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Rêvons plus g(r)and

C’est presque devenu une tradition : chaque été, un élément majeur du onze carolo prend la route de Gand. Généralement, sans succès. Autopsie d’un saut souvent trop périlleux.

Une fois installé au volant, la route qui mène de Charleroi à Gand est loin d’arborer des allures de promenade. Des autoroutes en série, parsemées de leur lot d’embouteillages si l’heure du voyage est inappropriée, entre le ring de la capitale et les éternels bouchons de la E40. C’est comme si le réseau routier national avait voulu ébaucher une métaphore du parcours du combattant qui attend les Zèbres désireux de franchir un palier sous les lumières ultra-modernes de la Ghelamco Arena.

Depuis la reprise du club carolo par Fabien Debecq et Mehdi Bayat, ils sont six à avoir porté le maillot bleu des Buffalos après avoir brillé sous les rayures zébrées. Le taux de réussite, qui semble de plus en plus faible au fur et à mesure des transferts entre Charleroi et Gand, ne semble pas avoir gelé l’enthousiasme de Michel Louwagie qui, l’été dernier, après avoir sondé Charleroi sur une éventuelle arrivée de Chris Bédia pour pallier le départ annoncé de Kalifa Coulibaly, déposait encore deux millions et demi d’euros sur la table pour installer Damien Marcq au centre de l’échiquier gantois. Le tout sur les recommandations d’ Hein Vanhaezebrouck, qui insistait depuis de longs mois pour attirer le Français de l’autre côté de la frontière linguistique.

Ce que Vanhaezebrouck appréciait surtout chez le Zèbre, c’est l’écolage tactique et le goût de l’effort inculqués par Mazzù.

 » Le coach m’a dit que ça faisait trois ou quatre mercatos qu’il me voulait « , a souligné Marcq dans les colonnes de Sudpresse en début de saison. Six mois après ces déclarations, l’ancien homme de confiance de Felice Mazzù faisait pourtant ses valises, direction Zulte Waregem, après neuf petits bouts de matches, presque toujours décevants, disputés pour le compte des Buffalos. Une histoire qui rappelle celles de Dieumerci Ndongala ou de David Pollet, rapidement dégringolés dans la hiérarchie gantoise après une arrivée pourtant prometteuse.

LE POUMON GANTOIS

On finirait par croire que l’air de la Flandre orientale ne permet pas au Zèbre de respirer à sa guise. Certains n’ont d’ailleurs pas tardé à suffoquer, dès qu’ils ont connu les spécificités de la préparation physique à la sauce Vanhaezebrouck.  » S’habituer à la charge des entraînements de Gand, ce n’est pas évident « , explique Michel Louwagie, au moment de diagnostiquer l’acclimatation difficile de Didi Ndongala. L’ailier semblait ne pas en revenir quand il énumérait le programme, en plein mois de juillet, avec footing dans les bois le matin, entraînement dans la foulée, et match amical le soir, avant de reprendre avec les baskets aux pieds le lendemain matin. La surcharge a évidemment entraîné les blessures, et les apparitions du Belgo-Congolais à la Ghelamco Arena s’énumèrent rapidement. Six mois après son arrivée, Didi prenait déjà la route de Sclessin.

 » Mon premier choix, c’était Bruges « , rembobinait récemment le droitier dans nos colonnes.  » À Gand, je sentais moins le système, je me disais que c’était peut-être dangereux de signer là-bas.  » Une impression rapidement confirmée. Vanhaezebrouck avait insisté pour obtenir Ndongala grâce à ses qualités de dribbleur percutant qui manquaient à son noyau, mis en défaut quelques mois plus tôt par le pressing individuel et tout-terrain du Club de Michel Preud’homme. Il installe rapidement l’ancien Zèbre dans le couloir, un costume habituellement réservé à Thomas Foket.  » Le 3-5-2 ou le 3-4-3 pénalisaient un peu Didi « , se rappelle Danijel Milicevic.  » Il devait courir pendant nonante minutes sans s’arrêter, ou presque. Ce n’est pas vraiment son style de jeu à la base.  » Vanhaezebrouck pensait pouvoir jouer à la pâte à modeler avec sa nouvelle recrue, mais le corps de Ndongala en a décidé autrement.

