© BELGAIMAGE - CHRISTOPHE KETELS

 » Nous sommes des salopards « 

Geoffry Hairemans et Jelle Van Damme parlent du retour de l’Antwerp au sommet du football belge.  » Sans prétention, nous sommes armés pour jouer le top 6.  »

Un an après son retour en D1, l’Antwerp s’est stabilisé. Le stade n’est plus en chantier et, sportivement, la sauce semble avoir pris. Après six journées, le Great Old n’avait pas encore perdu et il figurait dans le top 6. Il espère y rester. Jelle Van Damme et Geoffry Hairemans, deux pions importants de l’équipe, savent que la barre a été placée plus haut.  » Jusqu’ici, tout va bien « , dit Van Damme.  » D’autant que nous avons déjà affronté Anderlecht et le Club Bruges. Même si, bien entendu, il faut confirmer chaque semaine que nous ne sommes pas là par hasard.  »

Jelle Van Damme
Jelle Van Damme© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Un hasard ? Je ne pense pas !

JELLE VAN DAMME : Non ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on travaille dur. Grâce à l’entraîneur, qui est très exigeant. Comme tout le monde ici. Joueurs compris.

C’est ce qu’on dit dans chaque club…

VAN DAMME : Oui, c’est vrai. De toute façon, le travail ne suffit pas.

GEOFFRY HAIREMANS : Il faut trouver l’équilibre.

VAN DAMME : Oui. Et apprendre à faire le jeu à domicile.

À cet égard, la saison dernière, nous sommes un peu restés sur notre faim.

VAN DAMME : Nous aussi, c’est pourquoi on veut que ça change. On veut montrer qu’on peut jouer au football, se battre 90 minutes tout en faisant le jeu.

HAIREMANS : Comme l’an dernier, on forme un bloc mais les joueurs qui sont arrivés ont de la technique et doivent nous rendre plus offensifs. Si on y parvient, notre saison sera réussie.

 » On doit dire merci à l’entraîneur  »

Quelle est la différence avec la saison dernière ?

HAIREMANS : Beaucoup de choses ont changé sur tous les plans. Il ne reste que trois joueurs de l’équipe qui est montée : Faris Haroun, William Owusu et moi. Sans parler des infrastructures.

VAN DAMME : Un monde de différence. J’avoue qu’au début, c’était difficile. J’avais été habitué à autre chose.

L’an dernier, il n’y avait même pas assez de maillots ni de matériel.

HAIREMANS : À l’Antwerp, tout finit toujours par s’arranger mais avant, on ne savait jamais quand. Maintenant, tout est en ordre.

VAN DAMME : Il faut bien se dire que peu de clubs belges sont aussi gâtés que nous. En matière de terrains, nous faisons partie du top 6. Perso, là où j’ai eu du mal, au début, c’était sur le plan physique. Je venais des États-Unis, où le rythme était moins élevé, et je tombais sur un entraîneur connu pour ses entraînements durs. J’avais un peu sous-estimé tout ça et il fallait que le déclic se produise. J’ai parfois la tête près du bonnet mais je n’abandonne jamais.

Vous avez dû vous adapter à la D1, physiquement ?

HAIREMANS : J’ai surtout dû m’adapter au coach. J’ai plus de volume qu’avant, je joue aussi en perte de balle.

VAN DAMME : Tout le monde a été surpris mais on doit dire merci à l’entraîneur. Même si j’ai parfois juré. J’ai 35 ans mais je me sens bien mieux physiquement et c’était nécessaire.

 » Le stress a tout changé la saison passée  »

Vous n’avez pas le sentiment d’avoir perdu du temps ?

HAIREMANS : Quand on n’arrive au plus haut niveau qu’à 26 ans, c’est sûr qu’on a perdu beaucoup de temps et c’est un peu de ma faute, même s’il faut un peu de chance. Aux Pays-Bas, ça ne s’est pas bien passé. Au Lierse, l’équipe ne tournait pas. Puis j’ai joué à Heist et à Turnhout…

L’Antwerp est-il sur sa lancée de la saison dernière ?

HAIREMANS : Sportivement oui, surtout au niveau de la puissance. Mais pour le reste, tout est nouveau.

VAN DAMME : On doit être ambitieux, vouloir le top 6 dont on était si proche l’an dernier.

Jusqu’au Nouvel An, c’était bien puis l’Antwerp a dû attendre le huitième match après la trêve pour renouer avec la victoire. Que s’est-il passé ?

VAN DAMME : Je pense qu’on a un peu trop fait tourner.

