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Faut-il intervenir en Syrie?

Le Vif

Imaginez que votre pays est plongé dans la guerre civile. Vous détestez le dictateur qui dirige votre pays, mais l’alternative que l’on vous propose est une autre dictature : religieuse cette fois. Vous avez le choix entre la peste et le choléra. Voilà le terrible dilemme des Syriens qui aspirent à une vraie démocratie.

Vers qui se tourner ? La Russie, la Chine et l’Iran soutiennent le dictateur. Les pétromonarchies financent seulement les rebelles islamistes les plus radicaux.

Si vous étiez un de ces Syriens démocrate, vous supplieriez l’Occident de vous aider. Et qu’entendriez-vous en réponse ? Un magnifique exemple de ce que je nomme « la pensée correcte » : « Un mandat (du Conseil de sécurité), c’est une condition absolue pour intervenir (en Syrie). » (1) Ce qui revient à dire : « Nous ne bougerons pas sans que tout le monde soit d’accord. »

Voilà la meilleure façon d’être certain de ne rien faire. Le même courage exemplaire avait animé les dirigeants de notre pays (et de l’Europe) durant les guerres de l’ex-Yougoslavie. Les massacres avaient perduré des années jusqu’au moment où l’Oncle Sam était intervenu et avait mis un terme radical aux tueries. Le discours tenu à l’époque était exactement le même que celui d’aujourd’hui : « Intervenir militairement c’est trop compliqué, trop dangereux, il y a trop d’implications religieuses et ethniques, etc. » L’Europe et la Belgique avaient laissé les viols de masse et les massacres de civils se perpétrer sans bouger le petit doigt.

Dans la Syrie d’aujourd’hui, c’est aussi extrêmement complexe. On ne peut que constater que le régime de Bachar el Assad est une dictature impitoyable. Déjà sous le règne de son père, le régime syrien avait instauré une méthode de terreur particulièrement horrible : la torture et le viol des enfants sous les yeux de leurs parents. Cela n’empêchait pas notre gouvernement à l’époque d’entretenir de bons rapports diplomatiques avec ce régime.

Probablement qu’alors nous n’avions pas de « preuves irréfutables » comme le disent encore aujourd’hui certains de nos vaillants politiciens. Par ailleurs, il semble évident (même si on n’a pas de « preuves irréfutables » !) que les rebelles islamistes instaureront un régime aussi atroce que celui qu’ils combattent aujourd’hui. Ce sera au tour des femmes, des chrétiens et des autres minorités à subir les horreurs de la répression.

En intervenant militairement pour mettre un terme à la guerre civile et/ou en aidant massivement les Syriens pro-occidentaux nous prenons des risques. Cependant, je crois que nous courrons encore un plus grand risque à ne rien faire. Le risque que les démocrates arabes du monde entier se détournent définitivement de la démocratie occidentale pour céder aux sirènes de l’islamisme radical.

D’ailleurs, on me dira que lorsque les Arabes se libèrent de leurs dictateurs, ils votent majoritairement pour des partis islamistes. Pour le comprendre, imaginez un instant que nous vivions des décennies sous la coupe de dictateurs corrompus soutenus pas l’étranger. Et que les seules personnes nous aidant dans notre misère soient le curé du village et les membres d’associations caritatives catholiques. Est-ce que nous ne voterions pas nous aussi pour des partis religieux dès que l’occasion se présenterait ? Avons-nous oublié qu’au début du siècle précédent les partis religieux dominaient presque toute l’Europe ? Il nous a fallu plusieurs siècles pour passer de l’inquisition à la laïcité politique. Donnons un peu de temps aux démocrates arabes laïques pour convaincre leur peuple. Donnons-leur une chance. Tendons-leur la main. Ne les laissons pas mourir les bras croisés.

Je préfère une tentative d’action imparfaite à la parfaite inaction. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi…

(1) Déclaration officielle du gouvernement belge.

par Pascal de Sutter

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