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Rafael van der Vaart: « Plus je pense à la finale perdue en Coupe du monde, plus j’ai mal »

Rafael van der Vaart (35 ans) a pris sa retraite et profite de sa liberté. L’ex-international hollandais fait la navette entre le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas.

La nouvelle vie de Rafael van der Vaart a débuté le jeudi 1er novembre 2018, le jour où il a rangé son sac de foot dans un coin et a décidé qu’il en avait fait assez. C’était à Esbjerg, une petite ville du Danemark.

 » Quand j’étais en forme physiquement, j’étais toujours le meilleur balle au pied « , dit-il.  » Il faut admettre qu’à Esbjerg, ce n’était pas difficile. Dans ces moments-là, je m’amusais beaucoup. Mais j’étais de plus en plus souvent blessé, je commençais à avoir mal partout. Ça m’arrivait souvent à la veille d’un match, alors que je me disais justement que je me sentais bien. Il me fallait alors entamer une énième période de rééducation.

Vous savez que je n’ai jamais aimé les salles de fitness. Ce qui me plaisait, c’était le terrain et le ballon. Malheureusement, les rechutes étaient de plus en plus nombreuses. À un certain moment, j’ai dit à ma copine : Si je me blesse encore une seule fois, j’arrête. Et c’est arrivé peu après. Pendant l’entraînement, j’ai ressenti une douleur au mollet. Je suis rentré au vestiaire, j’ai pris mes affaires et j’ai sauté dans la voiture.

En rentrant chez moi, j’ai dit à Estavana : C’est fini, j’arrête. Elle m’a avoué plus tard que je n’avais pas besoin de le lui dire : elle l’avait vu à ma tête. Elle a tout de suite compris, elle m’a pris dans ses bras et m’a dit que c’était bien comme ça.  »

 » Je me revois en mon fils  »

 » Avant de signer à Esbjerg, j’avais envisagé un retour aux Pays-Bas. J’ai eu l’occasion de m’entraîner avec le PEC Zwolle. C’était chouette. Avec John van ‘t Schip sur le terrain, j’avais l’impression d’avoir 18 ans. À l’Ajax, John a été l’entraîneur de jeunes qui a eu le plus d’importance pour moi. Par la suite, je l’ai eu comme entraîneur-adjoint en équipe première de l’Ajax et en sélection. Il me comprend très bien et j’ai énormément d’estime pour lui.

J’étais très heureux à Zwolle. À tel point que j’aurais pu y signer un contrat. PEC était prêt à me laisser vivre en famille au Danemark quelques jours par semaine et de rallier Zwolle le week-end seulement. Mais je voulais aussi aller le plus souvent possible à Hambourg, pour être auprès de mon fils, Damian.

Sa mère et moi sommes séparés et je me serais senti mal si je n’avais pu lui porter suffisamment d’attention. Les autres parents qui sont dans mon cas me comprendront sûrement. J’ai donc opté pour mes enfants et pour l’amour : je suis allé jouer à Esbjerg. Hambourg n’est qu’à trois heures de route. J’ai une chouette famille au Danemark mais elle n’est au complet que lorsque Damian est parmi nous.

Je me revois en mon fils. Il a douze ans et le football est tout pour lui. Traditionnellement, lorsque nous sommes ensemble, nous nous entraînons ensemble une heure par jour. Il est droitier et rapide. Sur ce plan-là, nous sommes donc aux antipodes l’un de l’autre. Avant, Damian laissait venir mais aujourd’hui, il est très sûr de lui.

Van Der Vaart lors de ses débuts à l'Ajax:
Van Der Vaart lors de ses débuts à l’Ajax: « Lors de mon premier match avec l’Ajax, j’ai demandé à pouvoir tirer les coups-francs. J’étais sûr d’avoir des qualités et je voulais les montrer. »© BELGAIMAGE

C’est quelque chose que je lui ai appris : il faut croire en soi-même. J’ai connu cela à l’Ajax, où on te répète sans cesse que tu es le meilleur parce que tu joues à l’Ajax. Je comprends que cette arrogance irrite les gens des autres clubs mais pour les joueurs de l’Ajax, c’est une bonne chose : ça les met en confiance et ça leur permet de s’exprimer. On impressionne toujours plus l’adversaire quand on bluffe que quand on baisse la tête.  »

J’ai toujours voulu montrer mes qualités  »

 » Je pense que ça se voyait à mon jeu. Je voulais toujours qu’on me donne le ballon pour pouvoir trouver des solutions. Même quand, gamin, je jouais en équipe nationale dans l’entrejeu aux côtés de Clarence Seedorf et d’ EdgarDavids. Lors de mon premier match avec l’Ajax, j’ai demandé à pouvoir tirer les coups-francs.