HAIREMANS : Le nul concédé à la dernière minute contre Bruges nous a sapé le moral puis des choses ont changé, il y a eu des transferts…

VAN DAMME : Et un peu de stress, alors on a trop changé. C’est mon sentiment, hein, pas une critique. Et puis, quand on approche du but, la pression augmente et le groupe n’était pas habitué à ça.

De plus, Gand, Genk et le Standard se sont mis à tourner.

VAN DAMME : Surtout Genk, qui avait pas mal de retard. Ça a joué mais maintenant, on doit oser affirmer nos prétentions. Quand on voit notre noyau… On a un banc qui peut faire la différence et, selon moi, c’est capital. Ça permet de tirer tout le monde vers le haut car personne n’est sûr de sa place. On se bat, la façon dont on joue me plaît beaucoup. Surtout à Anderlecht : courir, presser, ne rien lâcher et prendre un point… En fait, nous sommes des salopards, non ? (il rit)J’adore. Des collègues me le disent aussi.

 » On est bien à l’Antwerp  »

Ce n’est pas toujours beau à voir.

VAN DAMME : Ce n’est pas une question d’esthétisme : nous sommes capables de jouer au football. Je parle de l’esprit de groupe : le couteau entre les dents !

Comme au Standard ?

VAN DAMME : Oui.

HAIREMANS : ( il rit) Normal, ce sont les mêmes joueurs ! Et ce n’est pas grave : mieux vaut prendre des joueurs qu’on connaît.

VAN DAMME : L’Antwerp, c’est Standard 2.0. Vous rigolez mais je retrouve beaucoup de choses que j’ai connues à Liège : les couleurs, les joueurs. Même le tailleur. Il avait encore mes mesures. La seule différence, c’est qu’il y avait plus de monde au Standard. Ici, on compense avec la passion, le bruit… C’est plus dur qu’à Liège.

HAIREMANS : Et très différent de ce que nous avons connu en D2.

VAN DAMME : C’est un niveau supérieur. J’arrive en fin de contrat mais j’aimerais rester encore un an.

HAIREMANS : Moi aussi, je me sens bien ici. J’ai rempilé pour trois ans.

L’Antwerp est-il à nouveau un grand club ?

VAN DAMME : C’est en cours. Je pense que nous sommes armés pour jouer le top 6. Et ce n’est pas de la prétention. Je suis réaliste. Une fois dans le top 6, l’Europe n’est pas loin. On ne doit pas faire les malins mais ce groupe a tout : de l’expérience, du talent, de la vitesse…

 » Le groupe a envie  »

Peut-être que, l’an dernier, le groupe n’était pas prêt pour le top 6 ?

VAN DAMME : On ne nous avait d’ailleurs rien demandé. Mais nous étions si proches…

HAIREMANS : En fonction des qualités du noyau, je pense que nous pouvons être très contents de nos premiers mois mais on ne pouvait pas tenir en ne misant que sur le travail. On manquait un peu de talent mais cette année, ce n’est plus le cas. À domicile, on doit davantage faire le jeu.

VAN DAMME : C’est vrai. Il nous faut quelques victoires par plusieurs buts d’écart pour faire plus peur aux adversaires. Car avec l’ambiance qu’il y a ici… La saison dernière, c’était comme ça au début puis ça a changé : les autres équipes se sont dit qu’elles avaient plus de chance de battre l’Antwerp à Deurne qu’à domicile.

Comment arriver à ça ? Jouer plus haut ? Aligner d’autres joueurs ?

HAIREMANS : Peut-être plus de techniciens.

VAN DAMME : C’est aussi une question de philosophie. Il faut oser, surtout avec le matériel que nous avons. Et on en a envie.

Les supporters aussi ?

HAIREMANS : Oui. L’an dernier, ils étaient contents parce qu’on se battait mais maintenant, au moindre match nul, ils critiquent notre style de jeu.

VAN DAMME : Et je les comprends !

HAIREMANS : On veut montrer de quoi on est capable. Je pense que ce sera plus chouette pour les supporters. Ils aiment nous voir tacler mais un petit pont, c’est encore mieux.

 » Un coach à l’écoute  »

Vous en parlez avec l’entraîneur ?

HAIREMANS : Il n’est pas constamment en contact avec les joueurs. De temps en temps il passe parmi nous et fait une blague…

VAN DAMME : Mais il vient souvent dire sa façon de penser. Est-ce nécessaire ? Je ne sais pas. Tous les entraîneurs sont différents. Certains sont plus sociables, d’autres plus froids.

Vous parlez de l’approche tactique ou vous l’écoutez et vous faites ce qu’il dit ?

VAN DAMME : On fait ce qu’il a en tête, c’est quelque chose qu’on doit accepter et respecter. Parfois c’est simple, parfois moins.

HAIREMANS : Parfois, il nous fait croire que c’est nous qui décidons car il en discute avec nous mais il sait où il veut en venir.

VAN DAMME : La saison dernière, quand ça allait mal, il nous a tout de même un peu plus demandé notre avis.

HAIREMANS : Mais ce n’est pas pour ça qu’on lui a dit comment il fallait jouer. On était peut-être moins audacieux que maintenant.

VAN DAMME : J’ai connu des entraîneurs qui prenaient l’avis du groupe et j’aimais ça. On tirait tous à la même corde. Un entraîneur a beau avoir un système en tête, si le groupe estime que ça ne marche pas, il doit pouvoir les écouter.

Ce n’est pas céder du terrain ?

VAN DAMME : Au contraire ! Avec les applications et les livres, tout le monde peut donner un entraînement. Un entraîneur, c’est avant tout un people manager. Il doit sentir son groupe, le motiver chaque semaine. Mais il y a aussi des entraîneurs qui imposent tout et qui obtiennent des résultats.

 » Refaelov est un concurrent  »

Vous jouez désormais plus dans l’axe.

VAN DAMME : C’était déjà le cas aux États-Unis, où j’ai livré deux bonnes saisons. Je m’y sens bien. On me demande de beaucoup parler et, quand je me sens bien, ça vient tout seul.

HAIREMANS : Yatabaré parle beaucoup aussi mais Jelle et lui sont les seuls.

Avec Govea et Refaelov, il y a plus de concurrence ?

HAIREMANS : Rafa, surtout, est un concurrent direct. Govea préfère jouer plus haut. La saison dernière, je n’avais pratiquement pas de concurrence, sauf un peu après le Nouvel An, avec Pitroipa . Cette année, il y a Refaelov. Je sais que si j’ai un moment de faiblesse, il sera là. Jouerai-je moins ? On verra ! Je me réjouis de voir.

La concurrence vous fait-elle progresser ou vous incite-t-elle à prendre moins de risques pour ne pas commettre d’erreur ?

VAN DAMME : Ça dépend. Si le jugement est honnête, elle fait progresser. C’est à chacun de montrer à l’entraînement qu’il est le meilleur.

HAIREMANS : Mais, comme vous dites, elle peut aussi paralyser et être contre-productive.

Comment avez-vous réagi, la saison dernière, lorsque Pitroipa vous a été préféré ?

HAIREMANS : Bien, je pense. J’ai moins bien joué, j’ai perdu ma place mais je l’ai récupérée. Ce n’était pas gai car j’estimais que je jouais bien, que tout le monde jouait bien. Quand on est mauvais, on comprend mais là… Je me donnais à fond, les résultats étaient bons puis on donnait la préférence à quelqu’un qui venait de nulle part.. Je me suis posé des questions…

VAN DAMME : On se pose des questions et parfois, on ne trouve pas la réponse.

HAIREMANS : Alors on râle un peu. Mais je comprends : tout le monde veut jouer et quand on vous transfère en vous promettant une place mais que vous ne jouez pas… On a l’avantage d’être ici depuis longtemps et d’avoir réalisé quelque chose. Les nouveaux doivent faire leurs preuves. Ce n’est pas parce qu’ils ont un nom qu’ils vont casser la baraque. Si les meilleurs jouent, les nouveaux ne me font pas peur.

 » On ne veut pas dépendre d’un attaquant  »

Où en est Dieumerci Mbokani, qui figurait dans le noyau pour la première fois la semaine dernière ?

JELLE VAN DAMME : Je pense que, physiquement, il peut encore progresser, ce qui est normal. Mais il est déjà bien. La semaine dernière a été très dure et il a tout fait. Contre Vitesse, il a joué 90 minutes, c’est bien pour lui. En fonction des matches, il va arriver petit à petit dans l’équipe.

Vous avez besoin de lui pour marquer davantage ?

GEOFFRY HAIREMANS : Nous sommes capables de marquer mais nous jouons trop bas. Faire 60 ou 70 mètres pour se créer une occasion, ça demande de l’énergie.

VAN DAMME : Dieu est un très bon joueur et, dans le rectangle, il marque facilement. J’espère que ce sera le cas mais on ne veut pas dépendre d’un attaquant. Geof a raison : on a suffisamment de joueurs capables de marquer. On doit juste trouver l’équilibre et faire un peu plus le jeu, jouer moins loin du but adverse.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire