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La métamorphose Mpoku

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Puisque ses jambes semblent être devenues trop lourdes pour endosser le costume de l’ailier virevoltant, Paul-José Mpoku a changé de rôle. Dans le nouveau casting rouche, il est devenu celui qu’il a toujours voulu être : un arc plutôt qu’une flèche.

Sclessin se cherche un sauveur. L’été 2017 cogne sur des crânes liégeois encore assommés par un nouveau printemps passé en play-offs 2. Face à la colère montante des supporters, le président Bruno Venanzi appelle à la rescousse l’un de ses amis, qui s’avère également être une incarnation de cet esprit Standard qui semble avoir disparu des bords de Meuse. En sortant de son rendez-vous chez le président, Paul-José Mpoku est à nouveau un joueur du Standard, après un exil qui l’aura mené de la Sardaigne à la Grèce en passant par Vérone.

Dans le jeu du duo MPH-Ferrera, sa protection de balle devient un atout majeur : Mpoku décroche, conserve, et met sur orbite.

Le nouveau projet rouche, également porté dans les coeurs par le retour de Sébastien Pocognoli, doit surtout se matérialiser sur la pelouse. Là, il doit faire face aux départs d’Ishak Belfodil et de Matthieu Dossevi, deux des hommes les plus décisifs du noyau. Appelé à la barre pour défendre l’honneur bafoué du Standard, Ricardo Sa Pinto entame sa plaidoirie à tâtons.

Après huit journées de championnat, le Portugais a déjà la tête qui vacille. Contre Lokeren, alors que Sclessin gronde et que le coup de sifflet final approche, le score de parité affiché à la droite du but de Davino Verhulst a des allures de nouvelle sanction.

Mpoku enfile alors son costume de super-héros. Le Verviétois demande le ballon, et l’amène au fond des filets d’une frappe sèche. Sclessin explose, et Sa Pinto sprinte jusqu’au pied des tribunes pour étreindre son sauveur.

En huit matches de championnat, ce n’est que le sixième but marqué par les Liégeois. Le troisième, déjà, pour un Mpoku pourtant arrivé à court de forme après une préparation physique chahutée.

Polo se met dans le rouge – forcément – pour combler les nombreuses lacunes d’un Standard qui bégaie son football. Comme une façon de faire écho aux propos d’Olivier Renard, qui justifie son recrutement dans les colonnes de Sudpresse alors que les ailes liégeoises sont déjà abondamment garnies :  » La saison dernière, dans la difficulté, certains joueurs se cachaient. Mpoku, lui, demande la balle et prend ses responsabilités.  »

LE SAUVEUR DE SA PINTO

Paul-José Mpoku est la bouée de sauvetage du premier Standard de Sa Pinto. Le plan de jeu offensif part souvent des pieds de Guillermo Ochoa pour arriver à ceux du numéro 40, en transitant par le front d’ Orlando Sa. Polo, positionné en neuf et demi, fait parler sa technique et son flair pour inventer des occasions dans le désert du jeu rouche, mais souffre quand ses pieds sont plus proches du rond central que de la surface adverse.

Au bout d’une victoire 0-4 en terre liégeoise, Francky Dury dévoile d’ailleurs la recette de son succès à Sclessin :  » Notre objectif, c’était de maintenir Mpoku, leur joueur le plus dangereux, le plus loin possible de notre rectangle.  » Les folles chevauchées des années sous la houlette de Mircea Rednic ou de Guy Luzon ont disparu du répertoire de PMK40.

S’il marque encore deux buts jusqu’à la trêve hivernale, Mpoku ne trouvera plus le chemin des filets lors de la deuxième moitié de saison, où le jeu du Standard est rythmé par les dribbles vertigineux de Mehdi Carcela et de Junior Edmilson. Ses cinq passes décisives distillées entre l’hiver et le printemps ne suffiront pas à écarter la sensation d’une fin de saison anonyme, même si sa cote de popularité auprès du public ne faiblit pas.

Il faut dire que le joueur, omniprésent sur les réseaux sociaux et capitaine des coeurs liégeois, fait tout pour l’entretenir. Après le Clasico face aux Mauves, remporté 2-1 lors des play-offs et lors duquel il ne monte sur la pelouse qu’au coup de sifflet final, pour étreindre ses coéquipiers en civil, il passe la tête hors de son 4×4 pour chanter pendant de longues minutes avec les supporters liégeois massés devant un bar à la sortie du stade.