J’étais sûr d’avoir des qualités et je voulais les montrer. Je ne parlais pas autant qu’à la fin mais, sur le terrain, j’étais d’autant plus audacieux. Cela s’est surtout vérifié lors de mes débuts en équipe nationale. En stage, je n’étais pas à mon aise. J’avais tellement de respect pour les joueurs expérimentés que je ne disais pas un mot.

Les seuls moments où je m’amusais, c’étaient les entraînements et les matches. Là, j’étais libéré et je pouvais montrer ce que j’étais capable de faire avec un ballon. Sur le terrain, nous étions tous égaux, c’était le ballon qui faisait la différence.

Je n’oublierai jamais mon tout premier entraînement à Hambourg. C’était ma première expérience à l’étranger, le club m’avait payé très cher. Je voulais donc immédiatement montrer à mes nouveaux équipiers qu’ils devaient me donner le ballon le plus souvent possible.

Au cours du premier match d’entraînement, je me suis lâché : des dribbles, des passes, des tirs des 30 mètres en pleine lucarne. J’ai directement été accepté. Mon premier match amical fut très bon également et la folie a commencé. Chaque jour, les journaux écrivaient des pages entières sur moi, le club vendait des tas de maillots à mon nom.

À l’Ajax, j’avais été habitué à attirer l’attention mais en Allemagne, c’était dix fois pire. Et c’était d’autant plus merveilleux que ça se passait dans un grand pays de football.  »

 » Tottenham, c’était ma meilleure période  »

 » Au Real Madrid, j’ai constaté que mon statut était différent. C’était un peu normal, évidemment, puisqu’il s’agit du plus grand club du monde. J’ai dû m’habituer au système de rotation. J’ai signé un hat-trick face au Sporting Gijón mais la semaine suivante, j’étais sur le banc. Sans la moindre explication. Ça m’a énervé et même un peu traumatisé.

Après ma première saison, le Real a fait de gros transferts : Cristiano Ronaldo, Kaká… J’ai compris que ce serait difficile. Puis on m’a dit que je pouvais partir. Moi, je ne voulais pas et je l’ai dit au nouvel entraîneur, Manuel Pellegrini. Je me suis mis à m’entraîner comme une bête, jusqu’à ce que mes équipiers disent que je méritais une nouvelle chance.

Lors de la quatrième journée, à Villarreal, je suis monté au jeu. J’ai fait plus de sprints en dix minutes que sur un match normal. Et j’ai délivré un assist. À partir de ce moment-là, j’ai recommencé à jouer. Je me sentais vraiment bien et ça se voyait à mon jeu. J’avais l’impression de voler et j’ai commencé à marquer ou à faire des passes décisives.

Plus tard, j’ai quand même été écarté pour un match de Ligue des Champions face à l’Olympique Lyon. Alors, Ronaldo s’est fâché sur l’entraîneur : il estimait que je devais être là. C’était un beau compliment. Je suis très fier de cette période. Au cours de la préparation, j’avais dû m’entraîner à part et on m’avait retiré mon numéro. J’ai dû me battre pour revenir.

Avec les Spurs:
Avec les Spurs: « Je me suis beaucoup amusé à Tottenham. Pour moi, c’est ma meilleure période. »© BELGAIMAGE

Je me suis beaucoup amusé à Tottenham également. On jouait des gros matches toutes les semaines, le rythme était fou et il y avait beaucoup de talent dans l’équipe. J’ai inscrit des buts et délivré des assists importants. Pour moi, c’est ma meilleure période. Je m’entendais super bien avec LukaModric et Gareth Bale. Dans ces moments-là, le football est un vrai plaisir.  »

 » Avec l’équipe des Pays-Bas actuelle, je suis gâté  »

 » À White Hart Lane, tout a fonctionné dès le premier match. J’y suis arrivé juste après la Coupe du monde en Afrique du Sud, où j’ai vécu à la fois le point culminant et le pire moment de ma carrière. Peu de gens peuvent dire qu’ils ont disputé une finale de Coupe du monde et je n’oublierai jamais le chemin parcouru pour y arriver. Puis il y a eu l’anticlimax.

