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Voir Naples et puis jouir

La Juve a placé un fameux sprint final pour prendre option sur son septième titre d’affilée, le quatrième sous la direction de Massimiliano Allegri. Ce soir, elle peut y ajouter une quatrième coupe en autant d’années. Jusqu’où ira-t-elle ?

La Juventus ne manque pas d’expérience. Elle est de loin la plus vieille équipe de Serie A, avec une moyenne d’âge de 30 ans et 274 jours et cinq à six titulaires de plus de trente ans. Jusqu’il y a peu, on la disait trop âgée, à commencer par Gigi Buffon et sa défense.

C’est précisément l’expérience, jointe à sa rage de vaincre, qui a permis à la Vieille Dame de plier la lutte pour le titre à son avantage. L’ancien Turinois Gianluca Vialli vient de le rappeler :  » L’expérience est déterminante car elle permet de contrôler ses émotions, de perdre moins d’énergie et de savoir quels moments exploiter durant un match. L’entraîneur a un rôle considérable : une pression mal gérée diminue le rendement d’un quart tandis qu’une pression saine l’augmente dans la même proportion. L’entraîneur est le leader mental d’une équipe.  »

Habituée à la pression, la Juve a fait preuve de résistance. Elle a fait front quand les observateurs l’avaient classée. Le but de la victoire inscrit il y a deux semaines par Gonzalo Higuain dans la dernière minute de jeu contre l’Inter a fait basculer la lutte pour le titre. Il personnifie la mentalité de la Juve. Higuain n’avait plus marqué depuis 716 minutes et les journalistes avaient prédit qu’il serait le flop du match à cinq minutes du terme, alors qu’il n’en avait pas encore touché une.

Mais la Juventus se réveille dans les moments décisifs. Higuain est donc devenu le top et a fait mal au moral de son rival pour le titre. Les Napolitains savent qu’ils doivent tous disputer un match parfait pour gagner alors que Massimiliano Allegri, quand ça ne va pas, procède à un changement qui renverse le cours du match. Comme quand il a posté Juan Cuadrado à l’arrière droit contre l’Inter.

Allegri vs Sarri

Allegri maîtrise toutes les qualités requises pour être un grand entraîneur : il conçoit un système qui convient parfaitement à ses joueurs, il tient son vestiaire et il est capable de renverser un match d’une seule intervention.

Allegri est l’opposé de Maurizio Sarri. L’entraîneur de Naples a disputé le championnat avec une seule tactique, le 4-3-3, en employant de préférence les 14 mêmes joueurs, qui connaissaient tous leur mission exacte. La Juventus n’a pas de système fixe ni d’équipe-type. L’avant argentin Paolo Dybala, une fois de plus décisif samedi, a débuté le match contre l’Inter sur le banc et ce n’était pas la première fois cette saison. Sarri ne peut pas se permettre de laisser un de ses meilleurs avants sur le banc mais Allegri a ce luxe.  » Dybala peut devenir un tout grand attaquant mais il doit apprendre à se remettre en question et à se sacrifier pour l’équipe « , a-t-il relevé la semaine dernière.

Allegri est comme le chef d’orchestre d’un groupe de jazz. Ses joueurs balancent entre mélodie fixe et improvisation.  » Gianluca Vialli

Allegri a l’embarras du choix. Son noyau est étoffé et équilibré. Il dispose d’au moins deux possibilités pour chaque poste. Ainsi, l’entraîneur de la Juventus a laissé le transfert le plus cher de l’été, Douglas Costa, moisir sur le banc pendant des semaines, durant la préparation et en début de championnat, parce qu’il n’avait pas encore trouvé ses marques. Samedi, contre le modeste Bologne, Douglas Costa n’était que joker mais avec quel brio : ses deux superbes assists ont ouvert la voie du titre à la Juve. Il constitue une certitude sur laquelle s’appuyer. Allegri sait que les grands joueurs émergent aux grands rendez-vous, au bon moment.

La Juventus est sur la voie d’un septième titre consécutif grâce à quatre atouts : d’abord la force mentale d’une série de personnalités chevronnées. À côté de ça, Allegri a fait les bons choix, depuis quatre ans, chaque fois que le bateau menaçait de prendre eau. Allegri lit le match, comme il le faisait déjà quand il excellait comme médian central parmi l’élite. Ensuite, il sait que les meilleurs footballeurs, style Buffon, Higuain ou Dybala, répondent toujours présents dans les grands moments et enfin, il dispose d’un noyau étoffé et talentueux.

Six systèmes

Vialli décrit Sarri comme un chef d’orchestre qui surveille ses musiciens et leur fait jouer une symphonie.  » Alors qu’Allegri dirige un groupe de jazz. Il donne le ton mais les musiciens savent qu’il peuvent à tout moment décider de suivre la partition ou d’improviser. Allegri n’appréhende jamais de match à partir d’un schéma. Il attend de voir l’évolution de la rencontre avant d’intervenir. Alors que Sarri ne jure que par une tactique, le 4-3-3, dans le camp adverse, l’entraîneur de la Juventus joue à la carte. Il a déjà eu recours à six systèmes différents et il en change avec beaucoup de facilité pendant le match.  »

Ce titre est finalement la victoire du football typiquement italien, basé sur une approche pragmatique, sur le beau jeu dominant de Naples alors que beaucoup d’observateurs espéraient que les Napolitains changent la tendance générale du football dans la Botte. Arrigo Sacchi est de ceux qui estiment que, compte tenu de ses qualités, la Juventus devrait être plus audacieuse et ne pas se contenter de retirer un rendement maximal avec un minimum d’efforts.

Allegri juge ces discussions excessives et ne cesse de le marteler.  » On parle trop tactique et schémas. Vous pensez que les schémas sont plus importants que les duels, les moments de génie et la lutte. Si c’est le cas, Messi, Ronaldo et Higuain ne valent rien. Car ce qu’ils réalisent ne s’intègre pas dans un schéma soigneusement pensé. On tient trop peu compte du talent individuel et trop des modèles théoriques. Il faut s’appuyer sur une bonne organisation mais les champions et les artistes méritent plus de considération parce qu’ils font souvent la différence.  »

La Vieille Dame a un atout extra-sportif. Elle a des années-lumière d’avance sur les autres formations transalpines en matière de gestion. Elle a bouclé son budget 2016-2017 avec un bénéfice – 42 millions – pour la troisième année de suite. Seul Naples a fait encore mieux avec un bonus de 66 millions.

Le stade ultra-moderne de la Juventus a généré 63 millions la saison passée, deux fois plus que l’AS Rome, l’Inter et l’AC Milan, trois fois plus que Naples. La Ligue des Champions lui a permis d’encaisser 232 millions en droits TV contre 145 pour Naples.

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