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Michael Schumacher, le grand mystère

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

On n’entend plus parler de Michael Schumacher depuis quatre ans. Suite à son tragique accident de ski, nul ne sait comment va le septuple champion du monde de F1. Sa famille préserve le secret.

Dimanche dernier, le circuit de Hockenheim a accueilli le GP d’Allemagne. Michael Schumacher en a-t-il eu conscience ? Sait-il que son compatriote Sebastien Vettel, celui-là même qui le prenait pour modèle, se bat pour le titre mondial contre Lewis Hamilton ? Ou ne comprend-il toujours pas ce qui se passe autour de lui ?

Le 29 décembre 2013, Schumacher a été victime d’un accident de ski dans les Alpes françaises. Il est tombé dans le coma. Depuis, c’est le silence. Schumacher est-il capable de marcher ou pas ? A-t-il retrouvé l’usage de la parole ? Conserve-t-il des chances de guérison ?

Hormis sa famille, nul ne le sait. Depuis l’accident, la presse a parlé avec respect et discrétion de l’état de santé du pilote mythique, malgré la curiosité qu’il suscite. Même la presse à sensation s’est contenue. C’est étonnant, même si, au début, ça n’a pas été le cas.

Luca di Montezemolo a été le premier à briser le silence en janvier 2016. Le patron de Ferrari a déclaré avoir eu de mauvaises nouvelles du septuple champion du monde.  » Il ne va pas bien.  » Sans plus de détails. On ne l’a guère questionné.

Peu avant, l’hebdomadaire Bunte Illustrierte avait titré, euphorique, que Schumacher remarchait, d’après le témoignage anonyme d’une source proche de l’ancien pilote. L’information, qui n’était pourtant pas issue d’un magazine à sensation, a immédiatement été démentie sans qu’il y ait d’explication quant à l’état réel du champion.

Un peu plus tard, un autre magazine a écrit que Schumacher ne se rétablirait jamais complètement mais nul ne sait dans quel état il est réellement. On le résume en un mot : dramatique.

Un vrai siège

Il en a toujours été ainsi depuis ce jour fatal de décembre 2013. Schumacher s’est gravement blessé à la tête en chutant à Méribel. Il a subi plusieurs opérations et a été maintenu en coma artificiel. A l’époque, la presse internationale s’était précipitée à l’hôpital de Grenoble. 150 journalistes ont assailli l’établissement hospitalier. Les médecins ont donné des conférences de presse mais sont restés vagues et n’ont pas émis le moindre pronostic de guérison.

Il n’en a pas été autrement six mois plus tard, quand Schumacher est sorti du coma. En juin 2014, il a été transféré dans un centre de revalidation de Lausanne. Là aussi, on s’est abstenu de tout commentaire. Comme en septembre 2014, quand Michael Schumacher a réintégré son domicile à Gland, en Suisse.

On ne pouvait qu’espérer qu’il guérisse, en sachant que le chemin serait long et pénible. Mais, comme le rappelait notamment son manager, Sabine Kehm, Michael Schumacher est un battant, un survivant.

Le silence qu’observe depuis deux ans Sabine Kehm, qui a travaillé deux ans comme journaliste pour les quotidiens de qualité Die Welt et Süddeutsche Zeitung, est contraire à son tempérament : c’est grâce à elle que Michael Schumacher est devenu plus accessible à la presse.

Mais après l’accident, elle a respecté le voeu de la famille. Mick, le fils de Schumi, qui roule en Formule 3 et qui est représenté par Kehm, est également protégé de la presse. Il se contente de révéler le talent hérité de son père. Reste à voir si son nom de famille ne sera pas trop lourd à porter.

Beaucoup de mystères

Naturellement, les journalistes ont toujours souhaité connaître le bulletin de santé de Michael Schumacher, surtout initialement. Ils sont donc partis en chasse. Il ne s’est pas passé de semaine sans compte rendu sur la santé de Schumacher. Tous se contredisaient fréquemment, même entre journaux du même groupe.

Un journaliste s’est déguisé un jour en prêtre pour pénétrer dans l’hôpital, des photographes ont fait le guet autour de la villa du champion, certains se sont même dissimulés dans les bois ou ont loué un hélicoptère mais personne n’est parvenu à prendre la moindre photo.

Le quotidien Bild a fait preuve d’une retenue inhabituelle, respectant les souhaits de la famille. L’état de Michael Schumacher est donc un mystère. En vendant pour 34 millions d’euros le jet privé du pilote, sa femme Corinna a alimenté la rumeur selon laquelle son mari ne se rétablirait jamais mais l’incertitude est restée.