Plus je repense à cette finale perdue, plus j’ai mal. Quelques années plus tard, j’ai retrouvé Bert van Marwijk à Hambourg. Il m’a dit qu’il ressentait la même chose. Mais ce qui me vient d’abord en tête quand je repense à ma carrière, c’est le plaisir que j’ai pris sur le terrain. J’ai joué dans des clubs formidables, j’ai vécu dans de très chouettes villes, j’ai vécu des choses extraordinaires avec l’équipe nationale. Cela, personne ne me le reprendra.

Et désormais, je profite de ma liberté. Je vais voir jouer Damian à Hambourg, je suis les matches d’Estavana (une handballeuse hollandaise qui joue à Esbjerg, ndlr), je prends du plaisir comme consultant pour la télévision. Je ne suis pas un emmerdeur. Donc, même en tant que consultant, j’essaye avant tout de voir les côtés positifs du jeu, les joueurs dotés d’une bonne technique et qui osent entreprendre.

Avec l’équipe néerlandaise actuelle, je suis gâté. C’est mieux de parler de cela que d’un tournoi raté. Évidemment, quand c’est mauvais, je le dis car il ne faut pas prendre les téléspectateurs pour des fous. Ce que j’aime bien, chez Ronald Koeman, c’est qu’il analyse le jeu et les prestations avec beaucoup de réalisme.

Après le 3-0 contre l’Allemagne, il n’est pas tombé dans l’euphorie, il a dit que les Allemands avaient eu des occasions. Après le 2-0 contre la France, il a dit que tout le monde devait savourer car tout avait roulé pour les Pays-Bas. C’est ça que j’appelle du réalisme : quand c’est bon, c’est bon. Et quand c’est mauvais, c’est mauvais.  »

 » Koeman est l’homme qu’il fallait  »

 » Je connais bien Koeman : je l’ai eu comme entraîneur à l’Ajax. À l’époque, déjà, je le trouvais très fort. Nous avons eu quelques accrocs mais c’était surtout dû à la phase que je traversais à ce moment-là. Je n’étais pas encore tout à fait adulte, j’étais un peu présomptueux. Je pensais que l’entraîneur qui m’alignait était le meilleur et que celui qui me laissait sur le banc était nul.

Avec le recul, je pense que Koeman était déjà un très bon entraîneur à l’Ajax. Que nous affrontions Valence, l’AS Roma ou l’AC Milan en Ligue des Champions, il avait un plan de bataille qui nous permettait d’avoir des occasions face à des adversaires plus forts que nous sur papier. Il misait sur le talent.

Rafael van der Vaart:
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Je pense qu’il était le seul coach à pouvoir reprendre cette équipe des Pays-Bas. Si elle était moins forte qu’avant, il fallait imaginer d’autres solutions. C’est ce que Koeman a fait. Il a trouvé un système de jeu qui convenait aux qualités spécifiques des joueurs. Mais ce n’est pas tout : il a également créé un esprit d’équipe grâce auquel tous les joueurs donnent le meilleur d’eux-mêmes.

Un jour, je verrai si je suis fait pour le métier d’entraîneur mais dans un premier temps, je veux profiter un peu de ma liberté. Je pense d’ailleurs que je suis trop romantique pour être entraîneur. Quand je vois qu’ Isco est sur le banc au Real Madrid alors que Casemiro joue tous les matches, je n’y comprends rien. Isco est le premier nom que je coucherais sur la feuille de match alors que, pour l’équilibre de l’équipe, mieux vaut sans doute parfois faire d’autres choix.

Moi, j’alignerais onze Isco ou onze Van der Vaart. Qu’on joue au foot ! Mais je suppose que je serais vite viré. Je constate en tant que consultant que je ne peux pas toujours faire en fonction de mes préférences. Personnellement, je mets toujours l’accent sur les joueurs qui font la différence. Avec moi, tout commence et tout se termine toujours par le ballon.  »

Le onze mondial de Rafael van der Vaart

Rafael van der Vaart:

Quand on lui a demandé de former son onze mondial personnel, Rafael van der Vaart a souffert.

Il faut dire que quand on a joué à Ajax (2000-2005), à Hambourg (2005-2008), au Real Madrid (2008-2010), à Tottenham Hotspur (2010-2012), encore à Hambourg (2012-2015), au Real Betis (2015-2016), au FC Midtjylland (2016-2018) et à Esbjerg, on a l’embarras du choix.

Sans oublier 109 matches internationaux en douze ans en équipe nationale des Pays-Bas. Après une longue période de réflexion, il a couché sur papier l’équipe suivante, formée d’anciens équipiers.

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