Thierry Fiorilli

C’est le temps du calcul, pas du projet

Thierry Fiorilli Journaliste

Oui, il va encore être question ici des élections de ce printemps. Et, non, ne fuyez pas : parce que ce qui sortira des urnes, le 25 mai prochain, influencera très fortement notre avenir immédiat, et au-delà.

Si une crise n’abat pas au moins l’un des six gouvernements (1 fédéral + 5 régionaux) qui seront formés après le vote, il n’y aura plus d’élections en Belgique avant quatre ans, avec les législatives, les régionales, les communales et les provinciales de 2018. Donc, celles et ceux qui, dans moins de quatre mois, seront élus dans les différents parlements – belges et européen – et celles et ceux qui composeront les différents exécutifs devraient rester en place suffisamment longtemps pour essayer de réformer, créer ou conserver ce qui constitue notre quotidien.

Dans le désordre : le statut de chacun dans la famille, l’indexation des salaires, le marché de l’emploi, la mobilité, l’accès aux soins, la fiscalité, la sécurité, l’âge et le montant de la pension, les allocations familiales, les allocations de chômage, le financement de l’enseignement, l’efficacité de la justice, le respect de la vie privée, le vivre ensemble…

C’est donc tout notre modèle de société, tout notre cadre de vie, jusque dans les recoins les plus intimes de notre existence, qui sera influencé, ou non, à la marge ou fondamentalement, d’un coup ou progressivement, en fonction des résultats de ces élections. On imagine bien que chaque parti politique a pris la mesure des enjeux, depuis un moment. Et, du coup, se prépare au scrutin comme on s’entraîne avant de monter au front. Ou de disputer le match de sa vie.

Ça signifie que l’atmosphère, partout en interne, sera de plus en plus fébrile, au fur et à mesure que l’échéance se rapprochera. Ça signifie aussi que la stratégie, la tactique, joue un rôle primordial. Et donc, aujourd’hui, qu’il est moins question, dans la tête des patrons des partis, de valeurs politiques, de convictions idéologiques, de projets institutionnels, sociaux, économiques ou environnementaux que d’arithmétique et de calculs d’incidences. Qui mettre sur quelle liste, à quelle place, pour remporter ou préserver tant de sièges dans telle assemblée ?

En sport, on a beau soigner l’élégance du geste, l’esprit d’équipe ou le fair-play, si c’est pour descendre de division chaque saison ou ne jamais accéder aux phases finales, on ne fait pas de vieux os. Pareil ailleurs : si les films ne sont pas vus, les journaux pas lus, les chansons pas entendues, les produits pas vendus, qu’importent leurs qualités, leurs fabricants mettent la clé sous le paillasson.

Voilà pourquoi, comme l’illustre notre dossier Comment les partis jouent avec vos voix pour gagner, les états-majors composent leurs listes électorales en fonction de ce qu’il y a à gagner, à coup presque sûr. Comme des sélectionneurs de foot font leur équipe : en fonction de l’adversaire, du terrain, du classement. Quitte à miser ici sur le match nul, à perdre là pour éviter de rencontrer le favori du tournoi avant la finale, à remplacer un attaquant par un défenseur pour préserver le score… On envoie donc des ténors là où un siège est plus probablement décrochable, on sacrifie un arrondissement parce qu’il y est impossible d’inverser la tendance défavorable…

Pas de quoi en être déçu, ni dégoûté. Il y a un temps pour tenter de conquérir ou conserver le pouvoir, puis un temps pour l’exercer ou le subir. Nous sommes dans le premier. Celui des calculs. Et des pronostics. Ceux que nous avançons en exclusivité ne concernent que la partie francophone du pays. Ils donnent le MR vainqueur à Bruxelles et le PS premier en Wallonie et à la Chambre. A l’électeur de décider du rôle qu’il veut tenir : spectateur ou acteur. Mais qu’il n’oublie pas : ce sera pour quatre ans minimum.

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