Jamais on n’est parvenu à percer le mystère entourant le pilote. Dans quelle mesure Schumacher est-il réellement sorti du coma ? Parle-t-il ? Reconnaît-il sa famille ? Sait-il ce qui lui est arrivé ? Toutes ces questions demeurent sans réponse. Et ça ne changera sans doute pas.

Michael Schumacher chérissait sa vie privée. Elle était sacro-sainte. C’est notamment pour cela qu’on obtient aussi peu d’informations, même si ses supporters ont demandé qu’on publie un bilan de santé et que son ancien manager Willi Weber a estimé que plus d’ouverture aiderait ceux qui ont travaillé avec lui pendant des années à surmonter cette tragédie. En vain.

Silence radio

Entre-temps, nul n’a vu Michael Schumacher depuis quatre ans et demi. Le mystère entourant son état de santé ne fait qu’alimenter les rumeurs. Un neurologue allemand a raconté que même après toutes ces années, Schumacher pouvait guérir complètement et qu’il était important que ses proches continuent à communiquer avec lui.

Selon lui, les patients sont plus réceptifs qu’on ne le croyait jadis. En revanche, le professeur américain Gary Hartstein, qui a passé plus de vingt ans dans le milieu automobile, estime les chances de rétablissement de Schumi quasiment nulles. Selon lui, s’il n’y a pas de progrès après un an, il est rare que le patient retrouve sa pleine conscience.

Le souvenir de Michael Schumacher est toujours bien vivant sur les circuits.
Le souvenir de Michael Schumacher est toujours bien vivant sur les circuits.© belgaimage

La famille ne réagit pas à ce genre de déclarations. Ce n’est pas une bonne nouvelle. Beaucoup de gens se disent que si Schumacher était en état de se montrer en public, il le ferait. Histoire de mettre fin aux spéculations.

En plus, il serait fier d’assister aux courses de son fils Mick. Son ancien coéquipier Rubens Barrichello a émis le voeu de lui rendre visite. Sans suite. On a dit au Brésilien que ce ne serait bon ni pour Schumacher ni pour lui-même.

Par contre, l’ancien pilote d’essais de Ferrari, Luca Badoer, visite régulièrement Schumacher. Ils sont très liés. Mais Badoer ne pipe mot de l’état de son ami. A la demande expresse de la famille, souligne-t-il systématiquement.

Sabine Kehm a dévoilé depuis longtemps les motifs de ce silence radio. D’après elle, c’est la seule possibilité car tout ce qu’on pourrait révéler ne ferait que multiplier les questions et éveiller le besoin d’informations supplémentaires.

Un pilote qui personnifiait la F1

L’état de Michael Schumacher préoccupe toute l’Allemagne. C’est surprenant dans la mesure où Schumacher ne s’est pas toujours distingué par ses qualités humaines, alors qu’il exigeait toujours le respect des autres. Il jugeait cet aspect encore plus important que n’importe quelle victoire. Mais ce n’est pas l’air qu’il donnait.

Sa froide arrogance, sa distance et son style de conduite agressif n’étaient pas appréciés en Allemagne. Nul ne croyait qu’il était en fait timide, comme l’affirmaient souvent ses amis. Sa bonne humeur ne le rendait pas sympathique. Un étrange dualisme. Quelque chose en lui déplaisait aux gens. Il avait trop d’assurance et le montrait. Surtout dès que Ferrari l’a engagé, avec moult égards et qu’il est devenu le maître du circuit.

En fait, Michel Schumacher n’a éveillé le respect et la sympathie qu’après son accident de ski. C’est à ce moment qu’on a pris la mesure de son impact sur le sport automobile. Il a notamment été à la base du développement de la Mercedes avec laquelle Lewis Hamilton et Nico Rosberg ont dominé le circuit.

Schumacher personnifiait la Formule 1. Pas seulement par ses performances. Ce n’est pas un hasard si on vient d’inaugurer un musée Schumi à Cologne. On peut notamment y admirer seize bolides de F1 et toutes sortes de souvenirs de la carrière de Michael Schumacher.

Quelque quinze médecins et infirmiers s’occuperaient de Michael Schumacher au quotidien, pour un montant de 130.000 euros par semaine. Jusqu’à présent, ses soins ont déjà coûté 30 millions d’euros. On estime à 700 millions la fortune qu’il a amassée pendant sa carrière. Le 3 janvier, Michael Schumacher aura 50 ans. On ne sait pas s’il en aura conscience.

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