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Un roi de Thaïlande à l’OHL

Énorme star dans son pays, le gardien Kawin Thamsatchanan débarque à OHL avec ses sauts de chat, son bac en management et un flirt avec Manchester United.

À Bangkok, Kawin Thamsatchanan est aussi populaire que Thibaut Courtois. Voire plus. Le 2 février dernier, il y avait pratiquement autant de supporters scotchés à leur ordinateur pour suivre son premier match avec OHL que dans l’ensemble des stades de Belgique.

 » Parce que c’est plus facile de regarder sur Internet « , répond-il humblement. À 28 ans, le gardien vient d’effectuer son premier saut vers l’Europe pour justifier tout le bien que ses compatriotes pensent de lui, mais aussi son salaire, le plus élevé de l’équipe.

Généralement, les gardiens citent les esthètes Gigi Buffon et Iker Casillas parmi leurs idoles. Vous, c’est Oliver Kahn. Pourquoi ?

KAWIN THAMSATCHANAN : J’ai toujours apprécié son caractère. Sur le terrain, il était brave dans toutes les situations et donnait cette impression de tout contrôler. Je me souviens d’un match de Bundesliga où il envoie un ballon sur la latte et commence à hurler, avant même de voir que le ballon est sorti. J’essaie de m’en inspirer parce que quel que soit l’attaquant qui se présentait devant lui, il en avait peur. Je voudrais produire le même effet.

Qu’est-ce qui vous a amené entre les perches ?

THAMSATCHANAN : Comme tous les enfants, j’ai commencé par courir partout sur le terrain. Un jour, vers sept ans, un ami a consacré une après-midi à faire passer le ballon entre mes jambes. Je devais me retourner au plus vite pour sauter sur le cuir. J’ai dû être bon parce que mon ami m’a dit :  » Tu peux être gardien !  » De retour à la maison, j’ai recherché tout ce dont un gardien a besoin : un T-shirt à longues manches, un short, des chaussettes, des chaussures… mais je n’avais pas de gants. Je suis donc allé au supermarché en face de chez moi pour acheter des gants de moto ( sourire). Je n’y connaissais rien en gants de foot, il me fallait juste quelque chose sur les mains.

Au supermarché

Où vous était-il loisible de jouer ?

THAMSATCHANAN : Avant d’intégrer un club, je jouais dans la rue avec des amis. Quand le supermarché voisin fermait, on pouvait aller à l’intérieur pour faire nos matches. On ne risquait pas de casser quoi que ce soit parce qu’il y avait un grand espace libre rien que pour nous.

Quelle jeunesse avez-vous eue à Bangkok ?

THAMSATCHANAN : Une belle jeunesse. J’ai toujours vécu dans la capitale avec mon grand frère et mes parents. Mon père était manager d’un restaurant. Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de lui donner un coup de main parce que j’étais fort occupé par l’école et le foot. J’ai eu la chance de ne jamais rien devoir payer : ma scolarisation était amortie par ma présence dans les équipes de foot du collège.

Le football a connu un pic de popularité en Thaïlande ces quinze dernières années. L’avez-vous senti à travers votre formation ?

THAMSATCHANAN : Quand j’étais enfant, on ne parlait pratiquement pas de footballeurs professionnels : les joueurs de D1 allaient travailler avant et après l’entraînement. Au moment où j’ai choisi de me focaliser sur le foot, les choses avaient changé. Il y avait plus de moyens, de structures et d’organisation. J’ai donc été accompagné pour apprendre les ficelles du métier, les choses à faire et à éviter…

En bateau

Vous vous souvenez du jour où vous avez signé votre contrat avec l’ambitieux club du SCG Muangthong United, un an seulement après vos débuts pros ?

THAMSATCHANAN : J’ai d’abord dû regarder où se situait Pak Kret, la ville de Muangthong United. Ce n’était qu’à vingt kilomètres de Bangkok mais j’avais tellement peur d’être bloqué dans les embouteillages qu’avec ma mère, on a pris le bus pour quitter le centre, le bateau pour remonter le fleuve Chao Phraya et le taxi pour rallier le club. Il nous a fallu deux heures ( sourire).

Créé en 1989, Muangthong United a rapidement enchaîné les succès. Vous même avez remporté quatre championnats. Qu’est-ce qui explique cette réussite immédiate ?

THAMSATCHANAN : Le président est un vrai mordu de football. Son objectif est de professionnaliser au maximum le foot thaïlandais. En propulsant le SCG au devant de la scène, il a voulu créer une émulsion dans tout le pays. J’ai vu beaucoup de choses changer. À mon arrivée, le stade n’avait qu’une petite tribune et accueillait maximum 5.000 personnes. Maintenant, ils sont plus de 20.000.

Et sont parfois vus comme les premiers ultras de Thaïlande…

THAMSATCHANAN : D’autres clubs de Bangkok avaient des ultras avant mais c’est vrai que ceux de Muangthong United sont particulièrement bruyants. Les vrais derbies se jouent contre Chonburi, Buriram United et Thai Port. C’est super chaud ! Il y a toujours des affrontements entre les supporters dans et à l’extérieur du stade. ( Le 20 février 2010, certains fans de Thai Port ont attaqué les supporters et joueurs de Muangthong United en pleine rencontre, brûlant le drapeau du club de Thamsatchanan et faisant dix blessés. Toujours fortement affecté, Kawin a préféré ne pas évoquer le sujet, ndlr).

