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Les « Reichsbürger »: néonazis, complotistes, ésotériques et dangereux

Le Vif

Les « Reichsbürger », foule hétérogène mêlant néonazis, nostalgiques du Kaiser, complotistes et personnes aux croyances ésotériques, inquiètent les autorités allemandes en raison de l’audience croissante et de la prédisposition à la violence de cette mouvance rejetant la démocratie et la République.

La police allemande a démantelé mercredi un groupuscule d’extrême droite proche de ces Reichsbürger –les citoyens de l’Empire en allemand– soupçonné de projeter des attaques antisémites ou contre des réfugiés ou policiers. Le parquet doit décider jeudi du placement en détention provisoire ou non d’une partie des suspects pour avoir formé « une organisation terroriste ».

Qui sont-ils?

Les « Reichsbürger » sont une nébuleuse d’individus et d’associations aux noms fleuris comme « le gouvernement en exil de l’Empire allemand », le « Royaume d’Allemagne » ou la « République libre d’Allemagne ».

Ils « croient que la République fédérale d’Allemagne n’existe pas, refusent de payer leurs impôts et veulent restaurer une Allemagne qui inclut des pans entiers de l’actuelle Pologne », explique Jan Rathje, un expert de l’extrême-droite au sein de la Fondation Amadeu-Antonio dans une brochure sur cette mouvance.

Pendant longtemps, on a minimisé leur potentiel de nuisance, les considérant comme des « cinglés et des râleurs », selon lui.

Les Reichsbürger consacrent une part non négligeable de leur temps à inonder les administrations allemandes de courriers dans lesquels sur des pages entières ils exposent leur idéologie et leur refus par exemple d’être soumis à l’imposition. Ils ne payent pas non plus leurs amendes et leurs cotisations sociales.

Ils se fabriquent aussi leurs propres papiers d’identité, leurs permis de conduire et réinventent les plaques d’immatriculation de leurs véhicules.

Certains ne se revendiquent pas forcément leur appartenance au Reich de l’Empereur ou celui d’Adolf Hitler mais veulent fonder leur propre Etat ou leur propre communauté souveraine. En 2009, la « Principauté Germania », installée dans un ancien manoir de la campagne d’ex-RDA, rencontra un large écho médiatique malgré une existence de courte durée (trois mois).

Parmi les « Reichsbürger » figurent des complotistes, mais aussi des négationnistes, notamment l’ancien avocat Horst Mahler, co-fondateur de l’organisation d’extrême gauche Fraction armée rouge dans les années 70 et passé depuis à une idéologie néonazie.

Combien sont-ils?

Selon le patron du Renseignement intérieur, Hans-Georg Maassen, les Reichsbürger sont au nombre de 10.000 environ, parmi lesquelles 500 à 600 sont des extrémistes de droite. Mais pour certains experts, il est difficile d’évaluer leur nombre exact notamment parce que pendant longtemps ils n’ont pas été dans le collimateur des autorités.

« Le mouvement des ‘Reichsbürger’ a un grand potentiel d’attraction et continue de gagner de nouveaux sympathisants », selon le président de l’Office de Protection de la Constitution.

Comme ils ne disposent pas d’une structure commune, ils n’ont pas vraiment de figure dirigeante. A la tête du « Royaume d’Allemagne », l’ancien cuisinier Peter Fitzek avait tenté une entrée en politique en se présentant en 2008 à la mairie de Wittenberg, la ville de Martin Luther. Il est jugé aujourd’hui pour abus de confiance aggravée.

Quel danger?

Les autorités allemandes s’inquiètent « du potentiel de violence considérable et de l’agressivité croissante » des « Reichsbürger ». Elles s’intéressent plus particulièrement à la mouvance en raison de plusieurs incidents armés récents.

Lors d’un coup de filet en octobre, un policier avait été tué et trois autres blessés par un de ces activistes armé jusqu’aux dents à son domicile. En août, un ancien vainqueur du concours de beauté « Monsieur Allemagne », se disant « Reichsbürger », avait ouvert le feu sur les policiers venus l’expulser de sa maison. Il avait été grièvement blessé et arrêté.

Certains responsables politiques réclament dès lors un tour de vis.

« Nous devons examiner si –et si oui dans quelle ampleur– la mouvance des ‘Reichsbürger’ doit être surveillée par les services du Renseignement intérieur », a souligné à l’automne un responsable du groupe parlementaire conservateur bavarois, Stephan Mayer.

Selon Heiko Homburg, un responsable des services de renseignement du Brandebourg, cité dans Bild: Le cas de « quelques-uns des Reichsbürger relève de la psychiatrie ». « Si en plus ils ont accès aux armes, cela est extrêmement dangereux ».

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