Rêvons plus g(r)and

Pourtant, Hein s’est obstiné, insistant pour Marcq et Chris Bédia l’été dernier, malgré les échecs des passages de Ndongala et Jérémy Perbet (jamais incontournable malgré ses 16 buts) à la Ghelamco Arena. Certains lient directement cet amour de la matière première zébrée à l’identité de son agent, Mogi Bayat, et à la promiscuité entre celui-ci et le Sporting carolo. Mais ce que Vanhaezebrouck apprécie surtout chez le Zèbre, c’est l’écolage tactique et le goût de l’effort qui lui sont inculqués par des années passées sous la houlette de Felice Mazzù. En découvrant Milicevic, joueur au QI football plus élevé que la moyenne, lors de son arrivée à Gand, Hein avait eu la confirmation qu’il se passait quelque chose de différent sur les terrains d’entraînement des Carolos. En privé ou en public, le coach n’a jamais caché son admiration pour le travail de Mazzù.

LE COEUR CAROLO

L’alchimie carolo, pourtant, ne s’est jamais vraiment renouvelée en terres gantoises. Jérémy Perbet, exemple-type du passage difficile, pose le diagnostic.  » Il faut être costaud pour travailler avec Vanhaezebrouck « , affirme d’emblée le buteur français.  » Il n’est pas très proche des joueurs, ce n’est pas Felice Mazzù. Je n’ai jamais eu de bagarre avec lui. Simplement, il n’y avait pas de dialogue. Je n’étais pas spécialement visé, hein. C’était comme ça avec la grande majorité des joueurs.  »

 » À Charleroi, il y a quelque chose de spécial « , confirme Damien Marcq dans les pages de la DH.  » Une relation entre le coach et ses joueurs. C’est un petit cocon ou tout le monde se connaît.  » Kalifa Coulibaly pointe, quant à lui, un autre écueil :  » Le schéma était différent, les entraînements étaient très, très tactiques. Et puis, passer de la Wallonie à la Flandre, ce n’est pas une mince affaire.  »

Peu habitués à jongler avec les langues, à l’exception du Suisse Milicevic, réussite la plus notable sur la passerelle Charleroi-Gand, les nouveaux Buffalos ont été confrontés à une réalité nouvelle en débarquant dans la cité universitaire.  » Le flamand, c’est quelque chose que je n’avais pas pris en compte, mais c’était difficile au quotidien « , admet aujourd’hui David Pollet. Que ce soit pour trouver un emploi à sa femme ou pour aller au supermarché, la langue de Vondel est pourtant un obstacle important dans l’acclimatation de l’attaquant, rapidement dribblé dans la hiérarchie par le départ en boulet de canon de Laurent Depoitre, arrivé d’Ostende pour le concurrencer à la pointe du dispositif buffalo.

NOYAUX À RALLONGE

La concurrence est évidemment un paramètre incontournable au moment d’évoquer les différences entre le cocon carolo et la grosse machine gantoise.  » Par rapport à Charleroi, on se situe un niveau au-dessus « , confirme Damien Marcq, qui faisait partie des hommes incontournables de Felice Mazzù dans le Pays Noir.  » Là, mon statut me permettait parfois de lever un peu le pied en semaine.  »

Impossible à Gand où Vanhaezebrouck, qui avait été champion de Belgique avec un groupe extrêmement large, était devenu coutumier des noyaux à rallonge.  » Ils ont tellement de joueurs que je parviens parfois à en oublier certains « , avait un jour plaisanté Aleksandar Jankovic, encore coach de Malines. Hein s’accommodait de cette situation, et ne voulait surtout pas la modifier. Au coeur du mois de janvier 2017, alors que les pays du Golfe font les yeux doux à Perbet, le coach refuse de le laisser quitter Gand. Dans le même temps, Vanhaezebrouck s’étonne du départ de Ndongala pour Sclessin.  » Il ne s’attendait pas à ce que je parte « , explique Didi depuis ses nouvelles bases limbourgeoises.

Gand a toujours exacerbé la concurrence, sans trop regarder à la dépense que cela constitue à chaque nouvelle fenêtre de transferts. De quoi créer une situation délicate pour d’ex-Zèbres en apprentissage d’un nouveau style de jeu, résumée en une formule par Damien Marcq :  » Vu la concurrence et la largeur du noyau, une erreur se paie sans doute plus vite à Gand qu’à Charleroi.  »

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