Manchester United

Vous avez eu un coéquipier spécial en la personne de Robbie Fowler…

THAMSATCHANAN : Son arrivée a permis à notre club d’être connu dans tout le pays. C’était excitant de jouer avec lui, après l’avoir tant regardé à la télévision. Techniquement, il était encore au top mais physiquement, ce n’était pas bon. Normal, à son âge. Pourtant, il a vraiment aidé l’équipe, je ne pense pas qu’il était là en vacances. J’espère, en tout cas… ( rires)

En équipe nationale, vous avez eu l’occasion de travailler avec Bryan Robson (ex-Manchester United). A-t-il contribué à professionnaliser le foot thaï ?

THAMSATCHANAN : Sous ses airs de gentil coach, il a réussi à transformer l’équipe au niveau psychologique. Avant chaque match, il nous rendait agressifs dans le sens positif. Et puis, il m’a marqué dès mon premier match. C’était face à l’Iran, la plus grande nation du continent. J’avais 19 ans et je pense avoir été plutôt bon. Mon entraîneur spécifique est alors venu m’annoncer que Robson voulait m’envoyer en test à Manchester United. Mon Dieu ! Malheureusement, quelques jours plus tard, je me blessais à la main : trois mois d’indisponibilité. Dans la foulée, Robson quitte l’équipe nationale et le rêve disparaît.

Japon, Corée du Sud, Iran… La Thaïlande pourra-t-elle un jour rivaliser avec ces pays au niveau football ?

THAMSATCHANAN : C’est très difficile de les concurrencer maintenant. Ils ont une structure professionnelle depuis plusieurs dizaines d’années et suivent l’évolution de leurs jeunes avec beaucoup d’attention. En Thaïlande, les choses changent mais c’est encore trop tôt pour pouvoir revendiquer quelque chose. Maintenant, on est dans une bonne phase : on a atteint le troisième tour de qualification pour le Mondial 2018 pour la première fois depuis dix ans et on est qualifiés pour la Coupe d’Asie 2019. On ambitionne honnêtement les demi-finales du tournoi.

Flying Kawin

Il y a quelques mois, vous avez modifié votre nom…

THAMSATCHANAN : Non, j’ai juste ajouté quelques lettres. C’était une époque où j’enchaînais les blessures. J’ai rencontré un moine bouddhiste qui m’a conseillé de le faire. C’est un acte de croyance et de respect pour ce religieux. À côté de ça, j’ai beaucoup de surnoms. Tong signifie  » feuille qui tombe d’un arbre  » et Flying Kawin a été trouvé par les fans thaïlandais ( et est notamment lié à une vidéo populaire sur Internet où Thamsatchanan enchaîne les sauts de chat, ndlr). Je m’entraîne toujours à fond… et comme je le veux. C’est peut-être ce qui explique le côté sensationnel de la vidéo.

À quel moment êtes-vous devenu la star du foot thaïlandais ?

THAMSATCHANAN : Quand je suis devenu titulaire en équipe nationale. Mais il a fallu que je me batte pendant des années, que je travaille et lutte contre les blessures pour y arriver. J’ai mesuré ma popularité un jour où je me promenais dans un centre commercial. Quelqu’un est venu me demander un autographe. Puis un autre a voulu une photo, et ça s’est enchaîné comme ça. J’aime bien ce statut, ça me permet de créer beaucoup de relations avec les fans.

Vous avez un rôle à jouer pour le pays ?

THAMSATCHANAN : J’espère être un modèle de travail pour les enfants, une inspiration qui les amène à devenir footballeur professionnel. Il y a quelques années, j’aurais pu recevoir la médaille de l’Ordre le plus admirable du Direkgunabhorn ( qui récompense ceux qui ont rendu service à la Nation, ndlr) mais je n’étais pas en Thaïlande à ce moment-là, donc ça n’est pas arrivé. Ce n’est pas pour autant que je tiens à être le Didier Drogba thaïlandais en prenant position sur la situation politique de mon pays ( la Thaïlande est contrôlée par la junte militaire depuis son coup d’État en 2014, ndlr).

Risky business

Votre situation en Thaïlande était confortable : star sous contrat dans le meilleur club et titulaire en équipe nationale… N’est-ce pas risqué de rejoindre la D1B belge ?

THAMSATCHANAN : Si, c’est risqué. En Thaïlande, je pouvais faire tout ce que je voulais. Je dois dire que j’étais confus quand j’ai reçu l’offre d’OHL, la première venue d’Europe. Mais comme mon ambition a toujours été d’y évoluer, je n’ai pas voulu laisser passer ma chance. Découvrir un nouveau pays, une nouvelle culture, des fans, etc. Tout m’intéressait, mais il va falloir m’adapter parce que c’est vraiment différent, du langage à la météo, en passant par les terrains.

Vous n’avez pas tardé à faire connaissance avec le pays, en visitant Louvain et le Lion de Waterloo…

THAMSATCHANAN : Je suis déjà allé prendre mes repères dans Louvain avec les quelques joueurs thaïlandais qui évoluent chez les jeunes à OHL. Waterloo, j’y suis passé en premier lieu pour visiter le temple bouddhiste. C’est après que j’ai gravi les marches de la Butte et que j’ai entendu parler de ce Français, Napoléon, et de sa défaite ici en Belgique.

Un roi de Thaïlande à l'OHL
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Diplômé en management

 » J’ai un bac en management et ça me plairait de gérer quelque chose après le foot mais je ne sais pas encore quoi. J’ai beaucoup aimé cette période à l’unif mais pour être honnête, je ne suis pas allé souvent au cours. Je m’arrangeais pour étudier un matin par semaine ( rires) et les professeurs se sont montrés compréhensifs puisque je jouais en même temps en D1. Je me souviens même que l’un ou l’autre m’aidait pendant les examens. « 

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