Quand il retrouve l’opportunité de monter sur la pelouse, Mpoku semble avoir les jambes fatiguées. Comme si les dribbles ne pouvaient plus à passer de sa tête à ses jambes. Comme si le coup de rein avait divorcé de la feinte de frappe, mettant un terme à l’un des mariages les plus cauchemardesques pour les défenseurs du pays. 26 ans, voilà un âge étrange pour devoir repenser son football.

LE FAUX AILIER

Finalement, peut-être que tout a commencé sur un malentendu. Revenu à Sclessin après son aventure anglaise, Polo ronge son frein sous la direction de José Riga, qui le place sur le flanc droit de son dispositif quand il lui donne de rares opportunités de fouler les pelouses de Pro League.

Le Verviétois doit attendre la prise de pouvoir de Mircea Rednic pour s’offrir un poste de titulaire, à une période où le duo infernal formé par Michy Batshuayi et Imoh Ezekiel commence à s’installer aux avants-postes du système liégeois.

Forcément agencé en 4-4-2, le Standard n’a que les flancs offensifs à offrir à un Mpoku pourtant plus attiré par un rôle de meneur de jeu. Comme s’il voulait être au centre des opérations sur le terrain comme il l’a toujours été dans le vestiaire, où l’international congolais n’a jamais cessé d’être un leader.

Même chez les espoirs de Johan Walem, quand les talents de Dennis Praet, Thorgan Hazard, Maxime Lestienne, Yannick Carrasco ou encore Junior Malanda s’additionnaient, le patron entre les murs s’appelait Polo.

Comme un symbole, c’est en réceptionnant dans l’axe, au point de penalty, un centre d’Ezekiel que Mpoku marque son premier but à Sclessin. Gardien du Lierse, Matz Sels ne peut rien faire, abandonné d’une défense déroutée par la zone qu’occupe Mpoku, inhabituelle pour un ailier.

Habitué à évoluer dans l’axe lors de ses jeunes années, Frédéric Bulot, exilé sur l’autre flanc, vit le même genre de frustration. Au printemps 2013, déjà, il met des mots sur une réalité que le monde du football semblera oublier dans les années à venir :  » À notre façon, Mpoku et moi sommes des relayeurs, des créateurs excentrés.  »

LA BOTTE ET LE FLANC

Homme fort des play-offs 1 de 2013, qu’il conclut par un triplé lors du barrage européen contre Gand après avoir déjà marqué cinq fois sur les dix journées décisives, Mpoku doit laisser la vedette à ses compagnons offensifs lors de la folle saison liégeoise sous Guy Luzon.

Bien installé sur un flanc gauche qu’il a la liberté de quitter quand le ballon est dans les pieds rouches, pour aller faire la différence entre les lignes, Polo boucle sa dernière saison complète liégeoise avec 12 buts et 9 passes décisives au compteur, toutes compétitions confondues. Quelques mois plus tard, il quitte la Principauté pour tenter de conquérir l’Europe, avec la Sardaigne en guise de première escale.

À Cagliari, où il débarque notamment sur les conseils de Radja Nainggolan, Mpoku évolue sous les ordres de Gianfranco Zola, l’ancien neuf et demi du Chelsea de la fin des nineties. Dans la Botte, les jambes du Verviétois impressionnent plus que ses yeux. Son coach vante ainsi son potentiel impressionnant,  » surtout dans les situations de un-contre-un « , et se régale de ses exploits techniques aux abords de la surface.

C’est également ce Mpoku dribbleur et déroutant qui attire Andrea Stramaccioni, ex-futur coach prometteur du Calcio, quand il convainc le Congolais de tenter l’aventure grecque sous les couleurs du Panathinaïkos après un fiasco au Chievo.

 » J’ai besoin d’avoir la balle pour m’exprimer « , raconte Mpoku pour faire le contraste entre le jeu du Pana, ténor du championnat grec, et un Chievo qui lutte pour son maintien en Italie à partir d’une organisation rigoureuse et de longues contre-attaques. Déjà à l’époque, la carrière d’ailier de Mpoku semble devoir passer par une réorientation.

Pourtant, après l’avoir installé dans l’axe lors des premières semaines de son retour liégeois, c’est bien sur les côtés que Sa Pinto replace son vice-capitaine quand il opte pour le 4-4-2, puis quand le retour de Carcela se précise dans un costume de numéro 10.

L’ARC DE MICHEL

Si certains commencent à faire de son retour à Sclessin un coup dans l’eau, Bruno Venanzi reste convaincu que la deuxième saison de Mpoku sera plus aboutie. Non seulement parce qu’il pourra bénéficier d’une vraie préparation physique, mais aussi parce que Michel Preud’homme et Emilio Ferrera ont un plan bien précis en tête pour exploiter les qualités du Verviétois.

Déjà adepte du football de Polo lors de sa période brugeoise, au point d’avoir tenté de l’attirer dans la Venise du Nord, MPH lui fait commencer la saison sur le flanc droit, sans doute celui que Mpoku apprécie le moins.

La théorie du dispositif laisse rapidement place à la réalité du terrain. Mpoku libère le couloir, où Razvan Marin et Pedro Luis Cavanda alternent les infiltrations, et se rend disponible entre les lignes, à la réception des relances soyeuses de Konstantinos Laifis dans un rôle très souvent axial.

 » En jeunes, il marquait les esprits par sa qualité technique et sa capacité à conserver le ballon « , disait déjà de lui José Jeunechamps, alors coach des U21 liégeois, lors de la première étape de Polo en bord de Meuse.

Cette protection de balle devient un atout majeur dans le jeu du duo MPH-Ferrera, fait de décrochages entre les lignes, coordonnés avec des appels en profondeur. Mpoku décroche, conserve, et met sur orbite le supersonique Moussa Djenepo. Le Malien joue le rôle de la flèche, longtemps interprété à contre-emploi par son coéquipier congolais.

Mpoku, lui, est enfin devenu un arc. Contre les Buffalos d’Yves Vanderhaeghe, pour la première rencontre à domicile de la saison, Polo offre le premier but à Djenepo, puis provoque un penalty qu’il transforme lui-même.

LE ROUCHE LE PLUS DÉCISIF

 » Je n’ai jamais été un pur flanc, je suis plutôt un milieu offensif « , explique-t-il dans les colonnes de L’Avenir pour donner les pistes de son retour en forme. C’est encore depuis l’axe, à l’affût d’un ballon qui traîne, qu’il transforme l’unique but du choc wallon du lendemain de Noël. À la trêve, il est le joueur le plus décisif du Standard, impliqué directement dans neuf des 33 buts des siens (six buts et trois passes décisives).

Le malentendu semble enfin connaître son épilogue. Mpoku est devenu un joueur axial, comme si sa perte de vitesse l’avait amené à entamer une nouvelle carrière à un âge où les trajectoires décollent plus souvent qu’elles ne dévient. Peut-être est-ce, après tout, le début d’un nouvel envol.

Celui d’un milieu de terrain qui, à l’heure où le pressing se répand de plus en plus sur les pelouses belges, est capable de recevoir le ballon entre les lignes, de ne pas le perdre malgré la proximité de ses adversaires, puis de mettre ses atouts offensifs sur orbite. Il y a toujours une place du bon côté de la ligne blanche pour ceux qui ne perdent pas la balle.

La métamorphose Mpoku
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Coup franc en crise

En quelques saisons passées sur les pelouses belges, avant son départ à Cagliari, Paul-José Mpoku s’était taillé une solide réputation de tireur de coup franc, apparaissant même comme le meilleur spécialiste du genre en Pro League. Depuis son retour, pourtant, Polo n’a fait mouche qu’à une seule reprise face au mur adverse, abandonnant son statut de roi du coup franc pour céder sa couronne à un Ruslan Malinovskyi au style différent, mais terriblement efficace.

En un an et demi, Mpoku II a donc trouvé la faille une seule fois. Face à Genk, sa victime préférée en la matière. Sur six buts marqués aux Limbourgeois dans l’ensemble de sa carrière, le Verviétois en a inscrit quatre sur coup franc. Comme le symbole d’un Racing qui, généralement, réussit plutôt bien aux artistes liégeois ces dernières saisons.

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