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 » Nous avons dû fuir sous escorte policière « 

Après la Belgique, la Pologne et l’Italie, le Louvaniste Simon Van de Voorde (28) évolue désormais en Iran, au pays des ayatollahs.

Italie, Allemagne, Pologne, Grèce, France… Les volleyeurs belges s’exportent bien. Simon Van de Voorde, lui, est allé voir plus loin : il a signé pour un an à Paykan Téhéran, club le plus titré de la République islamiste d’Iran (12 fois champion depuis 1997). Un choix surprenant.

Le Louvaniste était en fin de contrat à Trentino Volley.  » Lorsque mon agent a reçu cette proposition d’Iran, je suis allé voir sur Google mais je n’ai pas appris grand-chose. La plupart des sites web étaient en farsi et internet est censuré – Facebook et Instagram sont interdits, par exemple -. J’ai quand même pu constater que Paykan était un grand club.  »

Quelques mois plus tôt, il faisait partie de l’équipe des Red Dragons qui s’était inclinée de justesse (3-2) dans le chaudron de Téhéran. L’Iran occupe la 8e place au classement mondial – 7 places de mieux que la Belgique – et s’est classé cinquième aux Jeux Olympiques.

 » Lors de notre match de World League, nous avions tous été impressionnés par l’ambiance même si, entre-temps, j’ai découvert qu’à Téhéran, seule l’équipe nationale intéresse les gens. La radio et la télé suivent le volley mais les gens ne se déplacent par pour un match de championnat. Je pense qu’à domicile, nous ne jouons pas devant plus de 300 personnes.  »

De Pologne en Italie

Van de Voorde (2,08 m) a été formé à la Topsportschool de Vilvorde, où il a terminé ses études en 2008. Quelques mois plus tard, il effectuait ses débuts au plus haut niveau avec le VC Averbode (Everbeur). Un an plus tard, il passait à Noliko Maaseik, où il allait rester quatre ans, remportant deux titres, deux coupes de Belgique et une médaille de bronze en Coupe CEV, avec le titre de meilleur bloqueur du Final Four. Vital Heynen, le trouvait trop puéril et, en mars 2011, il avait même failli le renvoyer. Mais Van de Voorde s’était repris en mains et était devenu un des hommes forts de l’équipe.

Si les Iraniens jouaient moins à l’instinct et structuraient un peu leur jeu, leur championnat serait le plus fort au monde.  » Simon Van de Voorde

En 2013, il estimait le moment venu d’aller voir ailleurs. Il décrochait ainsi la médaille de bronze en Ligue des Champions sous le maillot de Jastrzebski Wegiel, un grand club polonais. Il remportait aussi l’European Volleyball League avec les Red Dragons et décrochait un ticket pour les championnats du monde, ce que la Belgique n’avait plus réussi à faire depuis 1978. Il passait ensuite à Top Volley Latina, un petit club italien avec lequel il était élu meilleur central et meilleur bloqueur de Serie A1 mais qui ne le payait pas.

En 2015, il relevait un défi plus important encore à Trentino Volley, champion d’Italie. Il décrochait la médaille d’argent en Ligue des Champions après une courte défaite face aux millionnaires du Zenit Kazan et une médaille de bronze au Championnat du Monde des clubs. Mais au terme de la deuxième saison, bien qu’on lui ait promis de prolonger son contrat, il n’était pas conservé.

Il devait se décider rapidement car Paykan Téhéran avait un plan B. Une amie de sa femme, qui était déjà allée en Iran pour le boulot, lui parlait de la vie à Téhéran et cela semblait lui convenir. Son épouse et son fils rentraient en Belgique tandis qu’il partait en solitaire pour la grande aventure.  » Je savais qu’ils allaient me manquer mais l’Iran n’est pas le pays le plus accueillant pour les femmes « , dit-il.

Le chaos partout

Début septembre, Van de Voorde disait au revoir à sa famille et à ses amis, qu’il ne devait revoir qu’en mars.  » C’était une obligation contractuelle car il n’y a pas d’interruption en championnat. Au début, il était difficile de communiquer avec le monde car internet est bloqué. J’ai dû utiliser un virtual private network.  »

Voici peu, lorsque le champion d’Asie, Sarmayeh Bank Téhéran, a participé à la Coupe du Monde des clubs en Pologne, les joueurs de Paykan ont eu trois jours de congé et Van de Voorde en a profité pour revenir en Belgique.  » Dès qu’on obtient un permis de travail, on ne peut pas quitter le pays sans avoir payé ses impôts. J’ai dû faire pression sur le club pour qu’il paye 15 % mais finalement, j’ai réussi à me mettre en ordre.  »

Il a passé les fêtes à Téhéran, une ville agitée de 8 millions d’habitants.  » Des gens accueillants mais qui parlent à peine anglais. Donc, en dehors du sport, je m’ennuie un peu. Je passe beaucoup de temps avec Kay van Dijk, un Hollandais, mais il n’y a pas grand-chose à faire. On va manger, boire un café ou un thé, fumer une pipe à eau…

De plus, les étrangers doivent toujours être sur leurs gardes. Dans les petits magasins ou dans les taxis, on court le risque de se faire rouler. J’habite dans un appartement à 20 minutes du club et j’ai un chauffeur. Heureusement car la circulation est chaotique. C’est indescriptible. Disons qu’ils roulent… différemment.  »

Van de Voorde a aussi pu constater qu’ils jouent différemment.  » Là aussi, c’est chaotique. Ils jouent le plus vite possible et frappent de toutes leurs forces. En Europe, on a 85 % de services smashés. Ici, c’est 5 %. S’ils jouaient moins à l’instinct et structuraient un peu leur jeu, ce championnat serait le plus fort au monde.  »

Une avalanche de boulons

A Paykan, le Louvaniste évolue aux côtés de Saeid Marouf, capitaine de l’équipe nationale d’Iran et un des plus grands passeurs du monde. En 2015, il a remporté la Ligue des Champions avec Zenit Kazan et a été élu meilleur passeur. En Iran, c’est un dieu.  » Ici, les femmes ne peuvent pas assister aux matches mais après la rencontre, elles l’attendent pour prendre une photo ou lui offrir un cadeau.  »

Au terme des deux dernières saisons, le titre est revenu à Sarmayeh Bank Téhéran, qui est à nouveau leader invaincu. Paykan a mal débuté le championnat (3 défaites consécutives) et est quatrième.  » Lorsque nous jouons en déplacement, les salles sont pleines, il y du bruit, ça chante du début à la fin et l’atmosphère est souvent hostile. Comme à Urmia, où le match a été arrêté à 2-2. Toutes les portes étaient abîmées à coups de poing. Au cinquième set, les gens nous canardaient avec les boulons des sièges. Nous avons dû fuir sous escorte policière.  »

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