© EMILIEN HOFMAN

Murcia Tourism Tour

Il a découvert Bernabeu, un tournoi international U17 en Turquie et les fjords islandais. À 27 ans, Adrian Murcia vient aujourd’hui de sauver Bertrix… en D3 amateurs. Découverte d’un mec qui jongle avec les aventures et les langues. En autoportrait.

« Mon premier trajet vers Bertrix est chaotique. C’est super loin, dans un coin perdu et, en plus, ma vieille bagnole me lâche deux fois sur le chemin. Pour moi, c’est clair avant même d’arriver : je ne vais pas signer là. Pourtant, sur place, je suis tout de suite frappé par l’ambiance générale alors que le club est avant-dernier de D3 amateurs. J’ai un bon feeling. Aujourd’hui, ça fait près de six mois que je suis un Baudet. Je suis heureux comme je ne l’ai jamais été ces sept dernières années.  »

D’international à banni

 » Mon père, Manuel Murcia, est un ancien professionnel de la Liga des années ’70. C’est lui qui m’inscrit à huit ans au club d’Alicante, d’où ma famille est originaire. Après un passage par Villarreal, je file au FC Valence. C’est l’époque où la Première est au top, remportant même la finale de la Coupe des Coupes en 1980.

Quand tu es gardien chez Los Ches, tu es d’office sélectionné en équipe nationale des jeunes. Ça me permet de disputer un tournoi préparatoire à un EURO U17 en Turquie. À ce moment-là, j’ai le même agent que Cesc Fabregas, mais je ne me projette pas dans le futur, je garde les pieds sur terre. Ou mon père se charge de le faire…

 » Parmi les vingt garçons de l’équipe espoir d’Espagne d’il y a dix ans, trois sont vraiment devenus professionnels « , a-t-il l’habitude de me dire.  » Cinq se sont blessés, quatre ont fait les mauvais choix et les huit autres n’ont pas eu la chance avec eux. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte.  »

À 16 ans, je rejoins l’équipe-fanion d’Hercules Alicante en D2 parce que je veux m’entraîner avec des professionnels. Malheureusement, je n’ai pas l’opportunité de relayer le n°1. Mais peu de temps après mon arrivée, l’Atlético Madrid me propose de rallier son équipe B tout en m’entraînant avec le noyau A.

Le plan parfait. Sauf que Hercules demande 350.000 euros pour le transfert. Beaucoup trop pour les Colchoneros. Pour forcer mon départ, mon agent me conseille alors d’aller voir un médecin pour obtenir un certificat d’incapacité de travail. Quand tu as 17 ans, tu fais ce que ton agent te dit. Hercules ne tombe pas dans le panneau et refuse de casser mon contrat.

Je passe sept mois au placard, au bout desquels l’offre de l’Atlético a évidemment disparu. Les dirigeants d’Hercules enfoncent le clou :  » Si tu restes ici, tu ne joueras pas une minute pendant les quatre ans de contrat qu’il te reste.  » Il est temps de mettre les voiles… ce que fait mon agent, dont je ne reçois subitement plus de nouvelles.  »

Homonyme, Bernabeu et rêve américain

 » Plutôt désabusé, je poursuis ma carrière avec l’équipe B de Murcie en Segunda Division B. Contrairement à ce que plusieurs sites internet indiquent à mon propos, je n’ai jamais joué à Malte. Dans la région d’Alicante, il y a deux gardiens appelés Adrian Murcia. Lui c’est Sanchez, moi Rodriguez. D’où le mélange des carrières. J’ai eu deux-trois soucis avec cette homonymie, parce que l’autre, qui joue dans des divisions inférieures, a déjà reçu des offres qui m’étaient destinées.

L’amour du foot me reprend au moment de signer à Alcoyano, qui effectue une pige d’un an en D2. Lors de l’édition 2011-2012 de la Copa del Rey, on tombe sur le Real Madrid en 16e de finale. On perd 1-4 à l’aller et je suis titularisé au retour à Bernabeu. C’est l’époque où les premiers problèmes entre Iker Casillas et José Mourinho éclatent et c’est aussi le dernier match auquel les Ultras du Real sont autorisés à assister.

Pas moins de 60.000 Madrilènes se rassemblent donc dans le stade, la moitié d’entre eux pour hurler à Mourinho de dégager. À la 60e minute, c’est toujours 0-0. Vu le contexte, le coach portugais fait entrer Angel Di Maria et Karim Benzema, normalement mis au repos. On perd finalement 3-0 avec les félicitations des Merengue.

J’aime mon quotidien à Alcoyano, mais en Espagne, la D2B n’est pas viable financièrement pour les joueurs de 25-26 ans, surtout qu’elle leur prend trop de temps pour faire un autre boulot. Du coup, quand une université américaine me propose de rejoindre la D1 NCAA (la première division des unifs US, ndlr) en prenant en charge mes études, mon logement et mes prestations, je suis aux anges.

Le problème, c’est que seuls les joueurs qui n’ont pas de passé professionnel peuvent bénéficier de cette offre, ce qui n’est pas mon cas. Dénoncé aux autorités par des universités concurrentes, je dois mettre mon rêve américain de côté.  »

Tourisme à temps plein ?

 » Petit, j’ai toujours aimé regarder les programmes télévisés US ou britanniques. J’adore découvrir de nouvelles langues, d’où mon choix à vingt ans de me lancer dans des études de tourisme pour apprendre l’anglais et le français. À terme, je me vois travailler dans un hôtel ou lancer mon propre concept de stages hivernaux pour les clubs professionnels.

C’est peut-être par besoin d’aventure que j’accepte l’offre de Leikvik, en Islande, en 2016. Mais aussi pour profiter d’un statut de vrai professionnel de D1 avec 3600 euros de salaire mensuel. Là-bas, tout est magnifique, tu ne peux pas t’habituer à la beauté des fjords. Mais j’ai aussi l’impression de creuser ma tombe : le niveau équivaut à celui de la D2B et les clubs européens ne viennent pas chercher un joueur étranger en D1 islandaise. Ils estiment qu’il a déjà atteint son summum.

À Leikvik, je poursuis mon cursus en tourisme par correspondance. Mais à l’hiver 2017, pour parfaire mon français, je décide de me mettre à la recherche d’un club francophone. Après plusieurs tests, j’atterris finalement en D2 amateurs à Sprimont et je m’installe à Liège. Je ne garde pas un grand souvenir de mon passage là-bas. Le 31 décembre dernier, le président décide de me virer en même temps que deux autres joueurs. Il trouve qu’on lui coûte trop cher.

Bertrix m’ouvre heureusement sa porte et je participe à la mission maintien. Je continue à vivre comme un professionnel : j’arrive en premier au club et je repars le dernier, j’amène ma nourriture saine… j’ai toujours envie d’atteindre la D1A ou la D1B. Mais si je n’ai pas cette opportunité et que le foot devient un hobby, je resterai à Bertrix, je chercherai un boulot. Et je profiterai de la vie.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire