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Premier obstacle franchi

Les trois premiers points sont dans la poche. Même si on pouvait s’attendre à ce que les Diables battent le Panama, débutant à ce niveau, Sotchi n’a pas été une promenade de santé.

Nous avons vu Thomas Meunier jeudi et vous avez lu son interview. L’Ardennais était détendu, il vantait la qualité de la préparation et le travail tactique des Diables Rouges, dont la forme n’a cessé de s’améliorer face à des adversaires également présents en Russie – le Portugal, l’Égypte et le Costa Rica -.

Il a parlé de la fraîcheur mentale à laquelle le sélectionneur avait été attentif et de la préparation tactique, claire. Dédoublements sur les flancs, beaucoup de mouvements et de profondeur, une circulation de balle rapide, une construction de l’arrière, les conseils prodigués par Thierry Henry.

Lundi soir, vers 18h45, heure de Sotchi, on aurait dit que tout était resté au Moscow Country Club. Il y avait un plan mais il ne fonctionnait pas. Les dix premières minutes ont été acceptables mais la faiblesse qu’allait afficher le Panama en seconde période était déjà palpable.

Ensuite, les Belges ont laissé la cadence baisser et les débutants se replier. Le trio défensif a pu tranquillement faire circuler le ballon mais dès qu’il fallait de la profondeur, la passe était risquée et le ballon souvent perdu. Il n’y a plus de secrets en football et les Panaméens avaient manifestement soigneusement étudié le jeu belge.

Les triangles sur les flancs -quand DriesMertens ou EdenHazard se déportaient, leurs partenaires Meunier ou YannickCarrasco devaient converger vers l’intérieur pour désarçonner leurs adversaires- ne fonctionnaient pas. Dans l’axe, KevinDe Bruyne devait prendre trop de risques dans son passing et ça n’a pas marché non plus.

Lukaku a marqué 21 buts durant les 19 matches qu’il a disputés sous les ordres de Martinez.

Devant, RomeluLukaku était quasi injoignable. Ses stats au repos : sept touches de balle. C’est trop peu pour un avant contre une formation comme le Panama, qu’il faut dominer. C’était bien vu d’ Hernan Gomez. Il a laissé la défense se passer le ballon – sans élément central qui s’infiltre car les Belges ne voulaient pas prendre de risque et DedryckBoyata n’est pas non plus VincentKompany, qui oserait, lui – mais il a opéré un pressing agressif sur une zone de trente mètres sur le reste.

Romelu Lukaku face à Fidel Escobar. Après une première mi-temps terne, Rom' a trouvé le chemin des filets à deux reprises devant le Panama.
Romelu Lukaku face à Fidel Escobar. Après une première mi-temps terne, Rom’ a trouvé le chemin des filets à deux reprises devant le Panama.© belgaimage

Pas de défense à cinq comme celle qui avait été sanctionnée en Suisse mais un 4-1-5 plat. Sept Belges contre dix Panaméens et pas d’espaces entre les lignes. C’est comme ça qu’on paralyse tout. L’Australie l’a fait avec la France, l’Iran avec le Maroc, l’Islande avec l’Argentine. Et donc le Panama avec les Belges.

Si le premier tour nous apprend quelque chose, c’est ceci : outre le corazon, le coeur, on en revient à des entraîneurs qui essaient avant tout de neutraliser leur adversaire pour partir en contre. Les Mexicains disposent des armes ad hoc, pas les Panaméens. Ils ont tous observé José Mourinho, le Portugal et le Real. Le temps est passé où on imitait PepGuardiola.

Mertens, l’ouvre-boîte

Martinez craignait de vivre une soirée frustrante, sur base des rapports de scouting. Le Panama est un invité inattendu. Normalement, les USA sont toujours présents. Les chiffres du Panama après dix matches de qualification ? Neuf buts pour, dix contre seulement (dont quatre dans un match, contre les USA). 0-0 contre le Mexique, 1-0 là-bas.

Depuis le match Allemagne-Mexique, nous savons ce que ça représente. En outre, l’orgueil a joué un grand rôle. Ces derniers jours, à Sotchi, nous avons pu sentir ce que cette qualification avait déclenché dans leur pays. Une immense fierté. Résultat : une migration massive et un match dans une température qui rappelait celle qui règne dans les Caraïbes. Délicieusement chaude et un peu humide. Environ 25 degrés au coup d’envoi, avec une petite brise maritime. Beaucoup d’enthousiasme dans les tribunes aussi, une fièvre qui s’est transmise aux joueurs.

 » You don’t play football on paper, you play on grass « , a twitté Fox Sports avant le match. Sur papier, le Panama n’avait pas l’ombre d’une chance. Pas plus que quand le rythme augmentait. On l’a vu avant le repos, on l’a encore vu en deuxième mi-temps, quand les Panaméens n’ont plus été en état de parcourir tout le terrain et ont dû commettre plus de fautes pour compenser leur manque de technique.

Quand ils ont dû laisser des brèches et qu’ils ont été sanctionnés. Mertens avait déjà marqué il y a quatre ans contre l’Algérie. Son action géniale a donné de l’oxygène aux Belges. Aux alentours de la 70′, Lukaku a plié le match en inscrivant deux buts en l’espace de quelques minutes.

L’un sur une passe géniale de De Bruyne (qui a ainsi donné du grain à moudre à ceux qui voudraient que Martinez le fasse jouer un cran plus haut), le second sur un ballon en profondeur d’Eden Hazard. Nous serions surpris que Martinez cède au sujet de De Bruyne lors du prochain match. Mais il le fera peut-être par la suite.

Il fallait attendre que ces quatre joueurs fassent la différence et ils l’ont faite. Comme, en défense, il fallait espérer que ThibautCourtois soit déterminant, grâce à sa classe. Il l’a fait. Conclusion : Belgique-Panama a abouti à ce qu’on pouvait prédire sur papier. Une première mi-temps pénible, la percée puis un peu d’espièglerie. Le football se joue sur gazon mais aussi sur papier.

Riche en enseignements

La Russie a inscrit cinq buts contre l’Arabie saoudite, la Belgique trois contre le Panama. Tous les autres matches de la première journée -le groupe H n’était pas encore entré en lice au bouclage de ce numéro- se sont achevés sur des nuls ou des victoires courtes. Jusqu’à présent, seuls deux matches ont été amusants : Portugal-Espagne et Allemagne-Mexique, des matches dans lesquels les deux équipes ont laissé jouer l’adversaire. Toutes les autres joutes ont été source de frustrations et de duels. D’ailleurs, les Belges ont pris trois cartes jaunes contre le Panama – De Bruyne, JanVertonghen et Meunier, ce qui tempère la joie.

Qu’avons-nous appris d’autre ? Courtois est bien. Il ne pourra pas tout intercepter mais il est affûté. A 1-0, il a évité l’égalisation quand Carrasco a laissé filer son concurrent direct, Michael Murillo. Le maintien pendant nonante minutes de la concentration défensive était considéré comme un point délicat et il l’a été. De l’autre côté, Meunier a moins souffert de ce problème.

Ce que nous avons encore appris ? MousaDembélé est un douzième homme sur lequel on peut compter. Martinez a toujours dit que la Belgique devait être capable de passer d’un système à l’autre en cours de match et une défense à quatre figure certainement dans son ordinateur. Les Diables Rouges y sont passés un rien avant l’entrée au jeu de Dembélé. Mais c’est à ce moment que Boyata a subi plus de pression.

Il a réussi une superbe saison au Celtic, sous les ordres de Brendan Rodgers, au sein d’un trio défensif. Il s’est mué en arrière central fiable, victime de moins de pertes de concentration qu’avant. Mais dans un système plus ouvert, il semble moins sûr.

Mais encore ? Que le playmaker De Bruyne doit encore progresser au sein de ce système, sur la plus haute scène. Ses passes étaient parfois trop risquées. Pendant la KDB Cup, interrogé sur ce que Kevin pouvait encore améliorer, Guardiola avait soulevé ce point.

Jeudi, Meunier ne tarissait pas d’éloges à propos de De Bruyne. Il avait dit que, naturellement, il choisissait le bon moment. Il possédait déjà ce don quand il jouait dans les équipes d’âges de Genk et Meunier dans celles du Standard. Selon Meunier, quand il y a trois options à quelques mètres de différence, Kevin choisira toujours la meilleure. La classe mondiale.

Big Rom

Transfermarkt, le site spécialisé, ne l’a pas placé pour rien dans son top cinq des joueurs possédant la plus grande valeur durant ce tournoi. Mais lundi, De Bruyne a commis beaucoup de fautes directes de passing. Par manque d’espaces, de mouvements devant lui, de profondeur. Faute de dédoublements, de triangles.

Un constat apaisant quand même : la récupération du deuxième ballon a fonctionné et, avec l’appui de son brillant assistant AxelWitsel, il a dominé l’entrejeu à la récupération. Mais une chose est d’ores et déjà certaine : De Bruyne, comme Carrasco, Meunier et Witsel, en principe l’entrejeu fixe, va vivre une Coupe du Monde très dure.

Que nous a appris l’attaque ? Que Mertens n’est pas encore en pleine forme, pas plus qu’Hazard. Il a eu du mal à passer son concurrent direct. Avant le repos à cause du physique de celui-ci, après à cause de sa propre fatigue. Il n’avait pas la même fraîcheur qu’à Bruxelles.

L’Angleterre était curieuse de connaître la first touch de Romelu Lukaku, à lire ce qui défilait sur Twitter. L’avant de Manchester United a vécu une première mi-temps pénible contre Roman Torres et FidelEscobar. Il s’est ensuite démarqué et il a pris un bon départ, avec deux buts.

C’était prévisible sur papier. Les séances de Lukaku, du moins les rares que nous pouvons voir, sont phénoménales : tous les tirs sont cadrés, sa finition atteint un pourcentage très élevé. Si, quelques heures après votre victoire contre Liverpool, vous vous installez, comme lui, dans votre fauteuil pour suivre Cercle-Beerschot afin de savoir qui va accéder à la 1A, c’est que vous prenez votre métier très au sérieux.

C’est aussi lui et pas le capitaine Hazard qui a encouragé une dernière fois ses coéquipiers dans le rondo, juste avant le coup d’envoi. En l’absence de Kompany, Lukaku est le leader naturel sur le terrain. Parfois même un peu l’entraîneur adjoint, a souri Meunier jeudi.

Au Brésil, il s’était mis lui-même sous pression, en France, il était terriblement frustré parce que le ballon n’arrivait pas toujours où il voulait, mais depuis que Martinez a repris l’équipe, le ballon vient de toutes parts. Les Diables Rouges ont pris 28 points sur trente en qualifications, avec un goal-average de 43-6. Big Rom a marqué onze de ces 43 buts. Il est le meilleur buteur de tous les temps des Diables Rouges.

Ses statistiques sont encore plus impressionnantes si on tient compte des matches amicaux : tout compris, Lukaku a marqué 21 buts durant les 19 matches qu’il a disputés sous les ordres de Martinez. Il n’a été infécond qu’une seule fois lors des dix dernières joutes : contre le Portugal, dont Pepe et Fonte avaient verrouillé la porte. Les Anglais peuvent être rassurés : il a la first touch.

La Tunisie

Qu’est-ce que nous apprend ce match pour samedi ? Beaucoup. Ce sera une copie – encore -. Un match durant lequel il faudra de la patience, durant lequel on commettra beaucoup de fautes sur les quatre hommes qui doivent faire la différence devant. Un match qui laissera peu d’espaces aux triangles sur le flanc. Un match contre un adversaire rude, qui n’a encaissé que quatre buts en six matches durant l’ultime phase par groupes en Afrique.

Un adversaire costaud, qui a essentiellement été formé en France, qui comporte quelques jeunes talents qui veulent profiter de la Coupe du Monde pour se montrer, un adversaire qui commet énormément de fautes en pertes de balle mais surtout un adversaire qui a beaucoup plus de qualités en possession du ballon et qui sera plus redoutable que les Panaméens. La preuve par leur courte défaite contre l’Angleterre : 2-1.

Les Belges semblent prêts. Nous n’avons pas l’habitude de perdre nos premiers matches. Ça n’est arrivé qu’une fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, au Mexique en 1986, un tournoi qui allait si bien se terminer. Nous n’avons pas non plus l’habitude de perdre le deuxième match. Ça ne s’est plus produit depuis les années ’80. La Belgique a toutefois concédé quelques nuls, comme à Oita, contre la Tunisie, il y a seize ans. Mais perdre ? Non.

Ce groupe, dont la qualité et l’homogénéité ne peuvent que s’améliorer, ne va pas aller à l’encontre de la tradition. Ensuite, on verra ce que donne le match de prestige contre l’Angleterre.

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