’est le plus grand tournoi de tennis au monde ! Pouvoir disputer devant son public une finale de Grand Chelem est un événement très rare. Je suis ravi d’y être parvenu. »

Vous souvenez-vous de votre premier triomphe, en 2013 ?

« Oui. Cela avait été un énorme soulagement. C’était un match terriblement exigeant contre Novak (NdlR : Djokovic). Et le dernier jeu avait été interminable. Je crois que ce sont les points les plus durs que j’ai joués de toute ma vie ! Je n’avais d’ailleurs pas vraiment savouré, car j’avais été emporté dans un tourbillon. Il y avait eu une telle pression. Tout le monde voulait voir un Britannique gagner Wimbledon. L’ambiance était incroyable. J’étais dans le brouillard. J’avais même oublié d’embrasser ma mère lorsque j’étais monté dans les tribunes, mais elle a hurlé mon nom. (sourire) »

Vous avez réussi à remporter Wimbledon une deuxième fois, l’an dernier. Le sentiment fut-il différent ?

« Oui. J’étais plus heureux. J’avais le sentiment de l’avoir fait en quelque sorte pour moi et pour mon équipe. Nous avions travaillé très dur pour m’amener dans cette position. J’étais très fier d’être parvenu à gagner une deuxième fois après avoir connu plusieurs défaites dans les derniers stades des tournois du Grand Chelem les années qui ont précédé. En outre, j’étais devenu père de famille (NdlR : une petite fille, Sophia). Cela m’a donné une perspective différente. »

Vous êtes l’une des personnes les plus suivies du Royaume-Uni pendant Wimbledon. Pouvez-vous nous parler de la pression qui repose sur vos épaules ?

« Vous voulez un chiffre pour mesurer la pression que je ressens? Je dirais huit. Vous n’imaginez pas combien c’est pesant. Les deux, trois jours qui précèdent le tournoi sont très difficiles à gérer, car partout où vous allez, vous y êtes confronté. L’événement est d’une telle magnitude qu’il est quasiment impossible d’en faire abstraction. En outre, je suis toujours ou presque le dernier Britannique en lice. Mais j’ai l’habitude. (sourire) Et Wimbledon est le tournoi où j’ai été le plus régulier. De toute façon, je n’abandonnerais que si je ne pouvais plus tenir ma raquette. »

Vous avez pourtant confié, un jour, que vous pourriez ne jamais triompher ici…

« C’est vrai. J’ai songé au fait d’achever ma carrière sans gagner Wimbledon et je me sentais parfaitement à l’aise avec cette situation. La génération actuelle est tellement forte qu’il est extrêmement difficile de remporter un tournoi de ce genre. Le grand public ne le réalise pas toujours. Cela demande tellement de travail, de force mentale. »

Votre nom a souvent été associé à celui de Fred Perry, le dernier vainqueur de Wimbledon avant vous, en 1936. Que lui diriez-vous s’il était encore en vie aujourd’hui ?

« C’est quelqu’un que je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer, mais qui, pour une raison ou l’autre, a été étroitement lié à ma carrière. J’ai beaucoup entendu parler de lui et j’ai également parlé de lui à beaucoup de gens. J’ai même rencontré plusieurs membres de sa famille et j’ai aussi porté ses vêtements. Cela aurait été cool de porter ses vêtements le jour où j’ai gagné Wimbledon. Je regrette vraiment de ne pas avoir pu le côtoyer. »

Vous êtes aujourd’hui n°1 mondial. Quelle est la clé de votre succès?

« Je crois que j’ai persévéré. C’est l’histoire de ma carrière. J’ai subi de cuisantes défaites, mais je me suis amélioré un peu chaque année. Ce ne furent pas des améliorations majeures, des changements importants, mais chaque année, mon classement progressait et j’allais un peu plus loin dans les tournois du Grand Chelem. J’ai continué à apprendre et à travailler aussi dur que je pouvais. »

Quel rôle a joué Ivan Lendl, votre coach ? Il était de vos deux victoires à Wimbledon.

« Il a cru en moi quand beaucoup d’autres n’y croyaient plus. Il a été très patient. Je sais combien il aurait aimé gagner Wimbledon. Quand j’y suis parvenu, il m’a dit qu’il était fier de moi, ce qui, venant de lui, m’a beaucoup touché. Ivan ne sourit pas souvent en public, mais en privé, il est très différent. Il m’a appris à rebondir après toutes mes défaites et il a toujours été très honnête avec moi. Et il a réussi à changer mon état d’esprit lors des grands matches. »

Vous avez eu beaucoup de difficultés à gagner le coeur des Britanniques, et surtout des Anglais, mais vous êtes aujourd’hui devenu l’une des personnalités les plus appréciées…

« Il m’est arrivé de faire des déclarations malheureuses (NdlR : lors de la Coupe du Monde de football 2006, il avait confié sur le ton de la boutade à Tim Henman « Je soutiens quiconque joue contre l’Angleterre ») et je l’ai payé assez cher. Mais tout ce que l’on dit à mon sujet comme quoi je n’aimerais pas l’Angleterre est absurde. Je travaille avec des Anglais, je suis marié à une Anglaise (NdlR : Kim Sears), je vis à Londres. Je suis fier d’être écossais et fier d’être britannique. J’adore représenter mon pays, la Grande-Bretagne. Mes résultats depuis plus de dix ans le prouvent. J’ai peut-être disputé le meilleur tournoi de ma carrière lorsque j’ai représenté la Grande-Bretagne aux Jeux Olympiques en 2012. Je sais que parfois je ne suis pas la personne la plus facile à soutenir, mais je fais de mon mieux… »

Vous avez même été anobli par la reine Elizabeth II le 1er janvier 2017. Faut-il vous appeler Sir désormais ?

« Je suis plus que satisfait que l’on continue à m’appeler Andy. Cela me va bien très bien et me suffit largement. »

Vous traversez une passe plus difficile depuis le début de l’année. Vous avez même perdu, tout récemment, au premier tour du tournoi du Queen’s. Qu’est-ce que cela dit pour Wimbledon ?

« C’est un coup dur, assurément. Ce tournoi a toujours constitué la préparation idéale pour Wimbledon. Maintenant, des joueurs ont également brillé à Wimbledon sans avoir remporté beaucoup de matches sur gazon avant. Novak (NdlR : Djokovic) l’a démontré à plusieurs reprises. Il est clair que si je joue comme ça, je ne gagnerai pas Wimbledon, mais je sais que je suis capable de faire nettement mieux. (NdlR : il s’est exprimé avant sa gêne à la hanche, qui l’a empêché de s’entraîner convenablement cette semaine). Je n’ai pas bien servi ces derniers mois et mon jeu de jambes pourrait être meilleur. Je compte y remédier. »

Une dernière question, Andy. Vous aimez les fraises ?

« Oui. Et je les mange avec les doigts… (sourire) »

Serge Fayat

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire