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Bart De Wever risque d’être le prochain caillou dans la chaussure de son parti

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

A la tête d’une commune flamande sur deux, le parti nationaliste multiplie les dérapages. Il ne met pas en place le changement annoncé, mais stigmatise les plus faibles. Voici les raisons pour lesquelles les nationalistes pourraient perdre les élections fédérales de 2014.

14 octobre 2012. Grand vainqueur du scrutin communal anversois, Bart De Wever, président de la N-VA, marche sur l’hôtel de ville et clame, non sans arrogance : « Anvers est à tout le monde, mais ce soir surtout à nous. » 1er janvier 2013. Le parti nationaliste accède au pouvoir dans la moitié des communes flamandes et décroche plus de 50 postes de bourgmestre. Une certitude, alors : c’est la rampe de lancement idéale pour un nouveau triomphe lors de la « mère de toutes les élections » du 25 mai 2014.

Près d’un an plus tard, à l’heure décisive de l’adoption des plans budgétaires pluriannuels qui dictera la marche à suivre pour toute la législature, le constat est tout autre : la gestion des communes est devenue un piège pour la formation nationaliste, désireuse d’imposer une marche accélérée vers le confédéralisme au lendemain des élections fédérales. Un piège d’autant plus dangereux que Bart De Wever, après avoir promis de rester toute la législature à la tête d’Anvers, devrait bientôt annoncer qu’il tirera la liste de son parti pour la Chambre. Candidat Premier ministre, il délaisserait alors la métropole, cédant sa direction à son bras droit Liesbeth Homans, présidente du CPAS.

« La N-VA a gagné les élections communales sur des thèmes nationaux, en se drapant sous la bannière flamande, mais elle pourrait perdre les élections fédérales en raison de son manque de résultats au niveau local, analyse Johan Ackaert, politologue à l’université d’Hasselt. Sur un an, les résultats des sondages réalisés par un même institut indiquent déjà un léger recul du parti. La N-VA se situe autour des 30 %, soit environ le score obtenu aux provinciales de 2012, qui sera le point de référence en 2014. On est très loin de l’objectif des 40 % fixé en mars dernier par le ministre Geert Bourgeois, afin que le parti soit incontournable. »
Depuis la mise en place des collèges communaux, il n’est pratiquement pas un mois sans que l’une ou l’autre majorité ne vacille sous l’effet de dérapages d’un mandataire N-VA, quand elle ne chute pas en raison de dissensions internes. Sans oublier les multiples manifestations symboliques d’un nationalisme conservateur opposé à toute forme d’expression étrangère.
« Le désavantage de la progression fulgurante de la N-VA, c’est qu’elle doit composer avec un personnel politique souvent inexpérimenté, souligne Herwig Reynaert, politologue à l’université de Gand, spécialiste des pouvoirs locaux. Ces incidents ont pris une proportion d’autant plus importante que l’attention des médias est focalisée sur la manière dont les nationalistes se comportent au pouvoir. Tous les partis commettent des gaffes, mais celles de la N-VA pèsent davantage. » « Ces incidents à répétition ont fortement terni l’image jusque-là immaculée du parti de Bart De Wever, enchaîne Johan Ackaert. Ces nouveaux mandataires ne savent pas comment régler les situations délicates et ne s’attendaient pas à ce que la gestion soit si lourde. Cela risque de coûter cher à la N-VA. »

« Oui, il y a eu des incidents, reconnaît Joachim Pohlmann, porte-parole de la N-VA. Mais cela reste limité quand on sait que nous sommes passés de 350 à 2 550 mandataires locaux en une élection. Nous les avons formés autant que possible et quand il y avait des problèmes, nous les avons mis devant leurs responsabilités, comme à Turnhout. Mais des tensions, il y en a ailleurs, sans que les médias n’en parlent. A Zaventem, par exemple, la commune est restée dix mois sans gouvernance en raison de disputes entre Open VLD, CD&V et SP.A-Groen. »

Pas le changement, mais la paralysie

Un an après avoir conquis les coeurs en Flandre, la révolution annoncée n’a pas eu lieu. « D’autant qu’il n’y a pas de marges budgétaires disponibles, dit Johan Ackaert. Les communes flamandes plient sous le poids de la charge des pensions. Leurs mandataires doivent accepter des compromis, ce qui ne fait pas partie du vocabulaire de la N-VA. En outre, il est très difficile aujourd’hui de faire la différence au niveau communal. On parle toujours d’autonomie locale, mais c’est une notion du siècle passé. Aujourd’hui, une commune dépend beaucoup de l’Europe, du fédéral et du régional. Le collège des bourgmestre et échevins n’est plus le cockpit décisionnel d’antan. »

Joachim Pohlmann estime que la ligne de la N-VA est claire : « Nous sommes très attentifs à l’assainissement des finances publiques, surtout à la charge des pensions. Quand des réinvestissements sont possibles, nous les concentrons sur l’économie locale. Et nous veillons à ce que la protection sociale bénéficie à ceux qui en ont vraiment besoin, en mettant l’accent sur la responsabilisation de ceux qui peuvent retrouver du travail. »
« La politique de la N-VA polarise beaucoup plus les positions que celle des majorités précédentes, constate Johan Ackaert. Je doute de la pertinence de cette stratégie car pour mener à bien cette bonne gestion dont la N-VA se veut partisane, il faut un éventail politique beaucoup plus large. N’oublions qu’elle a attiré beaucoup d’électeurs du Vlaams Belang. Si elle veut les garder, elle doit leur envoyer des signaux. Cela explique les sorties provocatrices de Liesbeth Homans, même si elle sait sans doute très bien qu’elles sont contraires à des législations fédérales ou européennes. La N-VA, comme le Vlaams Belang, doit son succès aux électeurs méfiants, qui se détournent de la politique et préfèrent soutenir une formation d’opposition plutôt qu’un parti au pouvoir. Cela la renforce dans la tentation de tenir un discours radical. »

Le dilemme de Bart De Wever

Toujours président de la N-VA, Bart De Wever risque d’être le prochain caillou dans la chaussure de son parti. Le leader nationaliste a fortement critiqué le plan de relance adopté par l’équipe Di Rupo, estimant que lors de la prochaine législature, il faudrait un « gouvernement faiseur de miracles » pour permettre à la Belgique de revenir à l’équilibre budgétaire. De Wever sauveur de la nation, quitte à délaisser Anvers malgré sa promesse de rester bourgmestre six ans durant ? Un quotidien flamand annonçait récemment qu’il pourrait se déclarer ce 8 décembre tête de liste à la Chambre pour 2014. « Ce n’est pas à l’ordre du jour grince le porte-parole de la N-VA. Jusqu’à nouvel ordre, Bart De Wever reste bourgmestre d’Anvers et seulement bourgmestre d’Anvers. »

Le dossier dans le Vif/L’Express de cette semaine

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